
Bourget 2025 : La Course aux Drones Militaires Français
Imaginez un ciel où des drones français, aussi discrets qu’efficaces, survolent des zones stratégiques, collectant des données cruciales ou neutralisant des menaces. Ce scénario, digne d’un film de science-fiction, est en passe de devenir réalité grâce à une initiative audacieuse dévoilée au Salon du Bourget 2025. Ce rendez-vous mondial de l’aéronautique, qui se tient du 16 au 22 juin près de Paris, a été le théâtre d’une annonce majeure : la mise en compétition de cinq industriels français pour développer un drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance). Ce projet, soutenu par la Direction générale de l’armement (DGA), marque un tournant pour l’industrie de la défense française, dans un contexte géopolitique où la souveraineté technologique devient une priorité. Alors, qui sont ces acteurs, et pourquoi cette course est-elle si cruciale ?
Une Nouvelle Ère pour les Drones Militaires Français
Le Salon du Bourget 2025 n’est pas seulement une vitrine pour les géants de l’aéronautique comme Airbus ou Dassault. Cette année, il met en lumière une compétition inédite orchestrée par la DGA, visant à combler le retard de la France dans le domaine des drones MALE. Ces engins, capables de voler à moyenne altitude pendant plus de 24 heures, sont essentiels pour des missions de reconnaissance, de renseignement et, dans certains cas, de combat. Contrairement aux drones kamikazes à bas coût, comme ceux inspirés des modèles Shahed russes, les drones MALE incarnent une technologie de pointe, alliant endurance, précision et polyvalence.
La DGA a décidé de bousculer les codes en lançant un appel à projets auprès de cinq industriels français : Aura Aero, Daher, Fly-R, SE Aviation et Turgis & Gaillard. Avec une enveloppe de subventions d’environ dix millions d’euros, l’objectif est clair : obtenir un premier vol de démonstrateur d’ici fin 2026, pour des commandes dès 2027. Ce calendrier ambitieux reflète l’urgence de rattraper des acteurs comme General Atomics, leader américain incontesté dans ce domaine.
« Personne en Europe n’est en mesure de concurrencer des acteurs américains tels que General Atomics », observe Jérémy Caussade, co-fondateur d’Aura Aero.
– Jérémy Caussade, co-fondateur d’Aura Aero
Les Cinq Pionniers de la Course aux Drones
Qui sont les acteurs en lice pour ce défi technologique ? Chacun des cinq industriels apporte une expertise unique, mêlant innovation, agilité et ambition. Voici un tour d’horizon des compétiteurs :
- Aura Aero : Basé à Toulouse, ce jeune constructeur a surpris le secteur avec son biplace Integral R, certifié par l’AESA en 2024. Son drone Enbata, dévoilé au Bourget, promet une approche modulaire, tirant parti des technologies développées pour l’aviation civile.
- Daher : Ce groupe familial, connu pour ses avions TBM, mise sur son savoir-faire en ingénierie aéronautique pour proposer un drone robuste et polyvalent, adapté aux exigences militaires.
- Fly-R : Originaire de La Réunion, cette start-up a fait sensation avec son drone R2-600, un MALE à propulsion hybride et à voilure rhomboïde, conçu pour être économique et performant.
- SE Aviation : Cette PME du Doubs, discrète mais innovante, se distingue par ses solutions sur mesure pour l’aviation légère, adaptées aux besoins complexes des drones militaires.
- Turgis & Gaillard : Favori de la compétition, ce groupe a déjà investi entre 15 et 20 millions d’euros dans son drone Aarok, un mastodonte de 5,5 tonnes capable de missions longue endurance.
Ces entreprises, bien que différentes dans leur taille et leur approche, partagent un objectif commun : faire de la France un acteur majeur dans le domaine des drones MALE. Mais le défi est de taille, car le temps presse et les attentes sont élevées.
Un Calendrier Ambitieux : Vol d’Essai en 2026
Le calendrier imposé par la DGA est un véritable défi. Les industriels ont moins de deux ans pour concevoir, prototyper et faire voler un démonstrateur. Pour mettre cela en perspective, Turgis & Gaillard a mis trois ans pour réaliser les premiers essais au sol de son Aarok. De même, l’Eurodrone, un projet européen impliquant l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, traîne depuis plus d’une décennie et ne sera pas opérationnel avant 2029.
Pourquoi une telle urgence ? La réponse réside dans le contexte géopolitique. Avec des conflits comme celui en Ukraine, où les drones jouent un rôle clé, et les incertitudes autour du soutien militaire américain en Europe, la France veut renforcer sa souveraineté technologique. Les drones MALE, capables de missions de longue durée sans risquer des vies humaines, sont devenus indispensables.
