
Blue2 : Transformer le CO2 avec des Microalgues
Et si le CO2, souvent perçu comme un ennemi de l’environnement, devenait une ressource précieuse pour l’industrie ? Cette idée audacieuse est au cœur du projet d’une jeune start-up nantaise, qui repousse les limites de l’innovation écologique. En s’appuyant sur le potentiel des microalgues, ces minuscules organismes capables de miracles grâce à la photosynthèse, Blue2 ambitionne de transformer les émissions industrielles en molécules à haute valeur ajoutée. Plongez dans l’univers de cette entreprise qui conjugue science, technologie et durabilité pour réinventer l’avenir de l’industrie.
Blue2 : Une Révolution Verte Made in Nantes
Fondée fin 2024, Blue2 est une start-up française qui a vu le jour après un an de recherches intensives. Basée à Nantes, elle s’appuie sur un écosystème local riche en expertise scientifique, notamment grâce à sa collaboration avec l’Ifremer et le laboratoire GEPEA. L’objectif de l’entreprise est clair : capter le dioxyde de carbone émis par les industries et le transformer en ressources utiles, tout en réduisant l’empreinte carbone. Mais comment ? En exploitant le pouvoir des microalgues, ces organismes microscopiques qui réalisent la photosynthèse avec une efficacité remarquable.
Contrairement aux approches traditionnelles de capture du CO2, souvent coûteuses et énergivores, Blue2 propose une solution innovante et rentable. En intégrant des photobioréacteurs directement sur les sites industriels, l’entreprise capte les émissions de CO2 à la source et les convertit en biomasse valorisable. Ce concept, qui allie écologie et économie, pourrait transformer la manière dont les industries envisagent leurs émissions polluantes.
Les Microalgues : Petites par la Taille, Grandes par l’Impact
Les microalgues ne sont pas des algues ordinaires. Ces organismes unicellulaires, présents dans les océans depuis des milliards d’années, possèdent une capacité unique à absorber le CO2 tout en produisant de l’oxygène et des composés organiques. Leur potentiel est colossal : selon certaines études, elles consomment jusqu’à dix fois plus de CO2 par mètre carré que les plantes terrestres. Blue2 a su tirer parti de cette particularité pour en faire une arme de décarbonation.
Les microalgues sont une solution naturelle et efficace pour capter le CO2 et produire des ressources précieuses pour des secteurs comme la pharmacie ou les cosmétiques.
– Arianna Rizzo, cofondatrice de Blue2 et docteure en biologie marine
En sélectionnant des souches spécifiques de microalgues, Blue2 optimise leur productivité pour répondre aux besoins de différents marchés. Par exemple, certaines souches produisent des lipides pour les biocarburants, tandis que d’autres génèrent des molécules aux propriétés antioxydantes ou anti-âge, très recherchées dans l’industrie cosmétique.
Un Photobioréacteur au Cœur de l’Innovation
Le secret de Blue2 réside dans son photobioréacteur, un dispositif conçu pour maximiser l’efficacité des microalgues. Ce système compact et modulable s’installe directement sur les sites industriels, là où les émissions de CO2 sont les plus concentrées. Les fumées riches en dioxyde de carbone sont compressées, puis injectées dans le réacteur, où les microalgues les absorbent pour croître et produire de la biomasse.
Ce photobioréacteur, fruit du travail de Romain Million, cofondateur et expert en génie des procédés, se distingue par plusieurs atouts :
- Compacité : Conçu pour s’intégrer facilement aux infrastructures existantes.
- Efficacité énergétique : Réduit la consommation d’énergie par rapport aux systèmes traditionnels.
- Modularité : Adaptable aux volumes d’émissions de chaque site industriel.
Cette technologie permet à Blue2 de proposer une solution clé en main, qui non seulement capte le CO2, mais le transforme en une ressource économiquement viable. L’objectif à court terme est d’installer un premier prototype sur un site industriel d’ici le second semestre 2026.
Une Valorisation à Haute Valeur Ajoutée
Loin de se limiter à la capture du CO2, Blue2 mise sur la valorisation de la biomasse produite. Une fois les microalgues cultivées, elles sont récoltées et transformées pour extraire des molécules à forte valeur ajoutée. Ces composés, utilisés dans des secteurs comme la pharmacie, la cosmétique ou la chimie verte, peuvent avoir des propriétés antioxydantes, anti-diabète, anti-cancer ou anti-âge.
