Aéro Partenaires 2 : Un Fonds de Soutien Controversé
L'aéronautique française traverse une zone de turbulences. Alors que la filière peine à redécoller après le choc du Covid, un nouveau fonds de soutien baptisé "Aéro Partenaires 2" vient d'être lancé. Piloté par Tikehau Capital, il vise à lever 800 millions d'euros pour aider les entreprises du secteur. Mais derrière les bonnes intentions, le projet ne fait pas l'unanimité parmi les grands donneurs d'ordre.
Un décollage laborieux
Annoncé en grande pompe fin 2023, Aéro Partenaires 2 a mis près d'un an à voir le jour. La faute à de profondes divergences entre Airbus, principal promoteur de l'initiative, et ses partenaires Safran, Thales et Dassault Aviation. Si le premier a mis 100 millions d'euros sur la table, les autres se sont montrés bien plus frileux, plafonnant leurs contributions à 40 millions pour Safran et à peine 10 millions chacun pour Thales et Dassault.
Un manque d'enthousiasme qui s'explique par des visions divergentes. Quand Airbus, en quête de cadences, voulait un fonds ouvert aux PME comme aux grands équipementiers, les autres plaidaient pour un centrage sur les petits sous-traitants. Résultat, la cagnotte visée a été revue à la baisse, passant de 2 milliards espérés à 800 millions.
Des objectifs flous
Au-delà des montants, c'est la finalité même du fonds qui interroge. Officiellement dédié au sauvetage des "maillons faibles", Aéro Partenaires 2 n'a en réalité pas vocation à jouer les Saint-Bernard. Comme le reconnaît Thomas Friedberger, directeur chez Tikehau :
L'objectif du fonds n'est pas de sauver les maillons faibles mais d'investir dans les meilleures sociétés que nous accompagnons et consolidons.
– Thomas Friedberger, Tikehau Capital
Un positionnement qui fait dire à certains observateurs que le fonds est mal outillé pour sa mission affichée. Compétences limitées en retournement, volonté de rendement... Autant de freins à une action ciblée sur les entreprises les plus fragiles.
Airbus, moteur malgré lui
Dans ce contexte, c'est Airbus qui a dû mouiller la chemise pour sauver les meubles. Quitte à faire cavalier seul, l'avionneur était prêt à lancer son propre fonds pour préserver son écosystème de fournisseurs, vital pour tenir ses montées en cadence. Un activisme qui en dit long sur l'urgence de la situation, mais aussi sur le manque de cohésion de la filière.
Car si les objectifs diffèrent, les intérêts aussi. Un équipementier aidé par un donneur d'ordre peut devenir le concurrent d'un autre. Pas simple, dans ces conditions, de jouer collectif. Surtout quand les moyens restent limités au regard des besoins.
Un outil à réinventer
Face à ces écueils, certains plaident pour une refonte en profondeur d'Aéro Partenaires. Revoir la gouvernance pour donner plus de latitude au fonds, cibler davantage les entreprises en difficulté, muscler les capacités d'intervention... Autant de pistes pour renforcer l'efficacité de cet outil. Quitte à bousculer les habitudes d'un secteur peu enclin au partage.
Le temps presse en tout cas. Avec des carnets de commandes qui se remplissent mais une trésorerie encore fragile, de nombreux sous-traitants jouent leur survie. Dans ce contexte, un fonds plus agile et mieux doté serait un précieux atout. À condition que les grands donneurs d'ordre jouent enfin la carte de la solidarité. Une révolution culturelle loin d'être gagnée.
Quel avenir pour la consolidation ?
Au-delà de son efficacité propre, Aéro Partenaires 2 pose la question plus large de la consolidation du secteur. Tous s'accordent sur la nécessité de faire émerger des ETI voire des champions de taille intermédiaire, mieux armés pour résister aux crises et investir. Mais le chemin est encore long et semé d'obstacles, comme le manque de projets industriels clairement définis.
Surtout, il faudra plus que des fonds pour réussir ce pari. Une volonté politique affirmée, un meilleur partage de la valeur, une vision à long terme... Autant de prérequis pour bâtir une filière plus intégrée et résiliente. Le défi est immense mais crucial. Il en va de la place de l'aéronautique française dans le ciel de demain.
Aéro Partenaires 2 n'est qu'une première pierre à un édifice qui reste largement à construire. Malgré ses limites et les doutes qu'il suscite, il a le mérite d'ouvrir le débat sur l'avenir d'une industrie en pleine mutation. Aux acteurs de la filière de s'en saisir pour dessiner, ensemble, une feuille de route ambitieuse. L'enjeu n'est rien de moins que notre souveraineté aéronautique.
