Boom Supersonic Lève 300M$ pour Turbines Gaz
Imaginez un monde où les vols commerciaux supersoniques reviennent, réduisant un trajet Paris-New York à moins de quatre heures. C’est le rêve que porte Boom Supersonic depuis des années. Mais pour y arriver, la startup américaine vient de prendre un détour inattendu : transformer son moteur d’avion en turbine stationnaire pour alimenter... des centres de données voraces en énergie.
Boom Supersonic pivote vers l’énergie pour financer son rêve supersonique
Le 9 décembre 2025, Boom Supersonic a annoncé une levée de fonds de 300 millions de dollars. Derrière cette opération, un objectif clair : lancer la production d’une turbine à gaz de 42 mégawatts baptisée Superpower. Et le premier client n’est autre que Crusoe, une jeune pousse spécialisée dans les data centers optimisés pour l’intelligence artificielle.
Ce contrat porte sur 29 turbines, pour une puissance totale de 1,21 gigawatts et un montant de 1,25 milliard de dollars. Les premières livraisons sont prévues pour 2027. Les profits générés par cette activité doivent directement financer le développement de l’avion commercial Overture.
Blake Scholl, fondateur et PDG de Boom, ne cache pas son inspiration : « J’ai cherché pendant dix ans ce qui pourrait être notre Starlink », confie-t-il, en référence à la manière dont SpaceX finance ses fusées grâce aux revenus de son réseau satellitaire.
Une synergie technique entre ciel et terre
Le moteur Symphony, conçu pour l’avion Overture, partage 80 % de ses composants avec la turbine Superpower. Cette proximité technique permet à Boom de rentabiliser rapidement ses investissements en recherche et développement.
Déjà, le démonstrateur XB-1 a franchi le mur du son cette année, une première pour un avion civil développé par une entreprise privée. Cette prouesse valide la technologie de base, qui peut désormais être déclinée en version stationnaire.
La turbine sera livrée dans un conteneur maritime, prête à être connectée au réseau gaz et électrique. Crusoe devra ajouter les systèmes de contrôle de la pollution et les raccordements, mais l’installation reste bien plus rapide qu’une centrale classique.
Un besoin énergétique colossal derrière l’IA
Les centres de données dédiés à l’entraînement des modèles d’intelligence artificielle consomment des quantités d’électricité phénoménales. Les fournisseurs cloud traditionnels peinent à suivre la demande, entre délais de raccordement au réseau et contraintes environnementales.
Crusoe a choisi une approche différente : installer ses data centers près de sources d’énergie sous-exploitées, souvent du gaz naturel. Les turbines aeroderivative comme celles de Boom offrent une solution flexible et rapide à déployer.
Le prix annoncé – environ 1 033 dollars par kilowatt – reste compétitif pour une solution clé en main (turbine, générateur, maintenance). Même si le coût total du projet dépassera probablement les 2 000 dollars/kW une fois tous les équipements ajoutés.
« Cette opportunité n’est pas une distraction. Elle est parfaitement alignée avec notre trajectoire. »
– Blake Scholl, fondateur et PDG de Boom Supersonic
Des ambitions de production très élevées
Boom prévoit d’annoncer l’emplacement de son usine dédiée en 2026. Les objectifs sont ambitieux :
- 1 gigawatt de turbines produites en 2028
- 2 gigawatts en 2029
- 4 gigawatts en 2030
Si ces chiffres sont atteints, Boom deviendra un acteur significatif sur le marché des turbines aeroderivative, traditionnellement dominé par General Electric ou Siemens.
Une version « upgrade terrain » permettra plus tard de passer en cycle combiné, augmentant le rendement au-delà de 60 %. Pour l’instant, Superpower vise 39 % d’efficacité, un chiffre standard pour ce type d’équipement en cycle simple.
Les investisseurs derrière cette nouvelle trajectoire
La levée de 300 millions a été menée par Darsana Capital Partners. Parmi les participants notables :
- Altimeter Capital
- Ark Invest
- Bessemer Venture Partners
- Robinhood Ventures
- Y Combinator
Ces investisseurs misent clairement sur la double casquette de Boom : fournisseur d’énergie pour l’IA et pionnier du transport supersonique.
Des questions environnementales inévitables
Le recours au gaz naturel pour alimenter les data centers soulève des interrogations. Même si ces turbines sont plus efficaces que certaines centrales au charbon, elles émettent toujours du CO2.
Crusoe met en avant l’utilisation de gaz autrement flare (brûlé à la torchère) sur des sites pétroliers, ce qui réduit les émissions de méthane. Boom, de son côté, travaille sur des carburants durables pour son avion Overture.
Mais la multiplication de ces installations pourrait retarder la transition vers des énergies vraiment renouvelables. Le bruit constitue un autre point sensible : des turbines similaires près du supercluster Colossus de xAI sont audibles à plus de 800 mètres.
Vers un retour du supersonique plus rapide ?
Le véritable enjeu pour Boom reste l’avion Overture. Les revenus des turbines pourraient accélérer les certifications et la production. Des compagnies comme United Airlines ou American Airlines ont déjà passé des précommandes.
Mais le chemin reste semé d’embûches. La production à grande échelle d’un avion supersonique civil n’a plus été tentée depuis le Concorde. Les défis techniques, réglementaires et financiers sont immenses.
Cette stratégie de diversification énergétique pourrait être le coup de génie qui permet à Boom de franchir le « valley of death » des startups hardware. Ou bien une distraction coûteuse si la demande en turbines ne suit pas.
Une chose est sûre : l’alliance entre aviation de pointe et infrastructure IA illustre parfaitement les interconnexions inattendues de la tech moderne. Boom Supersonic nous rappelle que les grands rêves nécessitent parfois des compromis pragmatiques. Reste à voir si ce pari audacieux portera ses fruits, dans les airs comme au sol.