Bench, une fin d’année mouvementée pour la startup FinTech de Vancouver
Le monde des startups garde en mémoire des histoires spectaculaires de fulgurantes ascensions suivies de vertigineuses descentes. Mais il est rare qu'une entreprise technologique fasse les montagnes russes avec une telle intensité en si peu de jours comme ce fut le cas de Bench, la startup FinTech basée à Vancouver, spécialisée dans l'automatisation de la comptabilité pour les PME.
Cette péripétie démarre le 27 décembre dernier, lorsque Bench annonce brutalement cesser toute activité avec effet immédiat, laissant sur le carreau ses 450 employés et 12 000 clients entrepreneurs, en pleine période fiscale. Fondée en 2012, la pépite canadienne avait pourtant levé plus de 100 millions de dollars auprès d'investisseurs renommés comme Inovia Capital, BMO ou Shopify.
Levées massives et endettement risqué
Le succès rapide de Bench, boosté par des levées en série, cachait en fait une fragilité financière et des tensions en coulisses. La dernière levée en date, 60 millions de dollars en 2021, comprenait une part substantielle de venture debt, des prêts consentis en échange de garanties et de remboursements prioritaires. Un pari risqué quand les valorisations s'envolent.
Selon le média The Information, c'est justement le rappel de ce prêt par la banque qui aurait précipité la fermeture soudaine en fin d'année, les coffers de Bench ne permettant plus d'honorer ses échéances. Les dirigeants et actionnaires ont choisi de plier boutique plutôt que chercher des solutions de dernière minute.
Défiance envers le fondateur visionnaire
Le départ forcé de Ian Crosby, CEO et co-fondateur de Bench, début 2022, a aussi pesé lourd. Dans un message publié sur LinkedIn, il affirme avoir été débarqué par son Conseil d'Administration qui souhaitait un dirigeant plus "corporate". Une décision jugée funeste par plusieurs investisseurs clés.
J'espère que l'histoire de Bench servira d'avertissement aux VC qui pensent pouvoir "améliorer" une entreprise en remplaçant le fondateur. Ça ne marche jamais.
- Ian Crosby, co-fondateur évincé de Bench
Reprise in extremis par une startup californienne
Mais coup de théâtre le 30 décembre ! Bench annonce son rachat par la startup RH Employer.com. Cette jeune pousse de San Francisco, spécialisée dans les solutions digitales de gestion des RH et de la paie, espère ainsi enrichir son offre avec un outil comptable automatisé et récupérer une base clients grandissante.
Employer.com s'est donné pour mission de relancer rapidement la plateforme Bench, en ré-embauchant une partie de l'équipe et en aidant les clients à migrer leurs données. Le montant de la transaction n'a pas été divulgué, mais on peut imaginer une valorisation bien en-deçà de ses sommets, permettant un rachat à prix bradé.
Leçons et perspectives
Cette success-story canadienne qui vire au cautionary tale illustre les dilemmes récurrents des startups en hyper-croissance :
- La tentation des méga-levées et du venture debt, qui peut fragiliser le bilan et éroder le contrôle.
- La gouvernance des scale-ups et l'équilibre des pouvoirs entre fondateurs, investisseurs et managers.
- Les limites de la robotisation de tâches complexes comme la comptabilité, domaine où l'humain reste essentiel.
Il faudra surveiller dans les prochains mois si Bench, requinqué par son nouveau propriétaire, parvient à reconquérir la confiance de ses clients et à s'imposer sur ce marché très concurrentiel des outils de gestion pour entrepreneurs. Une chose est sûre, cette rocambolesque fin d'année aura marqué les esprits et nourri les débats sur la place des startups technologiques dans notre économie.