BenchSci et Mila Unissent Leurs Forces en IA
Et si une machine pouvait deviner le résultat d'une expérience pharmaceutique avant même de la lancer en laboratoire ? Cette idée, qui relevait autrefois de la science-fiction, se rapproche aujourd'hui de la réalité grâce à une collaboration inattendue entre une startup torontoise et un institut de recherche montréalais. Leur ambition ? Transformer radicalement la façon dont on découvre de nouveaux médicaments.
Une Alliance Stratégique pour Réinventer la Découverte Médicamenteuse
La nouvelle a fait l'effet d'une petite bombe dans l'écosystème tech canadien. BenchSci, cette entreprise spécialisée dans les solutions logicielles intelligentes pour la recherche biomédicale, vient de sceller un partenariat pluriannuel avec Mila, le célèbre institut québécois dédié à l'intelligence artificielle. Ensemble, ils veulent développer des systèmes capables de générer automatiquement des hypothèses scientifiques et de prévoir les résultats de tests pharmacologiques.
Ce n'est pas qu'une simple coopération technique. C'est une tentative audacieuse de franchir une nouvelle étape vers ce qu'on appelle la découverte autonome de médicaments. Imaginez des laboratoires où l'intelligence artificielle ne se contente plus d'analyser des données existantes, mais propose activement de nouvelles pistes de recherche, potentiellement plus rapidement et efficacement que n'importe quel chercheur humain.
Ce projet repose sur deux piliers fondamentaux : l'inférence biologique et la prédiction d'essais expérimentaux. Le premier consiste à créer des modèles qui comprennent les mécanismes complexes des maladies au niveau moléculaire. Le second va plus loin en anticipant ce qui se passera lorsqu'on testera un candidat-médicament dans des conditions spécifiques.
Les Acteurs Clés de Cette Révolution
BenchSci n'est pas une inconnue dans le paysage des technologies de santé. Fondée en 2015 à Toronto, la compagnie a rapidement su s'imposer comme un assistant virtuel indispensable pour les équipes de recherche préclinique. Son logiciel analyse des millions de publications scientifiques et d'expériences passées pour aider les chercheurs à prendre des décisions éclairées.
Ce qui distingue particulièrement BenchSci, c'est sa clientèle de prestige. Parmi ses utilisateurs figurent seize des vingt plus grandes entreprises pharmaceutiques mondiales. Des noms comme AbbVie, Gilead Sciences ou encore Novartis font partie de ses références. Au total, plus de 4 500 centres de recherche à travers le globe utilisent ses outils au quotidien.
De son côté, Mila représente l'excellence canadienne en matière d'intelligence artificielle. Soutenu par le gouvernement fédéral, cet institut rassemble certains des meilleurs talents en apprentissage automatique. Sa réputation internationale n'est plus à faire, notamment grâce à des figures comme Yoshua Bengio, l'un des pionniers du deep learning.
En nous associant à BenchSci, nous appliquons une recherche en IA de classe mondiale à l'un des défis les plus complexes et impactants de notre époque – comprendre la biologie à un niveau capable de transformer la découverte et le développement de médicaments salvateurs.
– Stéphane Létourneau, vice-président exécutif de Mila
Des Objectifs Techniques Ambitieux
Concrètement, que vont développer ces deux organisations ? Leur collaboration vise à créer de nouveaux modèles d'intelligence artificielle qui iront bien au-delà des capacités actuelles. On parle ici de systèmes capables de raisonnement biologique avancé, une sorte d'intelligence qui comprend non seulement les données, mais aussi les relations causales entre différents phénomènes biologiques.
La prédiction d'essais expérimentaux représente peut-être l'aspect le plus révolutionnaire. Traditionnellement, tester un nouveau composé pharmaceutique nécessite des mois de travail en laboratoire, des ressources considérables et souvent des résultats incertains. Si une IA pouvait estimer avec une précision raisonnable l'issue de ces tests, cela changerait complètement la donne.
