
Alternance en Industrie : Frein Après des Années de Croissance
Et si l’élan de l’alternance dans l’industrie, porté par des années de croissance fulgurante, était en train de s’essouffler ? En 2024, les chiffres parlent d’eux-mêmes : une baisse de 2,8 % des nouveaux contrats par rapport à 2023, selon les données de l’Opco 2i. Après une progression impressionnante de 36 % entre 2020 et 2024, ce ralentissement interpelle. Que se passe-t-il dans ce secteur clé de l’économie française, et quelles leçons peut-on en tirer pour l’avenir ?
L’Alternance Industrielle : Un Bilan Contrasté en 2024
Depuis sa création en 2020, l’Opco 2i, qui regroupe 29 branches industrielles hors agroalimentaire, a vu le nombre d’alternants exploser. De jeunes apprenants ont afflué vers des formations techniques, séduits par des métiers concrets et des promesses d’emploi stable. Mais cette année, la dynamique semble marquer le pas, avec des chiffres qui oscillent entre stagnation et légère régression.
Une Croissance Stoppée dans son Élan
En 2024, 82 600 nouveaux contrats d’apprentissage ont été signés dans l’industrie, un chiffre quasi identique à celui de 2023 (82 400). À première vue, cette stabilité pourrait rassurer. Pourtant, elle cache une réalité plus nuancée : les contrats de professionnalisation, une autre forme d’alternance, chutent drastiquement de 14 900 à 11 900, soit une baisse de 20 %. La fin des aides gouvernementales explique en partie ce recul, laissant les entreprises et les candidats face à des choix plus complexes.
Sur le long terme, le bilan reste positif. Entre 2020 et 2024, le « stock » d’alternants – ceux en cours de formation – a bondi de 36 %. Aujourd’hui, ils représentent 4,6 % des effectifs salariés des branches couvertes par l’Opco 2i. Mais ce plateau atteint en 2023 et 2024 sonne comme un signal : la machine ralentit.
« Les grandes entreprises accueillent plus d’alternants, mais ce sont les petites qui en font une part plus importante de leurs équipes. »
– Fabien Boisbras, responsable de l’Observatoire Opco 2i
Des Formations Toujours en Phase avec les Besoins
Malgré ce freinage, l’industrie peut se targuer d’un atout majeur : ses formations collent aux attentes des employeurs. En 2024, 29 % des cursus suivis par les alternants sont qualifiés de **cœur de métier**, directement liés aux besoins spécifiques des industriels. À cela s’ajoutent 31 % de formations **interindustrielles**, polyvalentes et adaptées à plusieurs secteurs. Le reste, plus généraliste, complète une offre qui reste pertinente.
Quels diplômes attirent le plus ? Le BTS Maintenance des systèmes arrive en tête, suivi du BTS Électrotechnique et du Bac Pro Technicien en chaudronnerie industrielle. Mais une tendance se dessine : les formations de niveau supérieur (licences et masters) gagnent du terrain. En 2024, elles représentent 64 % des diplômes préparés par les nouveaux alternants, contre 55 % en 2020. Une montée en gamme qui reflète les ambitions des jeunes et des entreprises.
Petites Entreprises, Gros Efforts
Si l’alternance séduit, elle ne touche pas toutes les entreprises de la même manière. Sur les 80 000 affiliées à l’Opco 2i, seules 28 % ont accueilli un alternant en 2024. Les grandes structures, avec leurs moyens et leur visibilité, dominent en nombre brut. Mais en proportion, ce sont les TPE (moins de 10 salariés) qui brillent : les alternants y pèsent 7,7 % des effectifs, contre 4,8 % dans les entreprises de plus de 250 salariés.
Les entreprises intermédiaires (50 à 249 salariés) restent à la traîne, avec seulement 3,5 % d’alternants dans leurs rangs. Un défi se pose : mieux accompagner ces structures pour qu’elles intègrent davantage de jeunes en formation. Car, comme le souligne Fabien Boisbras, les petites entreprises montrent qu’avec peu de moyens, on peut faire beaucoup.
Les Secteurs Champions de l’Alternance
Tous les secteurs industriels ne jouent pas dans la même cour. Ceux qui affichent les taux d’alternance les plus élevés – proches de 8 % – ont souvent une forte tradition artisanale. La maroquinerie, l’ameublement ou encore la joaillerie tirent leur épingle du jeu grâce à une culture des **métiers d’art**. Mais d’autres, comme les industries nautiques ou les services d’efficacité énergétique, surfent sur des besoins modernes et une image dynamique.
Ces champions prouvent une chose : l’alternance n’est pas qu’une question de chiffres, mais aussi d’identité. Les secteurs qui savent valoriser leurs spécificités attirent plus facilement les talents de demain.
Une Image qui S’Améliore, un Levier à Saisir
L’industrie n’est plus le vilain petit canard qu’elle était autrefois. Entre 2020 et 2024, son image auprès du grand public a grimpé de 17 points, atteignant 64 % d’opinions favorables. Un score qui dépasse même celui du commerce et de la distribution (59 %), en perte de vitesse. Ce regain de popularité, l’Opco 2i y voit le fruit de ses efforts pour promouvoir le secteur auprès des jeunes et de leurs familles.
Mais cette embellie ne doit pas masquer les défis. Si l’industrie séduit davantage, elle doit transformer cet intérêt en vocations concrètes. Car une image positive ne suffit pas : il faut des opportunités, des financements et un accompagnement solide.
Les Défis de Demain : Relancer la Machine
Le ralentissement de 2024 n’est pas une fatalité, mais un appel à l’action. La fin des aides publiques a fragilisé les contrats de professionnalisation, et le gouvernement démissionnaire envisage même de réduire les subventions à l’apprentissage dans son budget 2025. Face à cela, les industriels doivent innover : mieux cibler les PME, diversifier les formations, et surtout, capitaliser sur l’attrait croissant du secteur.
Car l’enjeu est clair : dans un monde en pleine transition écologique et numérique, l’industrie a besoin de talents formés et motivés. L’alternance, avec sa capacité à allier théorie et pratique, reste une réponse idéale – à condition de ne pas laisser la dynamique s’éteindre.
Et Après ? Une Vision pour l’Avenir
Alors, que réserve l’avenir à l’alternance industrielle ? Si les chiffres de 2024 marquent une pause, ils ne signent pas la fin d’une ambition. Les formations de niveau supérieur progressent, les petites entreprises s’impliquent, et l’image du secteur s’améliore. Autant de signaux qui laissent espérer une relance, à condition que les acteurs – entreprises, pouvoirs publics, organismes de formation – jouent collectif.
Pour les jeunes, l’industrie reste une terre d’opportunités. Des métiers techniques aux carrières managériales, les portes sont ouvertes. Reste à savoir si le système saura les accueillir à la hauteur de leurs attentes.
En somme, 2024 n’est pas une fin, mais un tournant. L’alternance dans l’industrie a prouvé sa valeur ; à elle maintenant de se réinventer pour continuer à façonner le monde de demain.