
Changements fiscaux liés aux gains en capital reportés à 2026
Dans une annonce surprise ce matin, le ministre des Finances Dominic LeBlanc a révélé que le gouvernement fédéral reportait l'entrée en vigueur des changements controversés au taux d'inclusion des gains en capital. Initialement prévus pour le 25 juin 2024, ces changements fiscaux ne prendront effet que le 1er janvier 2026, soit après les prochaines élections fédérales.
Pour rappel, le budget fédéral de l'an dernier proposait de faire passer le taux d'inclusion des gains en capital, qui comprennent les profits tirés de la vente d'actifs comme des actions ou des biens immobiliers, de la moitié aux deux tiers. Une annonce qui avait suscité un tollé chez les entrepreneurs et investisseurs canadiens.
Un répit fiscal, mais des inquiétudes qui demeurent
Si Dominic LeBlanc justifie ce report par la volonté d'offrir "une véritable certitude aux Canadiens" à l'approche de la saison fiscale, il continue néanmoins de défendre ces changements. Selon le ministère des Finances, cette réforme permettra d'augmenter l'exemption à vie des gains en capital à 1,25 million de dollars, tandis que la nouvelle "incitation canadienne pour les entrepreneurs" réduira le taux d'inclusion à un tiers sur un maximum à vie de 2 millions de dollars de gains en capital admissibles.
Des arguments qui ne convainquent pas le Conseil canadien des innovateurs (CCI). Son président Ben Bergen estime que le gouvernement laisse toujours les entrepreneurs et investisseurs dans l'incertitude en refusant d'admettre son erreur :
Le CCI explique depuis le jour où le budget a été annoncé que cette hausse d'impôt est une mauvaise politique qui nuit à l'économie d'innovation du Canada. Des milliers d'innovateurs ont signé notre lettre ouverte appelant le gouvernement à faire marche arrière. Offrir une véritable certitude aux Canadiens serait d'admettre une fois pour toutes que c'était une erreur et de passer à autre chose.
– Ben Bergen, président du Conseil canadien des innovateurs
Une volte-face des libéraux sur la question
Ce report intervient alors que plusieurs ténors libéraux avaient laissé entendre ce mois-ci qu'ils réviseraient ou abandonneraient cette politique fiscale en cas de victoire aux prochaines élections :
- L'ex-ministre des Finances Chrystia Freeland, pourtant à l'origine de cette réforme
- L'ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney
- L'ex-leader parlementaire Karina Gould
Un virage stratégique des libéraux qui fait suite à l'annonce début janvier du chef conservateur Pierre Poilievre, s'engageant à annuler purement et simplement ces changements fiscaux s'il est élu Premier ministre.
Quel impact pour les startups canadiennes ?
Si le report à 2026 offre un sursis bienvenu aux entrepreneurs et investisseurs, il ne dissipe pas pour autant toutes leurs inquiétudes. Nombreux sont ceux qui craignent un impact négatif de cette réforme fiscale sur l'attractivité du Canada auprès des talents et des capitaux étrangers.
Pour les startups en phase d'amorçage ou de croissance, qui dépendent fortement du capital de risque, une hausse du taux d'imposition des gains pourrait refroidir l'ardeur des investisseurs. Un coup dur alors que la conjoncture économique incertaine rend déjà le financement plus difficile.
Autre risque pointé du doigt : voir certains entrepreneurs et hauts potentiels de la tech plier bagage pour aller entreprendre sous des cieux fiscaux plus cléments comme aux États-Unis. Un "brain drain" qui pénaliserait tout l'écosystème innovant canadien.
Le gouvernement appelle au dialogue, les acteurs de la tech attendent des actes
Dans son communiqué, Dominic LeBlanc dit avoir hâte "d'avoir d'autres conversations avec les Canadiens sur la façon dont nous pouvons nous assurer que la politique fiscale du Canada encourage une activité économique robuste et soutenue dans chaque région de notre pays".
Mais pour de nombreux acteurs de l'écosystème tech, c'est un engagement ferme que le gouvernement doit prendre dès maintenant pour rassurer les entrepreneurs et investisseurs. Car au-delà de l'enjeu des gains en capital, c'est toute la stratégie d'innovation du Canada qu'il faut repenser pour doper la compétitivité des entreprises technologiques canadiennes sur l'échiquier mondial.
Le report des changements fiscaux à 2026 n'est donc qu'un premier pas. Les prochains mois seront cruciaux pour voir si le gouvernement est prêt à réellement changer de braquet pour soutenir la croissance des startups et scaleups canadiennes. L'avenir de tout un secteur en dépend.