Pensez-y : au lieu de lancer dix expériences différentes pour trouver la bonne, les chercheurs pourraient se concentrer sur les deux ou trois qui ont le plus de chances de succès. Cela accélérerait non seulement le processus de découverte, mais réduirait aussi considérablement les coûts associés.
Cette technologie s'appuierait sur la cartographie existante de la biologie des maladies développée par BenchSci. En y intégrant les expertises de Mila en modélisation prédictive et générative, ils espèrent créer une plateforme d'une nouvelle génération, capable d'évoluer constamment en fonction des nouvelles découvertes scientifiques.
Un Financement Solide pour une Vision Audacieuse
Derrière cette initiative ambitieuse se cache une structure financière robuste. BenchSci a réussi à lever plus de 218 millions de dollars auprès d'investisseurs de renom. On y trouve notamment Generation Investment Management, le fonds d'Al Gore, mais aussi des acteurs canadiens comme Inovia Capital et Golden Ventures.
Cette levée de fonds impressionnante témoigne de la confiance accordée à la vision de l'entreprise. Le dernier tour de table majeur, une série D de 95 millions de dollars en 2023, a permis de consolider sa position de leader dans l'assistance IA pour la recherche biomédicale.
- Generation Investment Management : investisseur majeur avec une approche durable
- Inovia Capital : soutien constant aux entreprises tech canadiennes
- TCV : expertise dans les logiciels d'entreprise
- F-Prime et Gradient Ventures : liens avec le monde pharmaceutique et Google
Une Stratégie Interne Résolument Tourné vers l'IA
Ce partenariat avec Mila s'inscrit dans une transformation plus profonde de BenchSci. Depuis le début de 2025, l'entreprise a adopté ce qu'elle appelle une stratégie "IA d'abord". Concrètement, cela signifie qu'avant de recruter pour n'importe quel poste, la question posée est systématiquement : une intelligence artificielle pourrait-elle accomplir cette tâche ?
Cette approche n'est pas sans conséquences sur l'organisation. Comme d'autres entreprises technologiques canadiennes, BenchSci a dû procéder à des ajustements de personnel. En 2024, 70 employés ont quitté l'entreprise, soit 17 % de l'effectif à l'époque. En 2025, ce sont 83 personnes supplémentaires qui ont été concernées par une nouvelle vague de restructuration.
Ces chiffres, bien que difficiles, reflètent une réalité plus large dans le secteur technologique. L'arrivée massive d'outils d'intelligence artificielle performants force les entreprises à repenser leurs modèles opérationnels. Chez BenchSci, cette transition semble porter ses fruits en termes d'efficacité, même si elle s'accompagne de défis humains importants.
Cela pourrait poser les bases de laboratoires autonomes qui accélèrent l'innovation, découvrent des insights inaccessibles à l'humain, et amènent plus rapidement des médicaments salvateurs aux patients.
– Liran Belenzon, cofondateur et PDG de BenchSci
Un Écosystème Canadien en Pleine Effervescence
Cette collaboration entre BenchSci et Mila illustre parfaitement la vitalité de l'écosystème technologique canadien dans le domaine de la santé. Toronto et Montréal, souvent présentées comme des rivales, démontrent ici leur capacité à travailler ensemble pour des projets d'envergure nationale.
Mila bénéficie d'un soutien gouvernemental important qui lui permet d'attirer les meilleurs talents mondiaux. De son côté, BenchSci représente le dynamisme entrepreneurial ontarien dans les technologies de santé. Leur union crée une synergie unique entre recherche fondamentale et application commerciale.
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que BenchSci noue des partenariats stratégiques. Récemment, l'entreprise a signé des accords avec des géants pharmaceutiques comme Sanofi et avec Thermo Fisher Scientific. Ces collaborations valident son approche et ouvrent la voie à des intégrations plus profondes dans les processus de recherche des grandes pharma.
Les Défis d'une IA en Biologie
Malgré l'enthousiasme, il reste d'importants obstacles techniques à surmonter. La biologie est un domaine d'une complexité extraordinaire. Les interactions entre protéines, gènes et composés chimiques forment un réseau d'une densité presque infinie. Créer des modèles capables de prédire avec fiabilité les comportements dans ce chaos représente un défi colossal.
