Blanquefort : HDF Energy Face à Bordeaux Métropole

Imaginez une friche industrielle, vestige d’une époque révolue, qui renaît sous les ambitions d’une start-up audacieuse. À Blanquefort, en Gironde, une ancienne usine Ford, jadis fleuron de l’automobile, est aujourd’hui le théâtre d’un affrontement inattendu. D’un côté, HDF Energy, spécialiste de l’hydrogène vert, veut doubler la taille de son usine de piles à combustible. De l’autre, Bordeaux Métropole, propriétaire du terrain, impose des règles strictes pour préserver l’équilibre entre développement économique et respect de l’environnement. Cette tension, qui oppose innovation et régulation, pourrait bien redéfinir l’avenir industriel de la région.

Un Site Chargé d’Histoire au Cœur d’un Renouveau

Blanquefort, c’est un nom qui résonne dans la mémoire collective des Girondins. Pendant près de cinquante ans, de 1973 à 2019, Ford y a fait tourner ses moteurs, employant jusqu’à 3 600 personnes au plus fort de son activité. Sur les 300 hectares de la zone industrielle, 60 étaient dédiés à cette usine emblématique, surnommée avec humour « Blanqueford » par les locaux. Mais quand le géant américain a plié bagage, il a laissé derrière lui une immense friche, un défi autant qu’une opportunité pour les pouvoirs publics.

Aujourd’hui, la Région Nouvelle-Aquitaine, la mairie de Blanquefort et Bordeaux Métropole unissent leurs forces pour redonner vie à ce site. Leur ambition ? Transformer cette page blanche en un modèle de réindustrialisation durable, où l’industrie cohabite avec la nature. C’est dans ce contexte que HDF Energy, une start-up spécialisée dans les solutions hydrogène, a posé ses valises en mai 2024, inaugurant une usine flambant neuve sur 4 hectares de l’ancien terrain Ford.

HDF Energy : Une Vision Ambitieuse pour l’Hydrogène

HDF Energy n’est pas une entreprise comme les autres. Avec un investissement de 20 millions d’euros, elle a construit une usine de 7 000 m², dont 5 000 consacrés à la production de **piles à combustible**, une technologie clé pour stocker et distribuer l’énergie verte. Inaugurée il y a moins d’un an, cette installation est déjà présentée comme une pionnière mondiale dans la production de piles à hydrogène de forte puissance. Mais HDF voit plus grand : elle envisage de doubler sa surface pour répondre à une demande croissante.

Cette expansion n’est pas un simple caprice. L’hydrogène est au cœur des débats sur la **transition énergétique**, et HDF veut se positionner comme un leader dans ce secteur en plein essor. Lors d’une réunion publique en octobre 2024, les dirigeants ont laissé entendre leur frustration face au mutisme de Bordeaux Métropole, qui tarde à leur accorder les hectares supplémentaires nécessaires, notamment une parcelle incluant une zone humide.

« Si HDF souhaite s’étendre, il lui suffit d’acheter un lot disponible. Mais cela implique des obligations environnementales qu’ils doivent accepter. »

– Véronique Ferreira, Maire de Blanquefort et Vice-Présidente de Bordeaux Métropole

Bordeaux Métropole : Gardienne de l’Équilibre

Face aux ambitions de HDF, Bordeaux Métropole joue un rôle de régulateur prudent. Propriétaire des 300 hectares de la friche Ford, l’intercommunalité doit jongler entre plusieurs priorités : relancer l’économie locale, préserver la biodiversité et limiter l’artificialisation des sols. Véronique Ferreira, maire de Blanquefort et figure influente de la métropole, ne mâche pas ses mots : pour elle, l’extension de HDF est possible, mais pas à n’importe quel prix.

Concrètement, 5 hectares de terrain restent disponibles à la vente, mais leur acquisition implique des démarches administratives lourdes et des engagements écologiques stricts. La politique de « zéro artificialisation nette » impose par exemple de repenser les modes de construction pour minimiser l’impact sur les sols. Une exigence qui semble freiner HDF, qui n’a pas encore formalisé d’offre d’achat.

