
Atos Relance Son Futur Avec Genesis
Imaginez une entreprise jadis au sommet, vacillant sous le poids de dettes et d’une organisation complexe, mais qui ose aujourd’hui se réinventer avec audace. Atos, géant français de l’informatique, dévoile son plan Genesis, une feuille de route ambitieuse pour redevenir un leader mondial d’ici 2028. Dans un secteur où l’intelligence artificielle et la cybersécurité redéfinissent les règles, comment ce mastodonte compte-t-il reconquérir la confiance de ses clients et investisseurs ? Plongeons dans cette stratégie qui mêle simplification, innovation et pragmatisme.
Genesis : Une Vision pour 2028
Après une restructuration financière achevée fin 2024, Atos se tourne vers l’avenir avec un objectif clair : atteindre 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2028, tout en visant une marge opérationnelle de 10 %. Ce plan, baptisé Genesis, repose sur une refonte profonde de l’organisation et une focalisation sur des secteurs porteurs comme l’intelligence artificielle et la cybersécurité. Philippe Salle, PDG d’Atos depuis février 2025, incarne cette ambition avec un discours optimiste : relancer une entreprise en crise est possible, à condition de faire preuve de discipline et de vision.
Simplifier pour Gagner en Agilité
La première étape de cette transformation passe par une simplification radicale. Atos a décidé de se retirer de plusieurs pays, représentant environ 300 millions d’euros de chiffre d’affaires, pour se concentrer sur des marchés stratégiques comme les États-Unis, l’Europe (notamment le Danemark et la Suède) et le Moyen-Orient. Cette réduction géographique vise à optimiser les ressources et à renforcer la présence là où la croissance est la plus prometteuse. Contrairement aux rumeurs, Atos ne compte pas abandonner les États-Unis, un marché incontournable pour conserver son statut d’acteur mondial.
« Nous ne pouvons pas garder un statut d’acteur mondial sans être implantés aux États-Unis. »
– Philippe Salle, PDG d’Atos
En parallèle, Atos réorganise ses marques pour clarifier son offre. La marque Eviden reste dédiée aux logiciels, un secteur à forte valeur ajoutée, tandis qu’Atos regroupe les services, incluant le cloud computing, la cybersécurité et une nouvelle entité axée sur la data et l’intelligence artificielle. Cette distinction élimine les doublons internes, comme ceux observés entre Eviden et l’ancienne entité Tech Foundations, désormais supprimée.
Réduction des Coûts : Un Pari Délicat
Pour financer ses ambitions, Atos mise sur une réduction drastique des coûts, estimée entre 400 et 500 millions d’euros. Cela passe par une diminution des effectifs, avec environ 1 000 suppressions dans les fonctions support et une réduction des dépenses non liées au personnel de 10 %. D’ici fin 2026, l’entreprise prévoit de passer de 74 000 à 60 000 salariés, avant de réembaucher pour atteindre 90 000 collaborateurs en 2028, en phase avec la croissance attendue.
Cette stratégie n’est pas sans risque. Réduire les effectifs tout en maintenant la qualité des services demande une exécution précise. Atos prévoit également de rationaliser son management, passant d’un top 500 à un top 200, en éliminant les redondances. Cette cure d’austérité vise à libérer des ressources pour investir dans des secteurs stratégiques, tout en assurant un flux de trésorerie positif dès 2026.
IA et Cybersécurité : Les Piliers de la Relance
L’intelligence artificielle est au cœur de la stratégie d’Atos. L’entreprise prévoit de multiplier par cinq le nombre de collaborateurs dans sa nouvelle unité dédiée à la data et à l’IA, pour atteindre 10 000 personnes d’ici 2028. Cela inclut des embauches et des acquisitions ciblées, avec un budget de 500 millions à 1 milliard d’euros pour ces dernières. Parmi les innovations, Atos teste des solutions comme l’automatisation du ticketing, capable de traiter près de 50 % des demandes sans intervention humaine, ou des outils de traduction automatique pour ses centres d’appels.
La cybersécurité, autre axe prioritaire, bénéficie d’un investissement de 500 millions d’euros en R&D sur quatre ans. Atos veut capitaliser sur la demande croissante pour sécuriser les infrastructures numériques, notamment dans un contexte d’économie de guerre. L’entreprise a ainsi décidé de conserver son activité de systèmes embarqués pour la défense (MCS), un secteur en pleine expansion, avec un potentiel de croissance de 200 à 500 millions d’euros de chiffre d’affaires.
