Apple dans le viseur de l’UE avec le Digital Markets Act
Les relations entre Apple et l'Union Européenne n'ont jamais été un long fleuve tranquille, mais les tensions semblent s'intensifier ces derniers mois. Au cœur du litige : le Digital Markets Act (DMA), un ensemble de règles visant à assurer une concurrence équitable sur les marchés numériques. Et selon les premières conclusions de la Commission Européenne, les pratiques actuelles de l'App Store d'Apple seraient en violation de cette nouvelle législation.
L'App Store dans le collimateur de Bruxelles
Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, n'y est pas allé avec le dos de la cuillère. Sur le réseau social X (anciennement Twitter), il a déclaré sans détour qu'Apple devrait changer son slogan en "Act Different" plutôt que "Think Different". Selon lui, la firme à la pomme aurait trop longtemps étouffé les entreprises innovantes, privant ainsi les consommateurs de nouvelles opportunités et de choix.
Concrètement, la Commission Européenne estime que les développeurs tiers devraient pouvoir informer gratuitement les clients des possibilités d'achat alternatives à l'App Store. Aujourd'hui, les apps distribuées sur la plateforme d'Apple ne peuvent pas promouvoir des prix différents ou des canaux de distribution alternatifs. Bien qu'Apple autorise désormais l'insertion d'un lien vers le site du développeur, Bruxelles juge les restrictions encore trop importantes.
Apple se défend mais ouvre une nouvelle bataille
Face à ces accusations, Apple affirme avoir apporté de nombreux changements pour se conformer au DMA, en réponse aux retours des développeurs et de la Commission. Le géant californien se dit confiant dans la conformité de son plan et estime que plus de 99% des développeurs paieraient des frais identiques ou inférieurs dans le cadre des nouvelles conditions commerciales mises en place.
Mais dans le même temps, la Commission a ouvert une nouvelle enquête sur les conditions contractuelles révisées d'Apple pour les développeurs européens. Au cœur des préoccupations : la fameuse "commission technologique" (Core Technology Fee ou CTF) et les app stores alternatifs.
Des frais controversés et un parcours utilisateur chaotique
En effet, les développeurs européens peuvent soit conserver les conditions commerciales standard, soit opter pour de nouvelles conditions leur permettant de distribuer leurs apps en dehors de l'App Store. Mais dans ce dernier cas, ils se voient imposer des frais de 0,50€ par app installée au-delà du premier million de téléchargements. Malgré quelques ajustements et périodes de transition, la Commission va examiner de près la conformité de cette commission avec les règles du DMA.
Autre point d'achoppement : l'expérience utilisateur pour installer un app store tiers sur iOS. Loin d'être fluide, elle impose de nombreuses étapes et alertes anxiogènes. Là encore, la Commission va étudier la compatibilité de ce "parcours utilisateur en plusieurs étapes" avec l'esprit et la lettre du Digital Markets Act.
Vers une amende salée pour Apple ?
Comme le soulignent Margrethe Vestager et Thierry Breton, le DMA est clair : les gatekeepers doivent permettre l'établissement de magasins d'applications alternatifs et informer pleinement les consommateurs des offres disponibles. L'objectif : garantir un véritable libre choix de la source et des conditions d'obtention des apps.
Apple a maintenant l'opportunité de répondre par écrit aux conclusions préliminaires de la Commission. La décision finale est attendue un an après l'ouverture de l'enquête formelle, ce qui laisse une marge de négociation à la firme de Cupertino pour ajuster une nouvelle fois son modèle économique. Mais en cas de violation confirmée du DMA, les amendes pourraient atteindre 10% du chiffre d'affaires annuel mondial. De quoi donner des sueurs froides, même à un géant comme Apple.
Ce bras de fer entre Bruxelles et Apple illustre parfaitement les défis de la régulation des géants du numérique. Comment stimuler la concurrence et l'innovation tout en préservant les intérêts des acteurs historiques ? La réponse se trouve peut-être dans un subtil équilibre, un "Act Balance" qu'Apple et l'Union Européenne doivent encore trouver. Les prochains mois s'annoncent décisifs pour l'avenir de l'App Store et, plus largement, pour la dynamique concurrentielle sur le marché des apps.