Carta : De l’Ascension Fulgurante à la Chute Vertigineuse
Il était une fois une licorne de la Silicon Valley nommée Carta, dont la fulgurante ascension lui avait valu une valorisation de 8,5 milliards de dollars l'an dernier. Mais tel Icare s'approchant trop près du soleil, cette startup fintech qui rêvait de révolutionner l'actionnariat privé pourrait bien voir ses ailes fondre et sa valorisation chuter vertigineusement. D'après des sources bien informées, Carta s'apprêterait en effet à subir une décote majeure lors d'une prochaine vente secondaire, sa valeur tombant à 2 milliards de dollars.
L'irrésistible ascension de Carta
Fondée en 2012 par Henry Ward, Carta s'est d'abord fait connaître pour son logiciel de gestion de table de capitalisation. Mais l'ambition de la startup était bien plus grande : devenir la plateforme de référence pour toutes les transactions d'actions dans le monde des startups. Un marché gigantesque et en pleine explosion avec la multiplication des licornes.
Pour y parvenir, Carta lance sa propre bourse pour les titres non cotés, permettant aux startups et aux investisseurs de négocier des actions via un système d'enchères. Cerise sur le gâteau, la startup utilise même sa propre plateforme pour gonfler sa valorisation aux yeux des investisseurs :
Carta a annoncé durant l'été 2021 valoir la modique somme de 7,4 milliards de dollars après avoir vendu pour 100 millions de dollars de ses propres actions à 6,9 milliards de valorisation sur sa plateforme maison.
Quelques mois plus tard, rebelote. Carta affirme valoir 8,5 milliards fin 2022 suite à une autre vente secondaire. De quoi faire saliver les investisseurs qui ont injecté plus de 1,2 milliard de dollars dans la startup au fil des ans, dont des pointures comme Andreessen Horowitz, Spark Capital ou Tribe Capital.
Une valorisation en trompe-l'œil ?
Mais derrière cette success story se cache une réalité moins reluisante. Pour certains observateurs, Carta aurait tout simplement empilé des activités disparates et moyennement lucratives pour se faire passer pour la prochaine licorne plateforme. Des doutes renforcés par les nombreux scandales qui ont éclaboussé la société :
- Carta a été poursuivie à de multiples reprises par d'anciens employés dénonçant une culture toxique et des discriminations envers les femmes.
- En janvier dernier, le PDG d'une startup cliente a accusé publiquement Carta d'utiliser les informations sur sa base d'investisseurs pour tenter de vendre leurs parts à leur insu.
Un coup de tonnerre qui a poussé Carta à cesser précipitamment son activité de transactions secondaires, revenue tel un boomerang lui exploser à la figure. Un revirement stratégique qui soulève des questions sur son véritable potentiel de croissance.
Retour vers le futur pour Carta ?
Aujourd'hui recentrée sur son cœur de métier initial qu'est la gestion de cap table, Carta tente de faire profil bas. Mais malgré une croissance honorable (380 millions de dollars de chiffre d'affaires en 2023), la rentabilité n'est toujours pas au rendez-vous avec 65 millions de pertes l'an dernier.
Pire, la startup fait face à la concurrence grandissante des grandes banques comme Morgan Stanley sur son activité d'administration de fonds. Et dans un contexte de contraction du capital-risque, de nombreux clients ne reviennent pas, faute de pouvoir lever de nouveaux fonds. Autant de signaux peu encourageants qui laissent présager un douloureux retour sur terre pour Carta.
Si Carta espérait initialement une demande autour de 4 milliards de dollars pour sa prochaine vente secondaire, même une valorisation de 2 milliards pourrait s'avérer ambitieuse selon nos sources.
Après avoir touché les étoiles, la licorne déchue va devoir se contenter d'une valorisation plus en phase avec la réalité de ses fondamentaux. Un cruel retour à la case départ pour Carta, qui risque de faire l'effet d'une douche froide pour ses employés et ses investisseurs. Mais comme le dit l'adage, « plus la chute est haute, plus dure sera l'atterrissage ». Une leçon d'humilité qu'Henry Ward et son équipe vont devoir méditer pour rebondir et retrouver les faveurs des marchés. L'avenir nous dira s'ils sauront tirer les enseignements de ce crash test grandeur nature.