Amazon Défie Nvidia avec Trainium
Imaginez un marché où un seul acteur règne en maître absolu, avec plus de 80 % de parts, et où des centaines de milliards de dollars sont en jeu. C’est exactement la situation actuelle dans le domaine des puces pour l’intelligence artificielle. Pourtant, un géant du cloud vient de déclarer ouvertement la guerre à ce leader incontesté. Et il affirme déjà empocher des milliards grâce à son alternative maison.
Amazon s'attaque au trône de Nvidia avec Trainium
Lors de la conférence AWS re:Invent 2025, Andy Jassy, le PDG d’Amazon, n’y est pas allé par quatre chemins. Son chip dédié à l’entraînement des modèles d’IA, baptisé Trainium, est déjà un succès commercial retentissant. Mieux encore : la version actuelle, Trainium2, génère un chiffre d’affaires annuel de plusieurs milliards de dollars.
Ce n’est pas une simple annonce marketing. Jassy a partagé des chiffres concrets qui donnent le vertige : plus d’un million de chips en production, plus de 100 000 entreprises qui l’utilisent, et une adoption massive au sein de Bedrock, la plateforme d’Amazon pour développer des applications IA.
Le business Trainium2 a une traction substantielle, c’est un activité à plusieurs milliards de dollars de run-rate, avec plus d’1M de chips en production, et plus de 100K entreprises qui l’utilisent.
– Andy Jassy, PDG d’Amazon
Ce qui rend cette déclaration explosive, c’est le contexte. Nvidia domine outrageusement le marché des accélérateurs IA grâce à ses GPU et à son écosystème logiciel CUDA. Mais Amazon propose une alternative qui, selon Jassy, offre un rapport prix-performances imbattable.
Pourquoi Trainium séduit déjà autant les clients
La stratégie d’Amazon n’est pas nouvelle : proposer des solutions maison performantes à des prix plus bas que la concurrence. C’est la recette qui a fait le succès d’AWS depuis ses débuts. Appliquée aux puces IA, elle semble porter ses fruits.
Les clients ne choisissent pas Trainium par patriotisme corporate. Ils le font parce qu’il coûte moins cher tout en offrant des performances compétitives. Dans un domaine où les coûts d’entraînement des grands modèles explosent, cette équation devient décisive.
Au cœur de cette adoption massive, on trouve un client particulier qui pèse lourd : Anthropic. La startup derrière Claude, l’un des modèles les plus avancés du moment, a choisi AWS comme partenaire principal pour entraîner ses futures versions.
Anthropic, le client qui dope les ventes de Trainium
Le partenariat entre Amazon et Anthropic va bien au-delà d’un simple contrat cloud. Amazon a investi massivement dans la startup et, en retour, Anthropic s’est engagé à utiliser AWS comme infrastructure principale.
Résultat concret : le projet Rainier, un cluster géant de plus de 500 000 chips Trainium2 dédié à l’entraînement des prochains modèles Claude. Mis en ligne en octobre 2025, ce superordinateur distribué illustre parfaitement l’échelle à laquelle Amazon joue désormais.
Matt Garman, le patron d’AWS, n’a pas caché son enthousiasme : Anthropic représente une part significative des revenus générés par Trainium. Ce n’est pas un petit client beta, mais un partenaire stratégique qui valide la technologie à très grande échelle.
Trainium3 et Trainium4 : les prochaines étapes de l'offensive
Amazon ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Lors de re:Invent, l’entreprise a dévoilé Trainium3, la prochaine génération de son chip. Les promesses sont ambitieuses : 4 fois plus rapide que Trainium2, tout en consommant moins d’énergie.
Mais l’arme secrète pourrait bien être Trainium4. Selon des informations précédentes, cette version future sera conçue pour fonctionner en harmonie avec les GPU Nvidia au sein d’un même système. Une approche hybride qui pourrait séduire les entreprises hésitant à abandonner totalement CUDA.
Cette compatibilité pourrait changer la donne. Elle permettrait aux clients de migrer progressivement vers Trainium sans réécrire entièrement leurs applications. Un argument commercial puissant face à l’inertie de l’écosystème Nvidia.
Les obstacles sur la route d'Amazon
Soyons honnêtes : détrôner Nvidia reste une mission quasi impossible à court terme. Le leader dispose d’avantages structurels considérables.
D’abord, l’écosystème CUDA. Des années de développement ont fait de cette plateforme le standard de facto pour le calcul parallèle en IA. Réécrire du code pour une autre architecture demande du temps et des ressources.
Ensuite, les infrastructures réseau. Nvidia a renforcé sa position en rachetant Mellanox en 2019, s’offrant une technologie clé pour interconnecter des milliers de GPU. Seuls quelques acteurs, dont Amazon, Google et Meta, possèdent les compétences pour rivaliser sur ce terrain.
Enfin, la avance technologique. Nvidia investit massivement en R&D et sort des générations de chips à un rythme soutenu. Amazon doit non seulement rattraper son retard, mais aussi maintenir l’élan.
Un marché assez grand pour plusieurs gagnants
Mais Amazon n’a pas besoin de détrôner Nvidia pour réussir. Comme l’a souligné Andy Jassy, le marché des puces IA représente des centaines de milliards de dollars. Prendre ne serait-ce qu’une part significative représente une opportunité colossale.
Avec Trainium déjà à plusieurs milliards de run-rate, Amazon a prouvé qu’une alternative crédible peut émerger. Surtout quand elle est portée par le leader du cloud public, avec des millions de clients captifs.
Les autres hyperscalers suivent le même chemin. Google avec ses TPU, Meta avec ses projets internes, Microsoft en investissant dans des designs custom. La concurrence s’intensifie, et c’est finalement l’utilisateur final qui en bénéficiera.
Ce que cela signifie pour l'écosystème IA
L’arrivée de concurrents sérieux comme Trainium pourrait accélérer l’innovation globale. Moins de dépendance à un seul fournisseur, plus de choix, des prix plus compétitifs : tous les ingrédients d’un marché plus sain.
Pour les startups et les entreprises, cela ouvre de nouvelles possibilités. Elles ne seront plus obligées de passer par Nvidia pour accéder à de la puissance de calcul IA de pointe. AWS devient une alternative viable, surtout pour ceux déjà clients du cloud Amazon.
À plus long terme, une diversification des architectures pourrait enrichir l’écosystème logiciel. Moins de verrouillage sur CUDA, plus d’open-source, des frameworks multi-plateformes plus matures.
Le message d’Amazon est clair : le monopole de Nvidia n’est pas une fatalité. Avec de la persévérance, de l’investissement et une stratégie bien exécutée, il est possible de grignoter des parts de marché significatives. Et quand on s’appelle Amazon, les moyens ne manquent pas.
Trainium n’est peut-être pas encore le roi des puces IA. Mais il est déjà un prétendant sérieux au trône. Et dans un marché en explosion, cela suffit largement pour bâtir un business florissant.
La guerre des chips IA ne fait que commencer. Et elle promet d’être passionnante à suivre dans les années à venir.