 
        BDC Investit dans Magnum pour Femmes
Imaginez une vague silencieuse qui déferle sur l’économie canadienne : trois quarts des propriétaires de petites entreprises prévoient de passer le flambeau d’ici dix ans. Au Québec seul, près de 10 000 transferts d’entreprises sont attendus cette année. Et si cette transition massive devenait l’opportunité rêvée pour une nouvelle génération d’entrepreneures ?
Quand BDC mise sur les femmes pour relancer les PME
La Banque de développement du Canada ne s’est pas contentée d’observer ce phénomène. Elle a agi. Avec son nouveau fonds Thrive Entrepreneurship Through Acquisition doté de 50 millions de dollars, BDC Capital vient de réaliser son tout premier investissement dans la classe d’actifs des search funds. Et c’est une firme montréalaise dirigée par une femme qui a décroché la timballe.
Deux millions de dollars américains. C’est la somme injectée dans Magnum Capital Partners, présenté comme le premier fonds de private equity féminin opérant selon le modèle du search fund au Canada. Derrière ce nom évocateur se cachent Patricia Riopel et Enrico Magnani, un duo qui connaît intimement les rouages de l’acquisition d’entreprise.
C’est devenu ma mission personnelle de faire en sorte que plus de femmes réussissent dans ce domaine.
– Patricia Riopel, associée directrice de Magnum Capital Partners
Le search fund : un modèle méconnu mais puissant
Avant d’aller plus loin, clarifions ce qu’est un search fund. Contrairement aux fonds traditionnels qui investissent dans des entreprises déjà identifiées, ce modèle finance d’abord l’entrepreneur·e dans sa phase de recherche. Pendant 18 à 24 mois, la personne soutenue explore le marché, rencontre des propriétaires, analyse des bilans, jusqu’à dénicher la perle rare.
Une fois l’entreprise ciblée – généralement une PME rentable générant entre 1 et 4 millions de dollars de revenus annuels – le fonds injecte le capital nécessaire à l’acquisition. L’entrepreneur·e devient alors PDG de sa propre entreprise, avec le soutien continu des investisseurs.
Chez Magnum, l’approche est claire : accompagner jusqu’à 40 entrepreneures dans cette aventure. Pour chaque projet, le fonds prévoit d’investir entre 500 000 et 1 million de dollars dès la phase de recherche, avant même que la cible ne soit choisie.
Patricia Riopel : de l’acquisition à la transmission
L’histoire de Patricia Riopel illustre parfaitement la pertinence de ce modèle. Avant de cofonder Magnum, elle a elle-même repris Scribendi, une entreprise spécialisée dans la correction de textes académiques. Aux côtés d’Enrico Magnani, alors PDG, elle a transformé cette PME en une success story.
Cette expérience vécue de l’intérieur a révélé les obstacles spécifiques rencontrés par les femmes dans ce type d’opération : accès au capital, réseaux moins développés, biais implicites dans les négociations. D’où l’idée de créer un fonds dédié, capable de niveler le terrain de jeu.
Le fonds Magnum, dont l’objectif est d’atteindre environ 20 millions de dollars, ne se contente pas de financer. Il offre aussi un accompagnement stratégique, un réseau de mentors, et une expertise précieuse dans la due diligence et la transition post-acquisition.
BDC Thrive : une stratégie en trois volets
Le fonds Thrive ETA de BDC Capital ne mise pas tout sur les fonds de recherche comme Magnum. Sa structure en trois piliers vise à couvrir l’ensemble du spectre de l’entrepreneuriat par acquisition :
- 10 millions pour des investissements indirects dans des fonds de private equity spécialisés dans les acquisitions féminines
- 40 millions pour des investissements directs dans des search funds, des rachats par les gestionnaires ou des recherches auto-financées
- Un accompagnement dédié via le Thrive Lab, qui soutient déjà plus de 21 000 entrepreneures à travers le Canada
Cette approche multidimensionnelle reflète la vision de Sévrine Labelle, directrice générale du Thrive Lab : faire de l’acquisition d’entreprise une voie royale vers l’entrepreneuriat féminin.
