BDC Capital Soutient la Défense Tech au Canada
Imaginez un pays qui, pendant des années, a hésité à financer des technologies à double usage civil et militaire. Puis, soudain, son plus grand investisseur institutionnel décide de franchir le pas. C’est exactement ce qui se passe au Canada en cette fin 2025.
BDC Capital change la donne pour la défense tech
BDC Capital, bras investissement de la Banque de développement du Canada et acteur dominant du capital-risque national, vient d’annoncer une série de mesures qui marquent un tournant. Deux nouveaux fonds dédiés à la défense voient le jour, et les restrictions historiques sur les investissements dans les technologies militaires sont assouplies.
Cette évolution n’est pas anodine. Elle répond à un contexte géopolitique tendu et à la prise de conscience que la souveraineté technologique passe aussi par la capacité à développer des solutions critiques pour la sécurité nationale.
Des fonds spécialisés pour accompagner les entreprises
Le premier fonds succède au Deep Tech Venture Fund et se concentre exclusivement sur les technologies de défense. Le second vise à conseiller et soutenir les entreprises qui entrent pour la première fois sur le marché de la défense.
Geneviève Bouthillier, vice-présidente exécutive de BDC Capital, explique cette stratégie par une volonté de cohérence. Si BDC peut investir directement dans ces sociétés, pourquoi imposer des restrictions aux fonds qu’elle soutient ?
« Nous allons vraiment leur tenir la main »
– Geneviève Bouthillier, vice-présidente exécutive de BDC Capital
Cette phrase illustre parfaitement l’approche : un accompagnement renforcé pour aider les startups à naviguer dans un écosystème complexe, où les réglementations et les exigences de conformité sont particulièrement strictes.
Les gestionnaires de fonds devront désormais effectuer une diligence raisonnable renforcée pour s’assurer que les entreprises respectent toutes les lois nationales et internationales. Un défi supplémentaire, mais nécessaire.
Un mouvement plus large au Canada
BDC n’est pas seul. Investissement Québec a déjà levé ses propres restrictions sur les investissements dans la défense. Des fondateurs comme Katheron Intson, PDG de Sentinel R&D, ont publiquement dénoncé ces barrières, arguant qu’elles poussent les entreprises innovantes à quitter le pays.
Ces critiques ont été entendues jusqu’au Parlement. Le message est clair : refuser de financer la défense tech revient à affaiblir la position stratégique du Canada sur l’échiquier mondial.
Ce changement de posture s’inscrit dans une année 2025 où le Canada semble enfin embrasser pleinement les technologies souveraines. La défense n’est plus un sujet tabou pour les investisseurs publics.
Le quantum, nouvelle priorité nationale
Parallèlement aux initiatives de BDC, le gouvernement fédéral lance le Canadian Quantum Champions Program. Objectif : retenir les talents et les entreprises prometteuses dans le domaine de l’informatique quantique.
Quatre entreprises pionnières bénéficient déjà d’un financement initial pouvant atteindre 23 millions de dollars chacune : Xanadu, Nord Quantique, Photonic et Anyon Systems. Ces sociétés travaillent sur des ordinateurs quantiques scalables et réellement utiles.
Ce programme s’inspire directement des initiatives américaines comme celles de la DARPA, mais avec une ambition canadienne : construire un écosystème quantique fort et indépendant.
- Xanadu : leader en photonique quantique
- Nord Quantique : spécialiste des qubits supraconducteurs
- Photonic : avancées en silicium photonique
- Anyon Systems : pionnier des technologies quantiques canadiennes
Cette première phase n’est que le début. Deux autres phases sont prévues, signe d’un engagement à long terme.
Un superordinateur made in Canada
Autre signe fort : Queen’s University recrute Ian Karlin, ancien ingénieur principal chez Nvidia et contributeur au superordinateur El Capitan, le plus puissant du monde.
Ce recrutement s’inscrit dans une vague plus large de chercheurs talentueux qui choisissent le Canada, fuyant les coupes budgétaires et les tensions dans les institutions américaines. L’objectif est clair : construire un superordinateur national de classe mondiale.
Cette ambition combine recherche fondamentale et applications pratiques, notamment en intelligence artificielle, simulation climatique et, bien sûr, défense.
Les paiements et l’IA : une nouvelle vague à venir
Même dans des secteurs plus traditionnels comme les paiements, l’innovation reprend. Après une période de ralentissement post-2022, les investisseurs anticipent un nouveau cycle grâce à la modernisation des systèmes de paiement et à l’essor des outils d’IA.
Les fintech canadiennes pourraient connaître un second souffle, porté par des technologies plus matures et un cadre réglementaire en évolution.
Amiral Ventures veut prendre le leadership
Dans le paysage du capital-risque, Amiral Ventures annonce une première clôture à 40 millions de dollars pour un fonds cible de 75 millions. Frédéric Bastien, managing partner, critique ouvertement le manque de leadership dans l’écosystème canadien.
Son ambition : mener presque exclusivement les tours de table et imposer une vision plus affirmée. Un positionnement qui pourrait secouer un marché souvent décrit comme trop consensuel.
Les anciens de Shopify continuent de briller
Shopify reste une formidable pépinière de talents. Glen Coates, ex-responsable produit core, rejoint OpenAI pour diriger le développement d’applications. Lucas Matheson, ancien CEO de Coinbase Canada, passe chez Opendoor.
Des ingénieurs ex-Shopify lèvent également des fonds pour Turbopuffer, une solution de recherche vectorielle optimisée pour l’IA. La diaspora Shopify continue d’influencer la tech mondiale.
Des défis persistants pour la recherche
Tout n’est pas rose. Une enquête révèle que 50 articles scientifiques soumis à une conférence contenaient des citations hallucinées par des IA. Malgré une revue par pairs, la plupart de ces erreurs sont passées inaperçues.
Cet épisode rappelle les limites actuelles des modèles génératifs et la nécessité d’une vigilance accrue dans la recherche académique.
Vers une stratégie industrielle de défense inclusive
Matthew Lombardi, cofondateur du réseau The Icebreaker, plaide pour que la future stratégie industrielle de défense canadienne intègre pleinement les entreprises technologiques comme partenaires centraux.
Il ne s’agit plus seulement de financer, mais de créer des voies d’acquisition claires pour que les innovations canadiennes servent directement les forces armées et la sécurité nationale.
En cette fin d’année 2025, le Canada semble enfin prêt à assumer son rôle de nation technologique souveraine. Les barrières tombent, les fonds se spécialisent, les talents affluent. Reste à transformer ces ambitions en réalités concrètes sur la scène internationale.
Le pays a les moyens de ses ambitions : un écosystème mature, des institutions solides et une volonté politique qui se réveille. La question n’est plus de savoir si le Canada peut jouer dans la cour des grands, mais à quelle vitesse il va y arriver.