« Cette subvention va nous aider à passer à l’étape de dronisation. Pour le moment, nous passons par un pilote d’essai pour obtenir la certification civile de notre avion », explique Fanny Turgis, cofondatrice de Turgis & Gaillard.
– Fanny Turgis, cofondatrice de Turgis & Gaillard
Technologies Innovantes au Cœur du Projet
Les cinq industriels ne partent pas de zéro. Chacun dispose de briques technologiques déjà éprouvées, souvent issues de l’aviation civile. Par exemple, Aura Aero capitalise sur son expertise en hybridation électrique et en commandes de vol numériques. Turgis & Gaillard, quant à lui, mise sur une architecture robuste pour son Aarok, capable de transporter des charges lourdes sur de longues distances.
Voici les innovations clés qui pourraient faire la différence :
- Hybridation électrique : Réduire la consommation de carburant tout en augmentant l’autonomie.
- Voilure en carbone : Une structure légère mais résistante, essentielle pour les longues missions.
- Automatisation : Des systèmes de navigation et de contrôle avancés pour des vols autonomes.
- Modularité : La capacité d’adapter le drone à différentes missions, du renseignement au combat.
Ces avancées, souvent développées pour le secteur civil, trouvent une nouvelle application dans le domaine militaire, démontrant la synergie entre les deux mondes.
Pourquoi la France Mise sur les Drones MALE ?
Les drones MALE ne sont pas une simple mode technologique. Ils répondent à des besoins stratégiques précis :
- Surveillance longue distance : Collecter des données sur des théâtres d’opérations éloignés.
- Réduction des risques : Éviter l’exposition des pilotes à des zones dangereuses.
- Polyvalence : Capacité à mener des missions de renseignement, de surveillance ou d’attaque ciblée.
Le retard européen dans ce domaine, face à des acteurs comme les États-Unis ou Israël, a poussé la France à accélérer. Le Bourget 2025, avec son focus sur la défense, est l’occasion idéale pour afficher ces ambitions.
Les Enjeux d’une Compétition Unique
Ce projet n’est pas seulement une question de technologie, mais aussi de stratégie industrielle. En soutenant cinq entreprises, la DGA adopte une approche inédite : stimuler l’innovation par la concurrence. Cette méthode, bien que risquée, pourrait permettre de révéler des talents insoupçonnés, notamment parmi les PME comme Fly-R ou SE Aviation.
Les enjeux sont multiples :
- Souveraineté : Réduire la dépendance aux technologies étrangères.
- Compétitivité : Positionner la France comme un acteur crédible sur le marché mondial des drones.
- Emplois : Créer des opportunités dans une filière aéronautique en pleine croissance.
Le tableau suivant résume les forces des compétiteurs :
Industriel | Drone | Points forts |
---|---|---|
Aura Aero | Enbata | Expertise en hybridation et certification AESA |
Daher | Non dévoilé | Savoir-faire en ingénierie aéronautique |
Fly-R | R2-600 | Propulsion hybride, design innovant |
SE Aviation | Non dévoilé | Solutions sur mesure pour l’aviation légère |
Turgis & Gaillard | Aarok | Avance technologique, essais au sol réussis |
Un Écosystème en Ébullition
Le Salon du Bourget 2025 a également mis en lumière l’effervescence de l’écosystème français de la défense. Outre les drones MALE, des innovations comme les essaims de drones pilotés par la voix (Thales) ou les drones kamikazes inspirés des Shahed (MBDA) montrent que la France ne manque pas d’idées. Cette compétition pour les drones MALE s’inscrit dans une dynamique plus large, où start-ups et grands groupes collaborent pour repousser les limites technologiques.
La région Occitanie, avec ses 83 000 emplois dans l’aéronautique, joue un rôle clé. Des entreprises comme Aura Aero, basées à Toulouse, bénéficient de cet écosystème riche, mêlant grandes écoles, centres de recherche et industriels. Cette synergie pourrait être déterminante pour respecter le calendrier serré imposé par la DGA.
Vers un Avenir Souverain pour la Défense Française
La course aux drones MALE illustre un virage stratégique pour la France. En investissant dans des acteurs variés, la DGA mise sur l’innovation et la diversité des approches pour créer un champion national. Mais au-delà de la technologie, c’est une question de vision : comment la France peut-elle se positionner comme un leader dans un secteur dominé par les géants américains et israéliens ?
Le Bourget 2025 n’est que le début. D’ici 2027, l’un de ces cinq industriels pourrait redéfinir la défense aérienne française. Aura Aero, avec sa fougue de start-up ? Turgis & Gaillard, avec son avance technologique ? Ou peut-être une surprise de Fly-R ou SE Aviation ? Une chose est sûre : cette compétition marque le début d’une nouvelle ère pour l’aéronautique militaire française, où l’innovation et l’ambition sont les moteurs d’un avenir souverain.