Boeing en crise : le revers de la médaille de l’aéro géant
Chez Boeing, le ciel s'assombrit. Depuis le 13 septembre, plus de 33 000 salariés ont débuté une grève d'ampleur, paralysant les chaînes d'assemblage de l'avionneur américain. Au cœur du conflit, des revendications salariales mais surtout l'expression d'une immense rancœur accumulée au fil des années. Le nouveau PDG Kelly Ortberg se retrouve à devoir gérer un héritage social explosif.
Une grève symptomatique d'un malaise profond
Si officiellement, les grévistes réclament une augmentation de salaire de 40% sur 4 ans, la réalité est plus complexe. Derrière ce mouvement social se cache en effet des années de frustration des ouvriers, qui se sentent déconsidérés par leur direction. Comme le souligne Richard Aboulafia, expert aéronautique :
Les années McNerney et Calhoun ont été terribles pour le moral des travailleurs. Les salariés sont impatients de rattraper les décennies perdues et de riposter après des années de griefs.
– Richard Aboulafia, expert aéronautique du cabinet AeroDynamic Advisory
Cette grève cristallise donc un malaise bien plus profond qu'une simple question de rémunération. Elle est le point d'orgue d'un divorce entre le monde ouvrier et les dirigeants, qui couvait depuis plus de 20 ans.
Boeing pris au piège de la course aux profits
Depuis le début des années 2000, Boeing s'est lancé dans une course effrénée aux profits, avec comme principale variable d'ajustement les coûts industriels et donc la masse salariale. Peu à peu, la direction s'est déconnectée des réalités du terrain, compressant les salaires :
Après sept ans, l'employée Corrine Peterson est passée d'un salaire de départ de 10 dollars de l'heure à 13,30 dollars de l'heure.
– Article du Seattle Times, 2015
Un sentiment d'humiliation renforcé par les rémunérations faramineuses des dirigeants. En 2023, l'ancien PDG Dave Calhoun a ainsi vu sa rémunération bondir de 45%, empochant 33 millions de dollars. De quoi attiser la colère des ouvriers.
Un syndicat incapable d'endiguer la colère
Face à ce mouvement social, même les syndicats semblent dépassés. Selon Richard Aboulafia, l'IAM, le syndicat majoritaire, aurait sous-estimé l'exaspération de la base, plus préoccupée par les salaires que par la compétitivité de l'entreprise. Un décalage renforcé par le turn-over et le manque d'attachement des nouveaux embauchés, qui n'ont que faire des intérêts long-terme de Boeing.
Le nouveau PDG face à un immense chantier
Pour Kelly Ortberg, arrivé cet été à la tête de Boeing, le défi est donc immense. Il va devoir retisser urgemment des liens de confiance avec les salariés, sous peine de voir le conflit social s'enliser. Cela passera inévitablement par des gestes forts envers le monde ouvrier :
- Revaloriser significativement les rémunérations
- Donner des gages d'un rééquilibrage de la politique de Boeing en faveur de l'humain et de l'industrie
- Recréer du lien entre la direction et la base ouvrière
Des choix cruciaux pour l'avenir de Boeing. Car derrière l'engagement et la motivation de ses salariés, c'est la capacité de l'avionneur à tenir ses engagements et à rivaliser avec Airbus qui se joue. Kelly Ortberg a les cartes en main pour écrire une nouvelle page de l'histoire industrielle et sociale de Boeing. Sera-t-il à la hauteur de ce défi ?