
Canada Doit Oser Plus en FinTech
Et si le Canada, souvent perçu comme un acteur prudent, ratait une chance historique de briller sur la scène mondiale de la FinTech ? Lors d’un récent événement à l’École Munk des affaires mondiales et des politiques publiques de l’Université de Toronto, des leaders influents du secteur financier ont lancé un appel vibrant : il est temps pour le Canada de prendre des risques calculés et de viser grand. Dans un monde où l’innovation financière redéfinit les économies, la question n’est plus de savoir si le Canada peut rivaliser, mais comment il peut saisir cette opportunité unique pour se positionner comme un leader mondial.
Un Appel à l’Action pour la FinTech Canadienne
Le Canada a longtemps été reconnu pour la stabilité de son système financier, un atout qui lui a permis de traverser la crise financière de 2008 avec résilience. Mais cette prudence, bien que louable, pourrait aujourd’hui freiner son dynamisme. Lors de l’événement The Future, organisé par l’École Munk, des figures clés du secteur ont souligné l’urgence de passer de l’observation à l’action. Le message est clair : le Canada doit cesser de se reposer sur ses acquis et investir dans des projets ambitieux comme l’open banking, la modernisation des paiements et les stablecoins.
Un Constat Alarmant : le Canada à la Traîne
Le Canada, malgré son potentiel, accuse un retard sur ses pairs internationaux. Des pays comme le Royaume-Uni ou l’Australie ont déjà adopté des cadres pour l’open banking, permettant aux consommateurs de partager leurs données financières en toute sécurité pour accéder à des services innovants. Au Canada, les discussions traînent depuis des années, freinées par une approche conservatrice. Cette hésitation, selon les experts, risque de compromettre la compétitivité du pays sur la scène mondiale.
Nous aimons admirer le problème au lieu d’agir. Il est temps de se concentrer sur l’exécution.
– Debbie Gamble, Interac
Les intervenants ont également pointé du doigt un manque de confiance chez les entrepreneurs canadiens. Beaucoup choisissent de développer leurs entreprises à l’étranger, attirés par des écosystèmes plus dynamiques. Ce phénomène, qualifié de crise de confiance par Som Seif, PDG de Purpose Investments, menace de vider le Canada de ses talents les plus prometteurs.
Une Fenêtre d’Opportunité Unique
Malgré ces défis, les leaders présents à l’événement se montrent optimistes. Les bouleversements géopolitiques actuels, combinés aux avancées technologiques, offrent au Canada une chance de se réinventer. Som Seif insiste : le pays dispose de tous les atouts nécessaires pour réussir – ressources naturelles, talents, expertise et énergie. Ce qu’il manque, c’est une vision audacieuse et une volonté politique forte.
Pour tirer parti de cette opportunité, plusieurs pistes concrètes ont été évoquées :
- Adopter des politiques favorisant l’open banking pour stimuler l’innovation.
- Moderniser les infrastructures de paiement pour rivaliser avec les systèmes mondiaux.
- Explorer les stablecoins pour renforcer la position du Canada dans les cryptomonnaies.
- Célébrer les réussites entrepreneuriales pour inspirer la prochaine génération.
Ces mesures, bien qu’ambitieuses, nécessitent une coordination entre le gouvernement, les entreprises et les acteurs du secteur financier. Comme l’a souligné Tanya Woods de Questrade, une approche unifiée, où l’industrie parle d’une seule voix, est essentielle pour convaincre les décideurs politiques.
Les Obstacles Structurels à Surmonter
Julien Brazeau, du ministère des Finances du Canada, a reconnu que la stabilité financière, bien qu’essentielle, a parfois entravé l’innovation. Depuis 2008, le Canada s’est félicité de sa résilience, mais cette approche a engendré une aversion au risque. Les trois gouvernements libéraux successifs ont peiné à introduire des réformes audacieuses, craignant d’introduire trop d’instabilité dans un système financier robuste.
Attendre de voir quel modèle l’emportera peut sembler prudent, mais cela crée des risques à long terme pour notre compétitivité.
– Devon Kirk, Portage Capital Solutions
Devon Kirk a ajouté que l’innovation repose sur l’itération et l’expérimentation. En restant trop prudent, le Canada risque de se faire distancer par des économies plus agiles. Ce constat est particulièrement criant dans le domaine des stablecoins, où d’autres pays avancent à grands pas tandis que le Canada reste à la traîne.
Le Rôle de Mark Carney et du Budget à Venir
Un vent d’optimisme souffle néanmoins avec l’arrivée de Mark Carney comme Premier ministre. Connu pour sa compréhension approfondie des enjeux financiers, Carney est perçu comme un atout pour faire avancer des dossiers clés. Julien Brazeau a exprimé un enthousiasme prudent, notant que les prochains mois, avec le budget fédéral à venir, seront cruciaux pour concrétiser des projets comme l’open banking et la modernisation des paiements.
Les attentes sont élevées, et l’industrie FinTech est prête à faire pression si les promesses ne sont pas tenues. Tanya Woods a averti avec humour que si le gouvernement échoue à livrer, il devra faire face à une vague de mécontentement de la part des acteurs du secteur.
Construire un Écosystème Solide
Pour que le Canada devienne un leader mondial en FinTech, il ne suffit pas d’adopter de nouvelles technologies. Il faut aussi créer un écosystème favorable à l’innovation. Cela passe par des investissements dans les infrastructures, mais aussi par une meilleure reconnaissance des succès entrepreneuriaux. Som Seif a proposé la création d’un fonds souverain pour financer des projets ambitieux et attirer des talents internationaux.
Voici quelques actions clés pour renforcer l’écosystème FinTech canadien :
- Simplifier les processus d’immigration pour les talents technologiques.
- Investir dans des programmes de formation axés sur la FinTech.
- Créer des partenariats public-privé pour accélérer l’innovation.
En parallèle, les acteurs du secteur doivent s’organiser pour présenter des demandes claires et unifiées au gouvernement. Une industrie fragmentée, avec des priorités divergentes, risque de diluer son influence.
Un Avenir Prometteur, à Condition d’Agir
Le Canada se trouve à un tournant. Avec les bons choix, il pourrait devenir un acteur majeur de la FinTech mondiale, attirant talents et investissements. Mais pour cela, il doit surmonter sa prudence légendaire et oser prendre des risques. Comme l’a résumé Som Seif, il ne s’agit plus d’étudier ou de considérer, mais de construire.
Les mois à venir seront décisifs. Le budget fédéral, attendu avec impatience, pourrait marquer un tournant pour l’industrie. Si le Canada parvient à aligner ses ambitions avec des actions concrètes, il pourrait non seulement rattraper son retard, mais aussi se positionner comme un leader mondial. La balle est dans le camp des décideurs politiques et des entrepreneurs.
En attendant, une chose est sûre : l’industrie FinTech canadienne est prête à faire entendre sa voix. Et si le gouvernement ne répond pas à l’appel, les leaders du secteur ne manqueront pas de le rappeler à l’ordre.