Black Semiconductor révolutionne la puissance des puces avec le graphène

Imaginez une technologie capable de décupler la vitesse de communication entre les puces, tout en réduisant leur consommation d'énergie. C'est précisément la promesse de Black Semiconductor, une deeptech allemande qui a fait sensation en levant 254 millions d'euros en juin dernier. Son secret ? L'exploitation des propriétés extraordinaires d'un matériau appelé à révolutionner l'électronique : le graphène.

Le graphène, ce "matériau miracle" aux propriétés exceptionnelles

Découvert il y a une vingtaine d'années, le graphène est un matériau bidimensionnel constitué d'une monocouche d'atomes de carbone. Malgré son épaisseur d'un seul atome, il présente des caractéristiques hors du commun :

• Une mobilité électronique 100 fois supérieure à celle du silicium, permettant aux électrons de se déplacer à très grande vitesse.
• Une conductivité thermique et une résistance mécanique inégalées.
• Des propriétés optiques uniques, le rendant transparent ou opaque selon le contrôle électrique appliqué.

Autant d'atouts qui font du graphène un candidat idéal pour accélérer les interconnexions au sein des puces, actuellement limitées par les technologies silicium traditionnelles.

Black Semiconductor mise sur la photonique intégrée à base de graphène

Pour tirer parti du potentiel du graphène, Black Semiconductor développe une technologie photonique intégrant ce matériau directement sur les puces électroniques. L'idée est d'utiliser la lumière plutôt que les électrons pour transmettre les données entre les différents composants.

Concrètement, des guides d'ondes en nitrure de silicium sont recouverts de graphène à des endroits stratégiques. En appliquant un contrôle électrique, il est alors possible de modifier la transparence du graphène pour moduler le signal lumineux :

Le graphène devient transparent ou opaque, comme si on faisait du morse. On éteint ou on allume la lumière.

Cédric Huyghebaert, Directeur Technique de Black Semiconductor

Le graphène est également utilisé dans les photodétecteurs en bout de guide d'ondes pour convertir le signal optique modulé en information électrique exploitable.

Des atouts séduisants face à la photonique sur silicium

Par rapport aux technologies de photonique sur silicium actuelles, l'approche de Black Semiconductor présente de nombreux avantages :

• Un procédé de fabrication simplifié, le graphène pouvant être déposé à température ambiante contrairement au silicium cristallin.
• Une intégration directement sur la puce électronique, évitant l'ajout d'un wafer photonique indépendant.
• Des performances au moins équivalentes en termes d'économies d'énergie et de bande passante, avec un potentiel d'amélioration future.

Bien que la technologie n'en soit qu'à ses débuts, avec un TRL (Technology Readiness Level) estimé entre 5 et 6, Black Semiconductor est confiant dans sa capacité à l'amener à maturité. Une première preuve de concept est attendue fin 2025.

Un enjeu crucial pour l'avenir des datacenters et de l'IA

Au-delà de la prouesse technologique, les travaux de Black Semiconductor s'inscrivent dans un contexte de besoin croissant en puissance de calcul et en rapidité de communication au sein des datacenters. Avec l'explosion de l'intelligence artificielle et du traitement des données, les infrastructures actuelles risquent rapidement d'atteindre leurs limites.

En permettant de décupler les débits tout en réduisant la consommation énergétique, la photonique à base de graphène pourrait être une des clés pour relever ce défi. Les applications potentielles sont immenses, du calcul haute performance aux réseaux de télécommunications du futur.

Avec sa levée de fonds record, qui combine des investissements publics allemands et des capitaux privés, Black Semiconductor dispose des moyens de ses ambitions. Reste désormais à transformer l'essai et à prouver la viabilité de sa technologie à grande échelle. Si elle y parvient, le graphène pourrait bien devenir le matériau incontournable des puces de demain.