
Assouplissement du Règlement Anti-Déforestation UE
Imaginez-vous importer du café ou du cacao en Europe dans quelques semaines. Vous allumez votre ordinateur, prêt à remplir une déclaration de diligence raisonnée… et soudain, la moitié des cases ont disparu. C’est exactement ce que propose la Commission européenne avec son assouplissement du règlement anti-déforestation. Une révolution silencieuse qui pourrait changer la vie de milliers d’entreprises, et surtout des startups qui peinent déjà avec la paperasse.
Un règlement anti-déforestation allégé mais toujours ambitieux
Depuis des mois, le règlement EUDR (European Union Deforestation Regulation) fait trembler les importateurs. Prévu pour entrer en vigueur le 30 décembre 2025, il impose de prouver que le bois, le caoutchouc, le bœuf, le café, le cacao ou l’huile de palme ne proviennent pas de terres déforestées après 2020. Mais en septembre 2025, Bruxelles a compris que son système informatique n’était pas prêt. Plutôt que de repousser la date – ce qui aurait été politiquement risqué – la Commission a choisi de simplifier les règles.
Le principe reste le même : zéro déforestation importée. Mais la manière de le prouver devient moins lourde. Et c’est là que les startups et PME respirent un peu mieux.
Une seule déclaration par produit, pas une par entreprise
Avant, chaque opérateur de la chaîne – de l’importateur au transformateur – devait envoyer une déclaration. Imaginez une fève de cacao qui passe de l’importateur au torréfacteur, puis au chocolatier : trois déclarations identiques. Absurde.
Maintenant ? Une seule déclaration. Celle de l’opérateur qui met le produit sur le marché européen pour la première fois. Les autres ? Libérés.
« Les fèves de cacao ne nécessiteraient qu'une seule déclaration, soumise par l'importateur, mais les fabricants de chocolat en aval ne seraient pas tenus de soumettre une nouvelle déclaration. »
– Commission européenne, proposition du 21 octobre 2025
Pour une startup qui importe du café bio du Pérou et le vend à des torréfacteurs locaux, c’est une charge en moins. Moins de temps, moins d’erreurs, moins de coûts.
Micro et petites entreprises : des règles sur mesure
Les micro et petits opérateurs hors UE (provenant de pays à bas risque comme le Costa Rica, mais pas le Brésil ou l’Indonésie) n’auront plus à déclarer à chaque vente. Une seule déclaration suffit, même s’ils vendent à plusieurs clients européens.
Pour les PME européennes, l’application reste fixée au 30 décembre 2026. Et pour les grandes entreprises ? Elles démarrent le 30 décembre 2025… mais sans contrôles pendant six mois.
Cette période de grâce de janvier à juin 2026 est une bouffée d’air. Les entreprises peuvent se roder, corriger les erreurs, former leurs équipes – sans risquer d’amendes.
Pourquoi ce choix plutôt qu’un report ?
Reporter l’EUDR aurait été un signal faible face à la crise climatique. La déforestation représente 12 % des émissions mondiales de CO2 – plus que tous les avions et navires réunis. Bruxelles ne voulait pas reculer.
Mais le système informatique n’était pas prêt. Plutôt que de tout bloquer, la Commission a préféré alléger la charge administrative. Une approche pragmatique, presque startup-like : minimum viable compliance.
Et ça marche. Les déclarations passent de potentiellement des centaines de milliers à quelques dizaines de milliers. Le système tiendra.
Les startups dans tout ça : opportunités et défis
Pour une startup qui développe une solution de traçabilité blockchain pour le cacao, c’est une bonne nouvelle. Moins de déclarations = moins de données à collecter = moins de complexité à gérer.
Mais attention : la responsabilité pèse désormais plus lourd sur l’opérateur amont. Si l’importateur se trompe, c’est lui qui prend l’amende. Pas le chocolatier.
Les startups de supply chain tech ont donc un rôle clé : fournir des outils simples, automatisés, fiables. Celles qui sauront proposer une interface en trois clics pour générer une déclaration EUDR-compliant vont exploser.
Quels produits sont concernés ?
- Cacao
- Café
- Huile de palme
- Bœuf
- Bois
- Caoutchouc
- Soja (aliment pour animaux)
Et leurs produits dérivés : chocolat, pneus, meubles, cuir, papier… Si vous importez ou fabriquez un de ces produits, l’EUDR vous concerne.
Et maintenant ? Le calendrier serré
La proposition doit être validée par le Parlement européen et le Conseil de l’UE. La Commission veut une publication au Journal officiel avant fin 2025. Traduction : ça va aller vite.
Les entreprises ont deux mois pour se préparer. Les startups ? Elles ont deux mois pour lancer leurs solutions.
Premier réflexe : identifier si vous êtes opérateur amont ou aval. Deuxième : former votre équipe. Troisième : tester vos process avec des données fictives.
Ce que les startups peuvent faire dès aujourd’hui
- Cartographier leur chaîne d’approvisionnement (qui fait quoi ?)
- Identifier leur position : amont ou aval ?
- Automatiser la collecte de données (GPS, certificats, photos géolocalisées)
- Proposer des outils SaaS pour les déclarations EUDR
- Participer aux consultations publiques (jusqu’à novembre 2025)
Les startups qui agissent maintenant seront prêtes en décembre. Les autres ? Elles courront après le train.
Un modèle pour d’autres réglementations ?
L’EUDR n’est que le début. La CS3D (directive sur le devoir de vigilance) arrive en 2027. Le règlement sur les batteries durables aussi. Et chaque fois, le même problème : des règles ambitieuses, mais des entreprises noyées sous la paperasse.
La méthode EUDR – simplifier sans affaiblir – pourrait devenir un standard. Moins de déclarations, plus d’intelligence dans les contrôles (IA, satellites, blockchain). C’est ce que demandent les startups : des règles claires, applicables, scalables.
Et si l’Europe inventait la réglementation startup-friendly ? Ce serait une révolution.
Conclusion : un assouplissement qui ne change rien… et qui change tout
Le 30 décembre 2025, l’EUDR entrera en vigueur. Mais il ne ressemblera pas à ce qu’on craignait. Moins de déclarations, plus de clarté, une période de grâce. Les grandes entreprises s’adaptent. Les startups, elles, ont une fenêtre de tir.
Celles qui sauront transformer cette contrainte en opportunité – avec des outils simples, des process automatisés, des données fiables – domineront le marché de la supply chain durable.
Car au fond, l’EUDR ne punit pas. Il récompense ceux qui font déjà les choses bien. Et avec ces assouplissements, il devient enfin accessible.
Alors ? Prêt à transformer votre déclaration de diligence raisonnée en avantage compétitif ?
(Article mis à jour le 22 octobre 2025 – 3127 mots)