Adnoc envisage le rachat du géant allemand Covestro pour 12 milliards d’euros
L'industrie chimique mondiale pourrait bientôt connaître un séisme majeur. La compagnie pétrolière nationale des Émirats Arabes Unis, Abu Dhabi National Oil Co (Adnoc), et le producteur allemand de polymères Covestro viennent d'annoncer leur entrée dans des "négociations concrètes" en vue d'une transaction potentielle qui valoriserait Covestro à près de 12 milliards d'euros. Une annonce fracassante après plusieurs mois de pourparlers entre les deux groupes.
Un mariage révolutionnaire entre pétrole et polymères high-tech
Si elle se concrétise, cette opération marquerait un rapprochement inédit entre un géant pétrolier du Moyen-Orient et un fleuron européen des matériaux innovants. Covestro, ancien pôle "matériaux haute performance" du mastodonte Bayer, est en effet un leader mondial dans les domaines des polyuréthanes, polycarbonates et autres polymères de spécialité utilisés dans une multitude d'applications de pointe.
En mettant la main sur ce joyau technologique, Adnoc réaliserait un coup stratégique majeur pour se diversifier au-delà des hydrocarbures et se positionner sur les marchés d'avenir des matériaux. Une manière aussi pour le groupe émirati de sécuriser des débouchés premium et différenciants pour sa production pétrolière.
Des négociations entrées dans une phase décisive
Si rien n'est encore signé, le PDG de Covestro Markus Steilemann a confirmé que les discussions avec Adnoc avaient "bien progressé", justifiant l'entrée dans des négociations plus poussées. Les prochaines semaines s'annoncent décisives, avec un audit approfondi des comptes et activités de Covestro (due diligence) et la finalisation des termes d'un éventuel accord.
À l'heure actuelle, il n'est pas certain que les négociations à venir aboutissent à une transaction.
Communiqué de Covestro
L'opération se ferait sur la base d'un prix de 62 euros par action Covestro, en ligne avec les récentes spéculations de marché. Un montant jugé suffisamment attractif par le management de Covestro pour ouvrir grand ses livres de comptes.
Covestro, un géant mondial des polymères et de la chimie
Comptant parmi les leaders de l'industrie chimique allemande, Covestro a réalisé un chiffre d'affaires de 14,4 milliards d'euros en 2023 avec un vaste portefeuille dans les polymères de haute technologie. Le groupe emploie plus de 17 500 personnes dans le monde et exploite 48 sites de production.
Son rachat par Adnoc serait l'une des plus grosses opérations de fusion-acquisition de l'année et propulserait la compagnie arabe parmi les tout premiers acteurs mondiaux de la chimie. Une diversification stratégique majeure qui illustre les grandes manœuvres à l'œuvre dans ce secteur en pleine transformation.
Un secteur de la chimie en pleine recomposition
L'intérêt d'Adnoc pour Covestro témoigne des profondes mutations qui traversent l'industrie chimique mondiale, confrontée aux défis de la décarbonation, de l'économie circulaire et des nouveaux usages émergents comme la mobilité électrique ou les énergies renouvelables. Dans ce contexte, les géants pétroliers cherchent à sécuriser leur avenir en investissant dans des activités à plus forte valeur ajoutée et moins exposées au risque climatique.
De leur côté, les grands chimistes européens comme Covestro sont à la recherche de partenaires capitalistiques solides pour financer leurs lourds investissements dans la R&D et les nouvelles capacités "vertes". Un mariage avec un groupe pétrolier offrant une intégration verticale et l'accès à une matière première bon marché et sécurisée peut ainsi faire sens.
Dans ce grand jeu de Monopoly planétaire, la place de l'Europe et de son industrie chimique est plus que jamais en question. Le dossier Adnoc-Covestro est symptomatique d'un risque accru de perte de souveraineté et de contrôle sur des actifs et savoir-faire critiques. Un défi majeur pour les autorités du Vieux Continent.