Adobe poursuivi en justice pour dissimulation de frais
Le géant des logiciels Adobe se retrouve sous le feu des projecteurs, mais pas pour les meilleures raisons. Le ministère américain de la Justice vient en effet de porter plainte contre l'entreprise, l'accusant d'avoir délibérément trompé ses clients en leur dissimulant l'existence de frais de résiliation anticipée pouvant se chiffrer en centaines de dollars. Une affaire qui soulève de sérieuses questions quant à la transparence et l'éthique de certaines pratiques commerciales dans l'industrie du numérique.
Adobe dans le viseur des autorités
C'est une plainte au vitriol qu'a déposée le ministère de la Justice auprès d'un tribunal californien à l'encontre d'Adobe, le célèbre éditeur des logiciels Photoshop et Acrobat. Selon l'accusation, l'entreprise aurait sciemment poussé ses clients vers ses abonnements les plus lucratifs, notamment annuels, tout en omettant de leur communiquer clairement les conditions de résiliation et les frais associés.
Samuel Levine, directeur du bureau de protection des consommateurs à la Federal Trade Commission (FTC), n'y est pas allé de main morte dans ses déclarations :
Adobe a piégé ses clients dans des abonnements annuels à l'aide de frais cachés de résiliation anticipée et à de nombreux obstacles d'annulation.
Samuel Levine, FTC
Des propos qui font écho aux témoignages de nombreux utilisateurs s'étant sentis lésés par les pratiques de l'entreprise. Parmi les griefs : un manque flagrant de transparence sur les frais de résiliation anticipée, pouvant représenter jusqu'à 50% des mensualités restantes, et des processus de résiliation volontairement complexifiés pour dissuader les clients de mettre fin à leur abonnement.
Des conditions d'utilisation opaques
Au cœur du problème : le manque de clarté des conditions d'utilisation et de résiliation des abonnements Adobe. Comme le souligne la plainte, l'entreprise affiche par défaut le coût mensuel sans mentionner explicitement l'existence ni le montant des frais de résiliation anticipée.
Pire, ces informations cruciales seraient délibérément rendues difficiles d'accès pour le consommateur :
- Inscrites en petits caractères sur le site web
- Dissimulées derrière des zones de texte optionnelles
- Accessibles uniquement en survolant de petites icônes
Des pratiques qui, selon les autorités, viseraient à piéger les utilisateurs dans des abonnements sur le long terme, quitte à les induire en erreur sur leurs droits et les exposer à de lourdes pénalités en cas de résiliation.
Un processus de résiliation kafkaïen
L'autre grand reproche adressé à Adobe concerne la complexité volontaire de ses processus de résiliation. D'après la plainte, les clients souhaitant mettre fin à leur abonnement se retrouvent confrontés à un véritable parcours du combattant :
- Navigation fastidieuse sur de nombreuses pages
- Appels au service client ponctués d'interruptions et de multiples transferts
- Discussions biaisées visant à les faire renoncer
Certains témoignages font même état de clients ayant réussi – pensaient-ils – à résilier leur abonnement, mais qui ont continué à être facturés pendant des mois. Une situation kafkaïenne qui en dit long sur les dérives de certaines stratégies commerciales dans le secteur du numérique.
Un double discours sur la transparence
Cette affaire intervient quelques semaines seulement après une autre polémique impliquant Adobe. L'entreprise avait alors été épinglée pour avoir modifié ses conditions d'utilisation de manière opaque, s'octroyant le droit d'analyser les contenus des utilisateurs à l'aide d'outils d'intelligence artificielle, sans les en informer clairement au préalable.
Face au tollé, Adobe avait dû faire marche arrière et clarifier sa position, assurant qu'il n'utiliserait pas les contenus des clients pour entraîner ses IA et ne revendiquerait pas leur propriété. Un rétropédalage qui illustre le décalage entre le discours de transparence affiché par l'entreprise et la réalité de certaines de ses pratiques.
Si Adobe se dit aujourd'hui « déterminé à être un partenaire de confiance pour les créateurs de contenu » et promet de « travailler sans relâche » pour y parvenir, ces récentes affaires viennent sérieusement écorner son image et sa crédibilité. Elles mettent en lumière les dérives d'un système qui, sous couvert de proposer des offres attractives et flexibles, n'hésite pas à piéger les consommateurs dans des abonnements difficiles à rompre.
À l'heure où les géants de la tech sont de plus en plus scrutés pour leurs pratiques commerciales, cette plainte contre Adobe sonne comme un rappel à l'ordre. Elle réaffirme la nécessité d'une transparence totale sur les conditions d'engagement et de résiliation, et le droit inaliénable des consommateurs à faire des choix éclairés.
Espérons que cette affaire serve de piqûre de rappel à l'industrie et encourage l'adoption de pratiques commerciales plus éthiques et respectueuses des utilisateurs. C'est à ce prix que le secteur du numérique pourra rétablir une relation de confiance durable avec ses clients et se prémunir contre de coûteux déboires judiciaires.