« L’IA peut déjà traiter quasiment la moitié des tickets sans interaction humaine. »
– Philippe Salle, PDG d’Atos
Reconquérir la Confiance des Clients
Après une année 2024 marquée par une chute de 10 % de son chiffre d’affaires, Atos doit regagner la confiance de ses clients. Philippe Salle martèle un message clair : « Atos is back ». Un contrat d’infogérance renouvelé avec BMW en Allemagne illustre ce retour en grâce, mais certains clients restent prudents. Pour les convaincre, Atos mise sur une stratégie commerciale non agressive, privilégiant des contrats rentables et une offre diversifiée, avec une moyenne de 1,3 à 1,4 service par client à augmenter.
La stabilité financière est un argument clé. Avec un endettement brut de 3 milliards d’euros et 2 milliards d’euros de liquidités à fin mars 2025, Atos vise une marge opérationnelle de 4 % dès 2025, contre 2 % en 2024. Un flux de trésorerie positif en 2026 pourrait permettre un refinancement de la dette dès 2027, renforçant la crédibilité de l’entreprise.
Un Cloud Européen : Enjeu de Souveraineté
Dans un contexte où l’Europe cherche à renforcer sa souveraineté numérique, Atos se positionne comme un acteur clé du cloud computing. Bien que l’entreprise ne développe pas directement un cloud souverain, elle se dit prête à opérer des infrastructures pour d’autres acteurs. Ce rôle pourrait s’avérer stratégique, alors que les solutions européennes actuelles peinent à rivaliser avec les géants américains comme AWS.
Atos pourrait ainsi devenir un partenaire incontournable pour les entreprises européennes souhaitant sécuriser leurs données. Cette ambition s’inscrit dans une volonté plus large de contribuer à l’indépendance technologique du continent, un défi majeur pour les années à venir.
Les Défis de la Mise en Œuvre
Si le plan Genesis est ambitieux, sa réussite dépend de plusieurs facteurs. Voici les principaux défis identifiés :
- Exécution précise de la réduction des coûts sans compromettre la qualité.
- Intégration réussie des futures acquisitions, après des erreurs passées.
- Reconquête de la confiance des clients encore réticents post-restructuration.
- Adaptation rapide aux évolutions technologiques, notamment en IA.
Atos devra également naviguer dans un environnement concurrentiel où des acteurs comme Microsoft ou Google dominent l’IA et le cloud. La nomination d’un nouveau directeur de la technologie, expert en IA, cet été, pourrait donner un coup d’accélérateur à ces ambitions.
Un Avenir Indépendant ?
Les actionnaires actuels d’Atos, majoritairement des fonds à court terme, pourraient céder leur place d’ici 2027. Philippe Salle envisage de bâtir un socle d’investisseurs de long terme, potentiellement avec un actionnaire de référence détenant 15 à 20 % du capital. Cette transition sera cruciale pour garantir l’indépendance d’Atos face aux appétits internationaux.
En attendant, l’entreprise se concentre sur sa remontée. Avec un chiffre d’affaires de 9,6 milliards d’euros en 2024, Atos a les bases pour rebondir, mais le chemin reste semé d’embûches. La capacité à exécuter le plan Genesis tout en innovant dans des secteurs clés comme l’IA et la cybersécurité déterminera si Atos redeviendra un fleuron de la tech européenne.
Pourquoi Genesis Peut Changer la Donne
Le plan Genesis n’est pas qu’une série de mesures financières ou organisationnelles. Il incarne une vision : celle d’une entreprise capable de se réinventer dans un monde numérique en mutation. En misant sur des secteurs à forte croissance, Atos se positionne pour capter les opportunités de l’économie de guerre et de la transformation numérique. Mais au-delà des chiffres, c’est la capacité d’Atos à restaurer la confiance qui sera déterminante.
En résumé, Atos joue une partie serrée. Avec Genesis, l’entreprise ne se contente pas de survivre : elle veut redevenir un acteur incontournable. Les prochaines années diront si ce pari audacieux porte ses fruits, mais une chose est sûre : Atos est bien décidé à écrire un nouveau chapitre de son histoire.