Nous travaillons sur une molécule aux effets anti-âge et anti-cancer, valorisée à 50 000 euros le kilo. Cela montre le potentiel économique de notre approche.
– Arnaud Grisard, PDG de Blue2
En transformant une tonne de CO2 capturé en environ 500 kg de biomasse, Blue2 estime pouvoir générer une valeur comprise entre 200 000 et 250 000 euros par tonne. Cette rentabilité attire l’attention des industriels, qui y voient une opportunité de combiner réduction des émissions et création de revenus.
Un Écosystème Nantais Propice à l’Innovation
Blue2 ne serait pas là sans le terreau fertile de l’écosystème nantais. La région Pays de la Loire, et plus particulièrement Nantes, est un hub reconnu pour la recherche sur les microalgues. Le laboratoire GEPEA, affilié à l’Université de Nantes et au CNRS, joue un rôle clé dans le développement des technologies liées à ces organismes. La plateforme AlgoSolis, dédiée à la R&D sur les microalgues, a également permis à Blue2 de bénéficier d’infrastructures de pointe pour ses travaux.
En outre, l’incubation au Génopole, un accélérateur dédié aux biotechnologies, offre à Blue2 un soutien stratégique pour structurer son développement. Ce réseau, combiné à des partenariats avec des institutions comme l’Ifremer, positionne la start-up comme un acteur prometteur dans le domaine de la biotechnologie verte.
Les Défis à Relever
Malgré son potentiel, Blue2 fait face à plusieurs défis. Le premier concerne l’échelle de la capture de CO2. Actuellement, le photobioréacteur de la start-up peut capter jusqu’à 5 tonnes de CO2 par an, un volume encore modeste face aux millions de tonnes émises par certaines industries. Cependant, Blue2 travaille déjà à augmenter cette capacité pour répondre aux besoins des grands émetteurs.
Un autre enjeu réside dans l’optimisation énergétique du processus. La récolte des microalgues, souvent réalisée par centrifugation, peut être énergivore. Blue2 investit dans des solutions pour réduire cette consommation, tout en maintenant la rentabilité économique de son modèle.
Enfin, la start-up doit convaincre les industriels de tester son prototype. Pour ce faire, elle recherche activement un partenaire prêt à accueillir son photobioréacteur sur site. Ce premier déploiement sera crucial pour démontrer la viabilité de la technologie à grande échelle.
Un Modèle Économique Prometteur
Le modèle économique de Blue2 repose sur une double proposition de valeur : réduire les émissions de CO2 tout en générant des revenus grâce à la vente de biomolécules. Voici les principaux avantages de ce modèle :
- Rentabilité : La valorisation des biomolécules permet de compenser les coûts d’installation du photobioréacteur.
- Flexibilité : La technologie s’adapte à divers types d’industries, de la chimie à la cosmétique.
- Impact environnemental : Contribue à la réduction des gaz à effet de serre tout en produisant des ressources durables.
Avec un prêt d’honneur de 150 000 euros obtenu auprès de Wilco et un financement attendu de 90 000 euros de la BPI, Blue2 prépare une levée de fonds de 1,6 million d’euros pour 2026. Ces ressources permettront de financer la fabrication du prototype et d’accélérer les tests sur site.
Vers un Avenir Plus Vert
Blue2 incarne une nouvelle génération de start-ups qui placent l’innovation au service de l’environnement. En transformant le CO2, souvent perçu comme un déchet, en une ressource précieuse, l’entreprise ouvre la voie à une économie circulaire où les émissions industrielles deviennent une opportunité. Si son prototype prouve son efficacité, Blue2 pourrait inspirer d’autres industries à adopter des solutions similaires.
À long terme, la vision de Blue2 dépasse la simple capture du CO2. L’entreprise ambitionne de contribuer à la sortie des énergies fossiles en utilisant le dioxyde de carbone comme matière première pour des énergies renouvelables. Ce pari audacieux pourrait redéfinir les standards de l’industrie et positionner les microalgues comme un pilier de la transition écologique.
En attendant, Blue2 continue de tisser des partenariats et de perfectionner sa technologie. Avec le soutien de l’écosystème nantais et des investisseurs, cette jeune pousse a toutes les cartes en main pour devenir un acteur clé de la décarbonation. Reste à voir si les industriels saisiront cette opportunité pour faire un pas vers un avenir plus durable.