Bulle IA : Dario Amodei Lance l’Alerte
Imaginez-vous debout sur un fil, à 500 mètres au-dessus du vide, avec des milliards de dollars en jeu. Un pas de travers et tout s’effondre. C’est exactement l’image que Dario Amodei, patron d’Anthropic, a en tête quand il observe le marché de l’intelligence artificielle en ce début décembre 2025.
Mercredi dernier, lors du DealBook Summit du New York Times, le PDG a refusé de répondre par un simple « oui » ou « non » à la question qui brûle toutes les lèvres : sommes-nous dans une bulle IA ? Sa réponse, longue et nuancée, a fait l’effet d’une petite bombe dans la salle.
Le YOLO appliqué à des milliards de dollars
Amodei n’a nommé personne. Mais tout le monde a compris. Quand il parle de joueurs qui « YOLO » (You Only Live Once) et qui « tournent la molette du risque beaucoup trop loin », les regards se tournent immédiatement vers Sam Altman et OpenAI.
« Il y a des acteurs qui ne gèrent pas bien le risque, qui prennent des paris insensés. »
– Dario Amodei, PDG d’Anthropic
Le message est clair : oui, l’IA va transformer le monde. Oui, il faut investir massivement. Mais non, il ne faut pas jouer à la roulette russe avec des infrastructures qui coûtent des dizaines de milliards.
Le dilemme infernal du compute
Au cœur du problème : le compute. Pour entraîner les prochains modèles, il faut des centaines de milliers de GPU. Construire un méga-data center prend 3 à 5 ans. Mais personne ne sait exactement quand l’explosion de valeur économique arrivera.
Trop peu investir = se faire distancer par la concurrence (et par la Chine, que Amodei cite explicitement comme menace). Trop investir = risquer la faillite si la monétisation tarde.
« C’est un vrai dilemme », reconnaît-il. « Nous, chez Anthropic, on essaie de le gérer de façon responsable. »
Les chiffres qui donnent le vertige
Pour bien comprendre l’ampleur du phénomène, regardons les revenus d’Anthropic :
- 2023 : 100 millions de dollars
- 2024 : 1 milliard
- 2025 (prévision) : entre 8 et 10 milliards
Une multiplication par 10 chaque année. Impressionnant. Mais Amodei refuse de projeter la même courbe en 2026.
« Je serais vraiment stupide si j’extrapolais bêtement. L’an prochain, ce sera peut-être 20 milliards… ou 50… ou beaucoup moins. Je planifie sur le scénario le plus conservateur. »
– Dario Amodei
Le piège des puces qui se déprécient trop vite
Autre sujet brûlant : la durée de vie économique des GPU. Les puces elles-mêmes tiennent des années. Le problème ? Toutes les 18-24 mois, une nouvelle génération arrive, deux fois plus rapide, deux fois moins chère à l’usage.
Résultat : les vieux clusters perdent brutalement de la valeur. Un investissement de 10 milliards peut se retrouver dévalorisé de 50 % en un claquement de doigts.
Anthropic fait donc des hypothèses très conservatrices sur la dépréciation. D’autres, visiblement, non.
La petite phrase qui a fait tousser la salle
Quand on lui demande s’il s’inquiète pour certains concurrents, Amodei lâche :
« Nous, on sera OK dans quasiment tous les scénarios possibles. Je ne peux pas en dire autant des autres. »
– Dario Amodei
Le sous-texte est limpide. Certains acteurs misent tout sur une croissance infinie. Si jamais la courbe s’infléchit, même légèrement, le choc sera brutal.
OpenAI dans le viseur (sans le nommer)
Impossible de ne pas penser à OpenAI. Il y a quelques semaines à peine, sa directrice financière avait créé la polémique en réclamant une garantie publique américaine sur les emprunts d’infrastructure. Traduction : « si on se plante, ce sont les contribuables qui paieront ».
La phrase avait été retirée sous le feu des critiques. Mais le mal était fait. Et Amodei, en parlant de personnes qui « aiment les gros chiffres » et qui « YOLO constitutionnellement », semble viser directement Sam Altman.
La menace chinoise comme justification
Amodei ne se contente pas de critiquer. Il justifie aussi les investissements mass04sifs : il faut rester devant les acteurs chinois, point final. C’est une course géopolitique autant que technologique.
Mais même dans cette logique, il prône la mesure. Prendre des risques oui, jouer sa survie sur un pari hasardeux, non.
Et nous, où place-t-on nos billes ?
Pour les investisseurs, founders et observateurs, le message est double :
- Oui, l’IA reste l’opportunité du siècle
- Mais la fenêtre de tir pour la prudence est en train de se refermer
- Les prochains 24 mois vont séparer ceux qui ont géré le risque de ceux qui ont tout misé sur le rouge
En résumé, Dario Amodei ne dit pas qu’il y a une bulle. Il dit qu’il y a des funambules. Et que certains ont déjà les yeux fermés.
À suivre de très près.