Ce que le Canada peut apprendre de l’IA en Afrique du Sud
Imaginez un instant que vous puissiez remonter le temps et observer votre communauté telle qu'elle était il y a des décennies. Que pourriez-vous apprendre de son évolution ? C'est précisément le défi que Raesetje Sefala, chercheuse à l'Institut de recherche sur l'IA distribuée (DAIR), a décidé de relever pour l'Afrique du Sud post-apartheid, en mettant l'intelligence artificielle au service d'une meilleure compréhension du passé et du présent.
L'IA pour cartographier les impacts de l'apartheid
Raesetje Sefala a grandi dans l'Afrique du Sud de l'après-apartheid, un pays encore profondément marqué par les inégalités spatiales héritées de ce régime ségrégationniste. Se demandant sur quelles bases le gouvernement prenait ses décisions pour tenter de résorber ces disparités, elle a réalisé qu'il manquait cruellement de données fiables et exploitables.
C'est ainsi qu'est né son projet : utiliser les technologies de vision par ordinateur et d'apprentissage automatique pour analyser des images satellite et reconstituer l'évolution des communautés sud-africaines au fil des décennies. Un travail de fourmi qui vise à cartographier précisément les impacts de l'apartheid sur le territoire et ses habitants.
Comment collecter des données pour les mettre efficacement entre les mains du gouvernement ? Nous sommes dans un pays démocratique. Ces données ne sont-elles pas censées éclairer les décisions du gouvernement ?
– Raesetje Sefala, chercheuse à DAIR
Des leçons pour le Canada
Si le contexte diffère, le Canada pourrait s'inspirer à bien des égards de la démarche sud-africaine. Comme le souligne Raesetje Sefala, la disponibilité et l'exploitation judicieuse des données sont essentielles au bon fonctionnement démocratique. Or, le Canada accuse un retard certain en la matière, avec une bureaucratie abondante mais un manque criant de données ouvertes et de technologies civiques.
L'exemple sud-africain montre qu'il est possible de rattraper ce retard en faisant preuve d'audace et d'inventivité. En mettant l'IA au service d'une lecture inédite du passé et du présent, Raesetje Sefala ouvre la voie à une approche plus éclairée des politiques publiques, fondée sur une compréhension fine des dynamiques territoriales et de leurs impacts sociaux.
Vers une innovation technologique porteuse de sens
Au-delà de sa portée politique, le projet de DAIR est aussi un formidable exemple d'innovation technologique porteuse de sens. Loin des applications gadgets et des promesses futuristes, il montre comment l'IA peut être mise au service d'enjeux sociaux et humains fondamentaux.
Une leçon dont le Canada, terre d'innovation s'il en est, pourrait utilement s'inspirer. Et si, plutôt que de courir après la dernière disruption à la mode, nous mettions la puissance de nos technologies au service d'une meilleure compréhension de notre société et de ses inégalités historiques ? Une piste assurément pleine de sens, à l'image de l'ambitieux chantier entrepris par Raesetje Sefala et son équipe.
Les clés du succès
La réussite d'un tel projet repose sur plusieurs ingrédients clés :
- Une vision claire des enjeux et des objectifs, ancrée dans une compréhension profonde du contexte local.
- Une capacité à rassembler et exploiter des jeux de données complexes et hétérogènes, qu'il s'agisse d'images satellite ou d'archives historiques.
- Une maîtrise pointue des technologies d'intelligence artificielle, et notamment des techniques de vision par ordinateur et d'apprentissage automatique.
- Un souci constant de mettre la technologie au service de l'humain, dans une approche éthique et responsable.
Autant de qualités dont le Canada ne manque pas, mais qu'il gagnerait sans doute à cultiver davantage, en s'inspirant d'exemples aussi éclairants que celui de l'Afrique du Sud. Car c'est bien en osant regarder le passé en face et en se dotant d'outils pour le comprendre que nous pourrons construire un avenir plus juste et équitable.
Un défi universel
Au-delà des spécificités locales, le projet de Raesetje Sefala résonne comme un défi universel. Celui de mettre la technologie au service d'une meilleure compréhension de nos sociétés et de leurs inégalités historiques.
Un défi qui interpelle chacun d'entre nous, que l'on soit décideur politique, chercheur en intelligence artificielle, entrepreneur ou simple citoyen. Car c'est en osant poser un regard lucide sur notre passé et notre présent que nous pourrons imaginer et construire un futur plus inclusif et harmonieux.
Le chantier est immense, mais l'exemple sud-africain montre qu'il n'est pas hors de portée. À nous de nous en saisir, avec audace, humilité et détermination. Les outils sont là, les talents aussi. Ne reste plus qu'à faire preuve de volonté et de vision pour les mettre au service du bien commun.