L’écart salarial entre hommes et femmes dans la tech se creuse
Malgré les progrès en matière d'égalité ces dernières années, force est de constater que les disparités salariales persistent, voire s'aggravent, dans certains secteurs comme celui de la technologie au Canada. C'est le constat alarmant que dresse un nouveau rapport de l'organisation The Dais, basée à l'Université métropolitaine de Toronto. Intitulée "Canada's Got Tech Talent", cette étude met en lumière le fossé grandissant entre les rémunérations des hommes et des femmes travaillant dans la tech.
Un écart qui a triplé en cinq ans
Selon les données analysées, l'écart salarial moyen entre hommes et femmes dans le secteur technologique canadien est passé de 7 200 dollars en 2016 à 20 000 dollars en 2021. Ainsi, les hommes gagnaient en moyenne 91 000 dollars annuels, contre seulement 71 400 dollars pour leurs homologues féminins. Une disparité qui s'est donc presque triplée en l'espace de cinq ans, soulignant l'aggravation des inégalités dans ce domaine pourtant porteur et en constante évolution.
Ces inégalités contribuent à des disparités sociétales plus larges et doivent être combattues pour favoriser un secteur technologique plus équitable.
- Karim Bardeesy, directeur exécutif de The Dais
Stagnation des salaires féminins dans les tranches supérieures
L'étude révèle un autre fait marquant : les salaires des femmes se situant dans les 60 à 80% les mieux rémunérées (généralement des postes seniors mais non de direction) sont restés stables sur la période, même en tenant compte de facteurs comme les changements d'emploi ou l'arrivée d'un enfant. À l'inverse, dans ces mêmes tranches, les hommes ont vu leur rémunération horaire augmenter de 15 dollars de plus que les femmes. Selon les auteurs du rapport, Viet Vu et Angus Lockhart, cette stagnation des salaires des femmes les mieux payées est la principale responsable du creusement de l'écart salarial global sur cinq ans.
Les données sont démoralisantes. Il y a cette couche supplémentaire de travail presque domestique imposée aux femmes sur le lieu de travail. On nous demande plus souvent de prendre des notes ou d'aller chercher un colis pendant une réunion importante. Ces conversations subtiles où les hommes demandent aux femmes de faire ce genre de travail les excluent et s'accumulent avec le temps.
- Danielle Graham, co-fondatrice de The Firehood
Des disparités aussi marquées entre groupes ethniques
Au-delà du genre, le rapport s'est aussi penché sur les écarts salariaux entre personnes racisées et non racisées. Là encore, le différentiel est significatif : en 2021, les travailleurs tech issus de minorités visibles gagnaient en moyenne 78 800 dollars par an, contre 93 000 dollars pour ceux n'appartenant pas à une minorité visible. Il existe cependant des nuances au sein de la catégorie "personnes racisées" : les travailleurs arabes avaient par exemple un revenu supérieur à celui de leurs homologues blancs (98 581 dollars).
Les travailleurs noirs et philippins étaient les moins bien rémunérés, avec respectivement 70 955 et 73 079 dollars annuels en moyenne. Les travailleurs autochtones se situaient entre ces deux groupes, avec un revenu moyen de 72 000 dollars. L'étude souligne aussi la faible participation des populations autochtones aux métiers de la tech (1,4% contre 4,8% pour les autres groupes), illustrant les barrières à l'entrée qu'elles rencontrent, comme l'accès limité au haut débit et à l'éducation numérique dans les réserves.
Les immigrés temporaires désavantagés malgré leur forte présence
Enfin, le rapport révèle que les immigrés non résidents permanents, bien que surreprésentés dans la tech (8,7% contre 7,6% pour les immigrés résidents et 3,4% pour les natifs), souffrent d'une rémunération bien inférieure : 52 800 dollars en moyenne, loin derrière les 88 000 dollars des immigrés et les 89 800 dollars des non-immigrés. Le système d'immigration ciblé du Canada pour combler les pénuries de main-d'œuvre explique cette forte participation des nouveaux arrivants (15 des 22 types de professions éligibles aux permis de travail sont liées à la tech).
Le Canada fait face à une bataille difficile pour attirer les travailleurs tech immigrés, avec les États-Unis juste à la frontière qui offrent des salaires en moyenne 46% plus élevés que ce à quoi les travailleurs tech canadiens peuvent s'attendre.
- Viet Vu et Angus Lockhart, auteurs du rapport
Melissa Nightingale, fondatrice du cabinet de conseil Raw Signal Group, qualifie d'"encore plus stupide dans le secteur tech" la pratique consistant à demander aux immigrés une expérience de travail canadienne, désormais interdite en Ontario mais encore répandue au moment de la collecte des données.
Si j'arrive ici en tant qu'immigrée et que vous me dites que j'ai besoin d'une expérience canadienne, je vais donner la priorité à l'obtention d'un emploi local. Mais si une personne née ici avec une expérience similaire accepte un emploi à distance au sud de la frontière, elle finit par s'en sortir mieux financièrement. C'est grotesque.
- Melissa Nightingale, fondatrice de Raw Signal Group
Ce rapport dresse donc un bilan préoccupant de l'évolution des inégalités salariales dans le secteur technologique canadien. Il appelle à une prise de conscience et à des actions concrètes pour réduire ces écarts et offrir à tous, quels que soient leur genre ou leur origine, les mêmes opportunités de réussite dans ce domaine clé pour l'économie et l'innovation du pays.