CanLII poursuit Caseway AI pour violation de droits d’auteur
Dans une affaire qui pourrait faire jurisprudence dans le domaine de l'intelligence artificielle et du droit d'auteur, l'Institut Canadien d'Information Juridique (CanLII) a porté plainte contre la startup d'IA Caseway AI. CanLII accuse la jeune pousse d'avoir enfreint ses conditions d'utilisation et violé ses droits d'auteur en aspirant massivement 3,5 millions de documents de sa base de données sans autorisation.
Une plainte qui fait suite à une mise en demeure infructueuse
Le mois dernier, CanLII avait déjà envoyé une mise en demeure à Caseway, exigeant que la startup supprime toute donnée prétendument propriété de l'institut et cesse de les utiliser. Face à l'absence de réaction, CanLII a décidé de saisir la Cour Suprême de Colombie-Britannique, où le procès a été officiellement ouvert cette semaine.
Dans sa plainte, l'organisme à but non lucratif fondé par la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada affirme que Caseway a construit son business en s'appropriant de manière illégale le travail de CanLII. Le téléchargement en masse des documents, réalisé sans permission ni compensation, constituerait une rupture des conditions d'utilisation du site et une atteinte aux droits d'auteur.
Des dommages et intérêts et une injonction réclamés
En plus d'une injonction pour empêcher Caseway de reproduire les documents prétendument volés, CanLII réclame des dommages et intérêts. De son côté, le fondateur de la startup rejette les accusations, les qualifiant de tentative d'obtenir une ordonnance de divulgation de données sans preuve concrète d'infraction.
En tant que PDG, je n'ai jamais demandé à quiconque de copier le contenu de CanLII, et notre entreprise n'a rien stocké qui appartiendrait à CanLII.
Alistair Vigier, CEO de Caseway AI
CanLII met en avant le travail réalisé sur les décisions de justice
Pour appuyer sa plainte, CanLII souligne le travail conséquent réalisé pour enrichir et structurer les décisions de justice présentes dans sa base, pourtant issues du domaine public et donc non protégées par le droit d'auteur. L'organisme explique avoir revu, catalogué et amélioré ces documents, en y insérant des mots-clés, des résumés et des analyses originales.
Des zones d'ombre juridiques autour du droit d'auteur et des conditions d'utilisation
Mais pour Richard Gold, professeur de droit à l'Université McGill, la question du droit d'auteur dans cette affaire dépendra de la nature exacte des actions de Caseway. S'il s'avère que la startup s'est contentée de consulter et d'analyser les décisions sans en faire de copie, l'argument de la violation du copyright pourrait ne pas tenir.
Le professeur insiste aussi sur la notion de "savoir-faire et de jugement" que CanLII devra prouver avoir exercé dans son travail d'enrichissement des documents. De simples corrections d'erreurs ou ajouts de liens hypertextes pourraient ne pas suffire à faire valoir des droits d'auteur.
Caseway nie utiliser les données et enrichissements de CanLII
Interrogé à plusieurs reprises sur une éventuelle aspiration de documents depuis CanLII, Alistair Vigier a affirmé que Caseway n'utilisait aucune donnée ou amélioration provenant de la base juridique, mais seulement les décisions de justice brutes. Il reconnaît cependant ne pas vraiment comprendre la nature exacte des enrichissements revendiqués par CanLII.
Un procès révélateur des défis d'accès aux données juridiques au Canada
Au-delà de l'affaire en elle-même, ce litige met en lumière les difficultés pour les startups et chercheurs en IA d'accéder à des volumes importants de données juridiques au Canada sans passer par CanLII ou les bibliothèques des barreaux. Une situation qui pénalise l'innovation selon certains experts, alors même que l'accès au big data est crucial pour entraîner des modèles d'IA performants dans le domaine du droit.
Ce procès sera donc suivi avec attention par l'écosystème de la legaltech, car son issue pourrait faire jurisprudence et influencer le développement futur de l'IA appliquée au monde juridique au Canada. Il illustre en tout cas les défis qui attendent encore ce secteur, tiraillé entre protection de la propriété intellectuelle et besoin d'ouverture des données pour innover.