
CEA-Leti Révolutionne les Puces FD-SOI du Futur
Imaginez un monde où vos appareils électroniques consomment moitié moins d’énergie tout en étant plus performants. Ce rêve, le CEA-Leti, un laboratoire grenoblois de pointe, est en train de le concrétiser avec un projet titanesque. L’idée ? Repousser les limites des puces FD-SOI, ces petits bijoux de la microélectronique, pour les rendre plus fines, plus efficaces et prêtes à conquérir des marchés encore inexplorés. Ce mardi 18 mars 2025, une étape décisive a été franchie avec l’ouverture aux industriels d’une ligne pilote financée par le Chips Act européen.
Un bond technologique pour l’Europe
Le CEA-Leti ne fait pas les choses à moitié. Avec un budget colossal de 830 millions d’euros sur cinq ans, dont 728 millions directement injectés dans le projet Fames, ce centre de recherche ambitionne de transformer la microélectronique européenne. L’objectif est clair : passer des gravures actuelles de 28 et 22 nanomètres à des finesses de **10 et 7 nanomètres**. Une prouesse qui pourrait redéfinir les standards de l’industrie.
FD-SOI : une technologie d’avenir
Le FD-SOI, ou *Fully Depleted Silicon-On-Insulator*, n’est pas une nouveauté en soi. Apparue il y a plus de 30 ans grâce aux travaux du CEA-Leti et industrialisée par Soitec, cette technologie repose sur un substrat de silicium posé sur une couche isolante. Résultat ? Des puces plus rapides et moins gourmandes en énergie que leurs cousines en silicium massif. Aujourd’hui, elles équipent déjà des géants comme Qualcomm pour la 5G ou Bosch dans l’automobile.
Mais le CEA-Leti voit plus loin. En affinant la gravure, les chercheurs veulent diviser par deux la consommation énergétique par rapport au 22 nm actuel. Une avancée qui pourrait séduire des secteurs variés, de l’automobile aux objets connectés, en passant par les satellites.
Fames : une ligne pilote au service de l’innovation
Lancée en décembre 2023, la ligne pilote Fames est le cœur battant de cette ambition. Installée dans les salles blanches de Grenoble, elle bénéficie d’un investissement massif : 338 millions d’euros pour moderniser les infrastructures, avec notamment l’achat de 80 nouvelles machines. Déjà, 33 d’entre elles sont opérationnelles, prêtes à accueillir les partenaires industriels.
« Fames doit permettre à l’Europe de proposer des composants performants et sobres, pour conquérir de nouveaux marchés. »
– Jean-René Lèquepeys, directeur adjoint du CEA-Leti
Ce n’est pas tout. Les 395 millions restants financent une équipe de 300 personnes par an pendant cinq ans, soit 20 % de l’activité de recherche du laboratoire. Un effort colossal pour un projet qui ne se limite pas au FD-SOI : empilement 3D, nouvelles mémoires et composants radiofréquences sont aussi au programme.
Des puces pour l’IA et au-delà
Et si ces puces ouvraient la porte à des révolutions inattendues ? En combinant le FD-SOI en 7 nm avec des architectures 3D, le CEA-Leti imagine des composants inédits. Parmi les cibles : les microcontrôleurs automobiles, les systèmes spatiaux ou encore les ordinateurs quantiques. Mais le rêve ultime ? S’attaquer au marché de l’intelligence artificielle, jusqu’ici dominé par des GPU énergivores comme ceux de Nvidia.
Actuellement cantonné à l’IA embarquée (*edge*), le FD-SOI pourrait, à terme, s’inviter dans le cloud. Une perspective audacieuse qui repose sur une promesse : allier puissance et sobriété énergétique, là où les solutions actuelles peinent à concilier les deux.
Un appel aux industriels : collaborer pour innover
Le 18 mars 2025 marque un tournant. En ouvrant officiellement la ligne Fames aux entreprises, le CEA-Leti lance une invitation claire : venez tester, intégrer et co-développer. Pendant quatre mois, les industriels peuvent se manifester pour exploiter ces technologies, former leurs équipes ou concevoir des produits inédits. Et ce n’est que le début : des appels annuels suivront jusqu’en 2028.
Déjà, 44 entreprises, de STMicroelectronics à Soitec, ont exprimé leur soutien. L’enjeu ? Transformer ces engagements en partenariats concrets pour bâtir une filière européenne compétitive.
Souveraineté et durabilité : les deux piliers du projet
Ce projet ne se limite pas à une prouesse technique. Il s’inscrit dans une vision stratégique portée par le **Chips Act européen** : réduire la dépendance aux géants asiatiques et américains. En développant des technologies souveraines, l’Europe veut sécuriser ses approvisionnements en semi-conducteurs, essentiels à tout, des voitures aux réseaux 5G.
La durabilité est l’autre maître-mot. Avec des puces moins énergivores, le CEA-Leti répond à une urgence écologique. À l’heure où l’industrie numérique pèse lourd sur les émissions mondiales, cette sobriété pourrait changer la donne.
Les défis à relever
Rien n’est gagné d’avance. Passer à 10 et 7 nm demande des investissements massifs et une précision extrême. La concurrence est rude, avec des acteurs comme TSMC ou Samsung qui dominent les gravures ultrafines. Pourtant, le FD-SOI a un atout : sa capacité à offrir des performances élevées sans sacrifier l’efficacité énergétique.
- Modernisation des équipements pour atteindre les nouvelles gravures.
- Collaboration étroite avec les industriels pour industrialiser les innovations.
- Compétition face aux leaders mondiaux déjà bien implantés.
Vers un futur microélectronique
Le projet Fames n’est pas une simple étape. C’est une rampe de lancement pour une industrie européenne plus forte, plus verte et plus autonome. En repoussant les limites du FD-SOI, le CEA-Leti pose les bases d’un avenir où la technologie ne se contentera pas de performer, mais le fera intelligemment.
Alors, verrons-nous bientôt des puces françaises dans nos serveurs d’IA ou nos voitures autonomes ? Une chose est sûre : à Grenoble, l’avenir se fabrique dès aujourd’hui.