De plus, la qualité des prédictions dépend directement de la qualité des données d'entraînement. Or, les expériences biologiques sont souvent bruitées, incomplètes ou difficilement comparables. BenchSci et Mila devront développer des méthodes innovantes pour nettoyer, standardiser et enrichir ces données massives.
La question de l'interprétabilité pose également problème. Même si une IA prédit correctement un résultat, les chercheurs auront besoin de comprendre pourquoi. Sans cette transparence, il sera difficile d'obtenir la confiance nécessaire pour une adoption massive dans l'industrie pharmaceutique, où les enjeux réglementaires sont considérables.
Vers des Laboratoires du Futur
À long terme, cette collaboration pourrait déboucher sur des laboratoires véritablement autonomes. Imaginez des installations où des robots, guidés par une intelligence artificielle centrale, conçoivent, réalisent et analysent des expériences 24 heures sur 24. Les chercheurs humains se concentreraient alors sur la validation stratégique et l'interprétation des résultats les plus prometteurs.
Cette vision n'est pas si lointaine. Déjà, certaines entreprises expérimentent avec des systèmes de laboratoire automatisé. L'ajout d'une IA capable de prédiction avancée pourrait multiplier l'efficacité de ces installations par un facteur important.
Pour les patients, les implications sont énormes. Le délai moyen pour mettre un nouveau médicament sur le marché dépasse actuellement dix ans et coûte plusieurs milliards de dollars. Si cette collaboration parvient à réduire ne serait-ce que de 20 % ces chiffres, ce serait une avancée majeure pour la médecine mondiale.
Impact sur l'Écosystème Startup Canadien
Cette annonce a des répercussions qui vont bien au-delà des deux organisations impliquées. Elle démontre que les startups canadiennes peuvent rivaliser avec les géants américains dans des domaines de pointe comme l'IA appliquée à la santé. Cela pourrait encourager d'autres investisseurs à parier sur des projets similaires.
Le choix de Mila comme partenaire stratégique envoie aussi un message fort. Les instituts de recherche publics peuvent jouer un rôle crucial dans l'innovation commerciale. Ce modèle de collaboration entre le monde académique et l'entreprise privée pourrait inspirer d'autres initiatives à travers le pays.
Enfin, cette partnership renforce la position du Canada comme hub technologique dans les sciences de la vie. Entre les clusters de Toronto, Montréal et Vancouver, le pays dispose d'atouts uniques pour devenir un leader mondial dans la convergence entre IA et biologie.
Perspectives d'Avenir pour BenchSci
Avec ce partenariat, BenchSci se positionne clairement comme un acteur de premier plan dans la prochaine génération d'outils pour la découverte de médicaments. La compagnie a déjà une base clients solide et une technologie éprouvée. L'intégration des avancées de Mila pourrait lui donner un avantage compétitif décisif.
On peut s'attendre à voir apparaître de nouvelles fonctionnalités dans sa plateforme au cours des prochains mois et années. Peut-être des modules de génération automatique d'hypothèses, ou des outils de simulation virtuelle d'expériences. Chaque avancée renforcera la valeur proposée à ses clients pharmaceutiques.
La direction de l'entreprise semble confiante. Malgré les ajustements de personnel récents, l'arrivée de nouveaux leaders techniques comme John Jackson au poste de CTO montre que BenchSci continue d'investir dans les talents nécessaires pour réaliser sa vision.
Cette collaboration avec Mila marque un tournant dans l'histoire de BenchSci. D'une startup prometteuse, elle passe au statut d'innovateur majeur dans un domaine où les enjeux humains sont immenses. Reste à voir si les promesses technologiques se concrétiseront dans les délais annoncés, mais une chose est sûre : l'avenir de la découverte médicamenteuse s'écrit en partie au Canada, et il s'écrit en langage artificiellement intelligent.
