Amazon, Microsoft et Exxon s’unissent pour rendre les marchés du carbone plus fiables

Imaginez un instant : les géants de la tech et du pétrole qui s'unissent pour une cause commune. Non, vous ne rêvez pas. C'est exactement ce qui se passe avec Amazon, Microsoft et Exxon, qui ont décidé de joindre leurs forces pour réhabiliter les marchés volontaires du carbone, éclaboussés par de nombreux scandales ces dernières années. Une alliance improbable ? Pas tant que ça quand on y regarde de plus près.

Des marchés du carbone en quête de crédibilité

Les marchés volontaires du carbone, sur lesquels s'échangent les crédits carbone permettant aux entreprises de compenser leurs émissions, traversent une crise de confiance sans précédent. En cause : une série de révélations embarrassantes sur les pratiques douteuses de certains acteurs, à commencer par Verra. Ce géant de la certification carbone a été accusé en 2023 d'avoir vendu des dizaines de millions de crédits sans réelle valeur environnementale, censés réduire la déforestation dans des zones comme l'Amazonie péruvienne qui n'étaient en réalité pas menacées.

Une enquête a suggéré que plus de 90% des crédits liés à la protection des forêts tropicales n'avaient quasiment aucun impact sur la réduction des émissions de carbone.

Un scandale de greenwashing qui a fait tanguer tout le secteur. Six mois plus tard, le PDG de Verra a d'ailleurs fini par démissionner. Mais le mal était fait et la confiance sérieusement ébranlée.

Les géants de la tech sur le banc des accusés

Dans ce contexte, l'implication d'Amazon et Microsoft dans cette task force pour restaurer la crédibilité des marchés carbone n'est pas anodine. Les deux mastodontes de la tech font en effet partie des plus gros acheteurs de crédits carbone au monde, ayant massivement investi dans la compensation pour tenir leurs engagements climatiques malgré l'explosion de leurs émissions liée au développement de l'IA.

Microsoft a ainsi acheté pour plus de 7 millions de tonnes de crédits carbone sur le seul mois dernier. Tandis qu'Amazon a dépensé pas moins de 180 millions de dollars l'an passé pour préserver une portion de la forêt amazonienne au Brésil. Des investissements colossaux qui soulèvent des questions sur la réalité de leur impact climatique, surtout quand on sait que :

• Les émissions carbone de Microsoft ont bondi de près de 30% en 2023
• La trajectoire d'Amazon stagne malgré ses efforts affichés en faveur du climat

Les deux géants sont donc directement concernés par la crise de confiance qui secoue les marchés du carbone. Leur crédibilité climatique est en jeu. S'engager pour remettre de l'ordre et de la transparence est donc un impératif stratégique.

Un électrochoc pour le secteur

Au-delà du cas Amazon et Microsoft, c'est tout un écosystème de startups spécialisées dans les solutions bas-carbone qui a un intérêt vital à ce que les marchés volontaires retrouvent une légitimité. Des jeunes pousses comme Heirloom, Isometric ou BeZero, qui ont bâti leur business model sur les services de compensation, font d'ailleurs partie de la task force.

Tout comme l'ex-patron de Verra ou un cadre du géant du bois Weyerhaeuser. Signe que les scandales à répétition ont été un électrochoc pour le secteur. Il y a urgence à agir collectivement pour éviter l'implosion et préserver l'avenir, alors que la demande en crédits carbone devrait continuer à croître.

Des recommandations très attendues

La tâche s'annonce ardue pour rétablir la confiance. Le groupe de travail va plancher durant plusieurs mois pour :

• Dresser un état des lieux sans concession du fonctionnement du marché et de ses dérives
• Formuler des recommandations concrètes à destination des autorités pour encadrer et assainir les pratiques

L'objectif est d'aboutir à des marchés du carbone équitables, efficients et transparents. Un enjeu crucial, alors que les crédits carbone sont appelés à jouer un rôle clé pour atteindre la neutralité. À condition de garantir leur intégrité environnementale.

Les travaux de cette alliance inédite entre des acteurs a priori éloignés, mais unis par un intérêt commun, seront donc suivis de près. Avec l'espoir que ce rapprochement entre les sphères de la tech, du pétrole, des startups et des ONG débouche sur une véritable refondation des marchés du carbone. L'enjeu climatique et la crédibilité de tout un secteur en dépendent.