Acquisition de Humi : Leçons d’un Fondateur
Imaginez avoir bâti une entreprise pendant dix ans, avec l'ambition de devenir le leader incontesté sur votre marché. Et puis, un jour, arrives l'offre d'acquisition. Soulagement financier, accès à des ressources infinies... mais aussi un processus épuisant qui vous marque à vie. C'est exactement ce qu'a vécu Kevin Kliman, co-fondateur de Humi, cette startup torontoise spécialisée dans les ressources humaines.
Son témoignage, partagé récemment, résonne particulièrement dans l'écosystème tech canadien. À l'approche du premier anniversaire de l'acquisition par Employment Hero, il livre un bilan nuancé : une opération qui permet de poursuivre la mission initiale, mais à quel prix personnel ?
L'acquisition de Humi : une réussite stratégique, un parcours humain éprouvant
Humi n'est pas une startup comme les autres. Fondée il y a une décennie, elle s'est imposée comme une solution complète pour la gestion des ressources humaines au Canada. Paie, avantages sociaux, gestion des talents : tout y passe, avec une ambition claire dès le départ.
La mission dès le début était de construire le plus grand système de soutien pour les employeurs canadiens.
– Kevin Kliman, co-fondateur de Humi
Cette vision reste intacte aujourd'hui. Grâce à l'acquisition par le groupe australien Employment Hero, Humi dispose désormais des capitaux et des infrastructures nécessaires pour viser les 100 millions de dollars de chiffre d'affaires au Canada. Un objectif qui semblait hors de portée en tant qu'entreprise indépendante, en retard sur sa courbe de revenus dans un contexte venture difficile.
Mais derrière cette réussite stratégique se cache une réalité plus brute. Kevin Kliman ne mâche pas ses mots : le processus d'acquisition a été la période la plus difficile de sa carrière d'entrepreneur.
Les trois options incontournables pour une scale-up mature
Comme beaucoup de fondateurs arrivés à un certain stade, Kevin Kliman s'est retrouvé face à un choix crucial. Humi avait essentiellement trois voies possibles :
- Levant une nouvelle ronde de financement dans un marché venture refroidi.
- Atteindre la rentabilité cash-flow positive de manière organique.
- Opter pour une sortie via acquisition.
La troisième option s'est imposée. Pas par échec, mais par pragmatisme. Elle permet de continuer la mission tout en sécurisant l'avenir de l'équipe et des clients. Un raisonnement que partagent de plus en plus de fondateurs canadiens ces dernières années.
Cette décision illustre parfaitement la maturité croissante de l'écosystème tech canadien. Les sorties ne sont plus vues comme un abandon, mais comme un outil stratégique pour accélérer la croissance.
Le prix humain d'une acquisition
Si l'issue est positive, le chemin pour y arriver ne l'est pas toujours. Kevin Kliman l'affirme sans détour : il dort mieux depuis l'acquisition, mais le processus l'a profondément changé.
Je ne veux plus jamais revivre ça. Se faire acquérir était incroyable. Passer à travers une acquisition a été la chose la plus dure que j'ai faite.
– Kevin Kliman
Ces mots font écho à de nombreux témoignages d'entrepreneurs ayant vécu des M&A. Due diligence interminable, négociations tendues, incertitude pour les employés, gestion des attentes des investisseurs... Tout cela s'accumule sur les épaules des fondateurs.
Pourtant, peu en parlent ouvertement. La culture startup valorise souvent les IPO ou les licornes indépendantes. Les acquisitions, même réussies, restent parfois taboues, associées à un sentiment d'échec relatif.
Kevin Kliman brise ce silence. Il liste une série de leçons apprises, trop nombreuses pour être toutes détaillées, mais qui mériteraient d'être partagées largement.
Des leçons précieuses pour la nouvelle génération
Ce témoignage arrive à un moment clé pour l'écosystème canadien. De nombreuses startups approchent de leur dixième anniversaire. Beaucoup se posent les mêmes questions que Humi il y a un an.
Quelles sont les bonnes pratiques pour préparer une sortie ? Comment gérer l'émotionnel ? Comment protéger la culture d'entreprise ? Autant de sujets que les fondateurs expérimentés pourraient transmettre.
- Préparer l'entreprise dès les premières rondes pour une éventuelle sortie.
- Communiquer transparemment avec l'équipe tout au long du processus.
- Choisir un acquéreur aligné sur la vision long terme, pas seulement sur le prix.
- Prendre soin de sa santé mentale pendant les négociations.
- Documenter tout pour faciliter la due diligence.
Ces conseils, bien que généraux ici, gagneraient à être détaillés par ceux qui les ont vécus. Une série d'articles ou de podcasts sur ces expériences pourrait s'avérer précieuse pour la communauté.
Le contexte plus large de la tech canadienne
L'histoire de Humi ne se déroule pas dans le vide. Elle s'inscrit dans un mouvement plus large. Ces dernières années, plusieurs acquisitions notables ont marqué le paysage tech canadien.
Les investisseurs poussent de plus en plus vers des sorties plutôt que des croissances infinies. Le financement devient plus sélectif. Les scale-ups doivent démontrer une voie claire vers la rentabilité ou une sortie stratégique.
Dans le domaine des RH en particulier, la consolidation s'accélère. Les plateformes tout-en-un comme Humi attirent les grands groupes internationaux cherchant à s'implanter rapidement au Canada.
Employment Hero, avec son implantation en Asie et en Europe, voit dans Humi le véhicule idéal pour conquérir le marché nord-américain. Une logique gagnant-gagnant sur le papier.
Et après ? La vie post-acquisition
Un an après, Kevin Kliman dirige Employment Hero Canada. Il continue à piloter la croissance de ce qui était autrefois Humi. La marque semble préservée, l'équipe renforcée.
Mais le fondateur porte désormais un regard différent sur l'entrepreneuriat. L'expérience l'a mûri. Il conseille aux jeunes fondateurs de bien peser chaque option, sans idéaliser l'indépendance à tout prix.
La réussite n'est pas seulement dans la valorisation ou l'autonomie totale. Elle peut aussi passer par une intégration intelligente dans une structure plus large, capable de porter la vision initiale plus loin.
Vers plus de transparence dans les sorties
Le témoignage de Kevin Kliman ouvre une porte. Celle d'une conversation plus honnête sur les sorties au Canada. Trop souvent, on célèbre les levées de fonds spectaculaires et on oublie les réalités des exits.
Pourtant, les acquisitions représentent une part importante des retours pour les investisseurs et les fondateurs. Elles permettent aussi de consolider des positions de marché et de créer des champions nationaux ou régionaux.
En partageant les coulisses, les entrepreneurs expérimentés peuvent aider la nouvelle génération à mieux naviguer ces eaux complexes. Préparation, résilience émotionnelle, choix du partenaire : tout compte.
L'écosystème canadien a mûri. Il est temps que les récits de sorties mûrissent aussi, passant du tabou à la ressource pédagogique.
L'histoire de Humi et de Kevin Kliman nous rappelle une vérité simple : bâtir une entreprise est un marathon. Parfois, franchir la ligne d'arrivée passe par un relais plutôt que par une course en solo jusqu'au bout.
Une leçon précieuse pour tous ceux qui rêvent de construire le prochain grand succès tech canadien.