La BCE abaisse ses taux : un répit pour l’économie ?
Enfin ! Après deux longues années de resserrement monétaire, la Banque Centrale Européenne a pris la décision tant attendue d'abaisser son taux de dépôt de 0,25 point, le faisant passer de 4% à 3,75%. Une bouffée d'air frais pour l'économie européenne en berne ? Pas si sûr. Décryptage d'une décision aux effets incertains.
Un reflux de l'inflation amorcé
Rappelons le contexte : face à une inflation galopante atteignant des sommets à près de 11% fin 2022, la BCE n'a eu d'autre choix que de resserrer drastiquement sa politique monétaire. Résultat, ses taux directeurs sont passés en moins de deux ans de -0,5% à 4%, un tour de vis monétaire inédit.
Mais depuis quelques mois, le vent semble tourner. L'inflation globale est retombée à 2,6% en mai, certes un peu plus qu'en avril mais loin des records de 2022. La BCE en convient elle-même :
L'inflation devrait rester supérieure à l'objectif pendant une grande partie de l'année prochaine.
– Communiqué de presse de la BCE du 6 juin
Des baisses de taux encore incertaines
Pour autant, difficile de prédire la suite. Si la baisse de juin était largement anticipée par les marchés, la BCE veut avancer avec prudence pour la suite. La perspective d'une nouvelle baisse dès juillet est encore floue.
Beaucoup dépendra de la Réserve Fédérale américaine. Contrairement à la BCE, la Fed devrait attendre encore quelques mois avant d'assouplir sa politique monétaire, l'inflation étant encore dynamique outre-Atlantique.
Si la baisse de taux n'intervient pas cette année aux Etats-Unis, cela pourrait freiner le rythme d'assouplissement de la BCE.
– Christopher Dembik, économiste chez Pictet AM
Un impact économique limité à court terme
Et pour l'économie européenne, quels effets attendre de cette première baisse ? À court terme, pas de miracle en vue.
La croissance en zone euro est restée atone depuis le début d'année, handicapée par le resserrement des conditions de crédit et la prudence des entreprises sur leurs investissements. Des facteurs que la baisse des taux ne fera pas disparaître du jour au lendemain.
Même constat pour le crédit. La baisse ayant été largement anticipée, elle n'aura que peu d'impact immédiat sur les conditions d'emprunt. La détente se fera graduellement au fil des mois.
- Le coût du crédit va rester élevé pour les entreprises et ménages dans les prochains mois
- L'effet positif sur la croissance ne sera pas visible avant 2025
- Le risque d'une dépréciation de l'euro face au dollar pourrait limiter les baisses de taux futures
Autre point d'attention : l'évolution des prix des matières premières. Ceux-ci connaissent un regain depuis le début d'année, à l'image du fret maritime. De quoi compliquer la tâche de la BCE, la politique monétaire ayant peu de prise sur ces facteurs externes.
En définitive, si cette première baisse de taux vient confirmer l'inflexion de la politique de la BCE, ses effets resteront encore ténus sur l'économie réelle. L'institution de Francfort devra trouver le bon rythme pour soutenir la croissance sans relancer l'inflation. Un exercice d'équilibriste dans un contexte économique encore bien incertain.