Ten Ten: Le retour des talkies-walkies version 2024
Imaginez pouvoir envoyer des messages vocaux à vos amis proches, même quand votre téléphone est verrouillé. C'est le pari réussi de la startup française Ten Ten, qui réinvente les talkies-walkies pour la génération Z. Lancée il y a moins d'un an sur iOS, l'application connaît un succès viral auprès des ados, suscitant dans le même temps critiques et interrogations. Décryptage d'un phénomène entre nostalgie et modernité.
Ten Ten, ou la résurrection branchée du talkie-walkie
Si le concept du talkie-walkie n'est pas nouveau, même sous forme d'application, Ten Ten le remet au goût du jour façon 2024. « Nous sommes éphémères par nature », explique Jule Comar, co-fondateur et PDG. Le nom de la startup, inspiré du code « 10-10 » signifiant « transmission terminée, en attente », est le premier indice de cette approche « vintage modernisée ».
Résultat, l'application gratuite grimpe en flèche dans les classements, notamment en France où elle totalise déjà 1 million de téléchargements. Au total, Ten Ten revendique 6 millions d'utilisateurs depuis son lancement, boostée par son arrivée récente sur Android.
Une croissance virale portée par TikTok
Si l'application propose un nombre d'amis limité à 9 par défaut (le fameux « cap » des talkies-walkies), cette restriction volontaire n'empêche pas une forte virabilité. Les utilisateurs s'échangent leurs codes PIN comme au bon vieux temps, mais via les réseaux sociaux. « TikTok a joué un rôle majeur dans notre croissance », confirme Comar.
Je voulais qu'on puisse communiquer comme si on était toujours sous le même toit, comme des colocataires : tu débarques dans leur chambre quand tu veux dire un truc, si leur porte est fermée tu toques, si elle est ouverte tu parles !
Jule Comar, co-fondateur et PDG de Ten Ten
Controverses et inquiétudes face au succès fulgurant
Mais cette ascension rapide s'accompagne aussi de critiques. Certains médias qualifient l'appli d'« inquiétante », pointant notamment son adoption massive dans les collèges et lycées. Les messages vocaux pouvant s'activer même sur écran verrouillé, Ten Ten permet farces et mini-perturbations en classe.
Des rumeurs infondées ont aussi circulé, prêtant à tort des origines chinoises et des intentions d'espionnage à la startup française, dûment enregistrée et soumise au RGPD. « J'ai été très surpris », commente Comar, « il n'y a rien de "dangereux" dans Ten Ten ! ». De fait, la politique de confidentialité assure que les conversations restent éphémères et ne sont pas stockées.
Un phénomène français dans l'air du temps
Pour Hugo Amsellem du fonds d'investissement Intuition VC, Ten Ten s'inscrit dans une tendance de fond des startups françaises, misant sur des « jeux de statut » pour séduire les jeunes. Qu'il s'agisse d'applications comme BeReal ou Yubo, ou d'objets comme les montres de luxe, l'idée est d'aider les utilisateurs à augmenter leur statut social.
Reste à voir si Ten Ten saura garder son capital « cool » sur la durée. Conscient de sa position à la fois privilégiée et fragile, Comar décrit un tourbillon d'émotions :
C'est exaltant, une sensation difficile à décrire (...) Tout va vite et lent en même temps, adrénaline mêlée de fierté, gratitude et responsabilités. Tu te sens grand et petit à la fois. (...) Mais on doit garder la tête sur les épaules, ce n'est que le début, le plus dur reste à venir.
Jule Comar
Plutôt que d'alimenter une énième panique morale, l'engouement pour Ten Ten pourrait être l'occasion de (re)dialoguer entre générations. Parents et ados y verront peut-être un moyen ludique d'apprivoiser le retour en grâce des talkies-walkies, objets cultes remis au goût du jour pour le meilleur et pour le rire !