Bowery Farming : La Fin d’un Géant de l’AgriTech

Dans le monde effervescent des startups, certaines success stories cachent une réalité plus sombre. C'est le cas de Bowery Farming, licorne de l'agriculture verticale, qui vient d'annoncer la cessation de ses activités malgré les 700 millions de dollars levés auprès d'investisseurs de renom. Une nouvelle qui ébranle le secteur de l'AgriTech et soulève des questions sur la viabilité des fermes verticales.

Le Rêve Brisé de Bowery Farming

Fondée en 2015 à New York, Bowery Farming avait pour ambition de révolutionner l'agriculture grâce à ses fermes verticales high-tech, capables de produire des laitues, des herbes aromatiques et des fruits rouges toute l'année, sans pesticides et avec 95% d'eau en moins par rapport à l'agriculture traditionnelle. Un modèle prometteur qui a séduit de grands noms du capital-risque comme First Round Capital, General Catalyst et GV (Google Ventures), permettant à la startup de lever plus de 700 millions de dollars et d'atteindre une valorisation de 2 milliards de dollars en 2021.

Pourtant, derrière cette success story se cachaient des difficultés opérationnelles et financières. Selon des documents internes et des témoignages d'employés rapportés par PitchBook, Bowery Farming a dû procéder à plusieurs vagues de licenciements en 2023 avant de jeter l'éponge. Un constat amer pour cette pépite qui promettait de nourrir durablement les villes de demain.

Un Secteur en Crise

La chute de Bowery Farming n'est pas un cas isolé dans le monde de l'agriculture verticale. Avant elle, d'autres startups stars comme AeroFarms et AppHarvest avaient déjà connu des déboires similaires :

• AeroFarms, qui avait levé plus de 300 millions de dollars, a dû se placer sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites en 2023 avant de réussir à en sortir quelques mois plus tard.
• AppHarvest, introduite en bourse en 2021 avec une valorisation de 1 milliard de dollars après avoir levé 700 millions, a également dû se déclarer en faillite en 2023.

Ces échecs en série mettent en lumière les défis auxquels est confrontée l'agriculture verticale : des coûts énergétiques élevés, une scalabilité limitée, une forte intensité capitalistique et une concurrence féroce sur un marché de niche. Autant d'obstacles qui remettent en question la viabilité économique du modèle, malgré ses promesses environnementales.

Quel Avenir pour l'AgriTech ?

La fermeture de Bowery Farming sonne comme un avertissement pour le secteur de l'AgriTech. Si l'agriculture verticale suscite toujours l'enthousiasme des investisseurs et du grand public, sa rentabilité reste à prouver à grande échelle. Pour s'imposer durablement, les acteurs du secteur devront relever plusieurs défis :

• Réduire les coûts de production, notamment énergétiques, grâce à des technologies plus efficientes et des économies d'échelle.
• Élargir leur gamme de produits au-delà des salades et herbes aromatiques pour toucher une clientèle plus large.
• Nouer des partenariats stratégiques avec des distributeurs et des industriels de l'agroalimentaire pour sécuriser des débouchés.
• Communiquer davantage sur les bénéfices environnementaux et gustatifs de leurs produits pour justifier des prix plus élevés.

L'agriculture verticale n'a pas dit son dernier mot, mais elle doit encore faire ses preuves pour passer du stade de technologie prometteuse à celui de filière économiquement pérenne. La fin de Bowery Farming marque un tournant, celui de la maturité, où les belles promesses ne suffisent plus. Place désormais à la rentabilité.

Malgré ses promesses, l'agriculture verticale doit encore prouver sa viabilité économique à grande échelle pour s'imposer durablement dans nos assiettes et nos villes.

- Christine Zimmermann, experte AgriTech