Pour compliquer les choses, une partie des terres convoitées par HDF inclut une zone humide, un écosystème sensible que la métropole entend protéger. Ce désaccord illustre une tension plus large : comment concilier les besoins d’une industrie innovante avec les impératifs environnementaux d’une époque en crise climatique ?

Le Bail à Construction : Une Solution Gagnante ?

Pour sortir de l’impasse, Bordeaux Métropole mise sur une alternative originale : le **bail à construction**. Ce dispositif, d’une durée pouvant aller de 18 à 99 ans, permet à une entreprise de bâtir et d’exploiter un site industriel tout en laissant la propriété du terrain à la collectivité. À la fin du bail, le bâtiment revient à la métropole, qui peut alors le réaffecter.

Les avantages sont multiples : des incitations fiscales pour l’entreprise, une gestion durable du foncier pour la collectivité, et une flexibilité qui pourrait séduire des acteurs comme HDF. Véronique Ferreira y voit une réponse idéale pour poursuivre la réindustrialisation de Blanquefort sans sacrifier ses principes écologiques.

• Un cadre juridique clair pour les industriels.
• Une préservation du foncier à long terme.
• Des avantages fiscaux non négligeables.

Un Passé Industriel à Réinventer

Le site de Blanquefort n’est pas qu’une question de chiffres ou de terrains. C’est aussi une histoire humaine. Pendant des décennies, des familles entières ont travaillé chez Ford, transmettant savoir-faire et fierté d’une génération à l’autre. La fermeture en 2019 a laissé un vide, tant économique qu’émotionnel, dans cette commune proche de Bordeaux.

Aujourd’hui, HDF Energy incarne un espoir de renouveau, mais ce projet ne peut ignorer son héritage. Réindustrialiser, oui, mais pas au détriment des leçons du passé. La métropole et la start-up devront trouver un terrain d’entente pour que Blanquefort redevienne un symbole de prospérité, cette fois sous le signe de l’énergie verte.

L’Hydrogène, Fer de Lance de la Transition Énergétique

Pourquoi tant d’enjeux autour de HDF ? Parce que l’hydrogène est bien plus qu’une mode. Considéré comme une alternative aux combustibles fossiles, il pourrait révolutionner des secteurs comme les transports, l’industrie lourde ou encore la production d’électricité. En misant sur les piles à combustible, HDF s’attaque à un défi majeur : stocker l’énergie renouvelable pour la rendre disponible à la demande.

En Nouvelle-Aquitaine, où les énergies vertes sont une priorité, cette technologie trouve un écho particulier. Mais pour que HDF réussisse, elle doit surmonter les obstacles locaux, à commencer par cette querelle foncière qui cristallise les débats sur l’avenir de l’industrie durable.

Les Défis d’une Réindustrialisation Durable

Réindustrialiser un site comme Blanquefort n’est pas une mince affaire. Entre les attentes économiques, les contraintes environnementales et les ambitions des entreprises, chaque décision est un exercice d’équilibriste. HDF Energy, avec son projet d’extension, illustre parfaitement ce dilemme : grandir vite pour saisir les opportunités du marché, ou ralentir pour respecter les règles d’un développement raisonné ?

Pour Bordeaux Métropole, la réponse passe par une vision à long terme. En imposant des garde-fous, elle cherche à éviter les erreurs d’un passé où l’industrie a parfois prospéré au détriment de la nature. Mais cette prudence pourrait-elle étouffer une start-up prometteuse comme HDF ?

Et Après ? Les Enjeux à Venir

Le bras de fer entre HDF Energy et Bordeaux Métropole est loin d’être terminé. Si la start-up finit par obtenir ses hectares supplémentaires, elle pourrait faire de Blanquefort un pôle mondial de l’hydrogène vert. Dans le cas contraire, elle risque de chercher ailleurs un terrain plus accueillant, au grand dam des élus locaux qui ont tout misé sur ce renouveau industriel.

Quoi qu’il arrive, cette histoire dépasse les frontières de la Gironde. Elle pose une question essentielle : comment construire une industrie du futur qui soit à la fois innovante, rentable et respectueuse de son environnement ? À Blanquefort, l’avenir se joue maintenant.