Le Québec, terre fertile pour les acquisitions
Le choix de Montréal comme base pour Magnum n’est pas anodin. Selon Repreneuriat Québec, la province fait face à une pression particulière en matière de relève entrepreneuriale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
Près de 10 000 entreprises cherchent preneur dans la prochaine année. Beaucoup sont des PME familiales solides, avec des bilans sains et des propriétaires approchant la retraite. Des cibles idéales pour le modèle search fund.
Le gouvernement québécois a d’ailleurs mis en place des incitatifs fiscaux pour faciliter ces transferts. Combinés au soutien de BDC, ces mesures créent un écosystème particulièrement favorable aux entrepreneures déterminées à prendre la relève.
Au-delà des femmes : une tendance de fond
L’initiative de BDC ne concerne pas seulement les femmes. Plus tôt cette année, la banque a lancé un programme conjoint de 100 millions avec la Première Nations Bank du Canada pour soutenir les acquisitions par des groupes autochtones. Une preuve que l’entrepreneuriat par acquisition s’impose comme solution systémique face à la succession tsunami.
Ces mouvements s’inscrivent dans une tendance mondiale. Aux États-Unis, les search funds ont connu une croissance exponentielle ces dernières années. Stanford Graduate School of Business, qui suit cet écosystème depuis 1984, recense désormais plus de 500 fonds actifs à travers le monde.
Les performances parlent d’elles-mêmes : selon une étude de 2023, les search funds affichent un TRI moyen de 35 %, largement supérieur aux fonds de private equity traditionnels. Un argument de poids pour les investisseurs institutionnels comme BDC.
Les critères de sélection de Magnum
Toutes les entrepreneures ne peuvent pas prétendre au soutien de Magnum. Le fonds a défini des critères précis :
- Expérience significative en gestion ou en opération
- Capacité démontrée à diriger une équipe
- Vision claire pour la croissance post-acquisition
- Engagement à long terme (minimum 7-10 ans)
Le processus de sélection dure plusieurs mois et inclut des entretiens approfondis, des études de cas, et des rencontres avec d’anciens entrepreneurs ayant réussi leur acquisition.
L’impact attendu sur l’écosystème canadien
Si Magnum atteint son objectif de 40 acquisitions, cela représentera potentiellement 100 millions de dollars de chiffre d’affaires sous gestion féminine. Mais l’impact va bien au-delà des chiffres.
Chaque entreprise reprise préserve des emplois locaux. Chaque nouvelle PDG inspire la prochaine génération. Chaque succès valide le modèle et attire de nouveaux capitaux. Un cercle vertueux qui pourrait transformer la démographie de l’entrepreneuriat canadien.
BDC, de son côté, s’est fixé l’objectif de soutenir près de 23 000 entrepreneures d’ici 2027. Avec Thrive ETA, la banque ne finance pas seulement des transactions : elle finance une vision de l’économie plus inclusive.
Et après ? Les prochains mouvements à surveiller
L’investissement dans Magnum n’est que le début. D’autres annonces sont attendues dans les prochains mois, notamment des investissements directs dans des search funds individuels. Le Thrive Lab prépare également des programmes de formation spécifiques à l’acquisition d’entreprise.
Du côté de Magnum, les premières acquisitions devraient être annoncées dès 2026. Patricia Riopel et Enrico Magnani travaillent déjà avec une dizaine de candidates prometteuses, issues de secteurs variés : services professionnels, distribution, manufacturier léger.
Une chose est sûre : l’entrepreneuriat par acquisition, longtemps confidentiel, entre dans une nouvelle ère au Canada. Et les femmes sont en première ligne de cette révolution silencieuse qui s’apprête à redessiner le paysage des PME canadiennes.
 
				 
         
         
           
           
           
           
          