
Cohere Face à la Justice : Un Cas Déterminant
L’intelligence artificielle (IA) redessine les contours de notre monde, mais que se passe-t-il lorsque cette révolution technologique entre en collision avec les lois sur la propriété intellectuelle ? À Toronto, une bataille juridique d’envergure oppose Cohere, un géant canadien de l’IA, à un groupe de médias prestigieux. Ce litige, qui soulève des questions cruciales sur l’utilisation des données pour entraîner les modèles d’IA, pourrait bien devenir un tournant décisif pour l’industrie technologique mondiale. Plongeons dans les méandres de cette affaire qui promet de redéfinir les règles du jeu.
Un Procès aux Enjeux Majeurs pour l’IA
Depuis sa création en 2019, Cohere s’est imposée comme une figure incontournable dans le développement de modèles de langage de grande échelle (LLM) pour les entreprises. Mais aujourd’hui, l’entreprise fait face à une tempête judiciaire. Une coalition de médias, incluant des noms comme le Toronto Star, Forbes et Vox Media, accuse Cohere d’avoir utilisé sans autorisation leurs contenus pour entraîner ses algorithmes. Ce procès, déposé en février 2025 devant un tribunal de New York, pourrait non seulement coûter des millions à Cohere, mais aussi établir un précédent pour l’ensemble du secteur de l’IA.
Les Accusations : Une Violation Massive des Droits d’Auteur ?
Le cœur de la plainte repose sur une triple accusation. Premièrement, les plaignants affirment que Cohere a scrapé leurs contenus sans permission pour nourrir ses modèles d’IA. Deuxièmement, ils soutiennent que ces données sont utilisées en temps réel sans autorisation. Enfin, ils reprochent à l’entreprise de générer des sorties qui enfreignent les droits d’auteur. Les médias demandent des dommages pouvant atteindre 207 000 CAD par infraction, ainsi qu’une injonction pour empêcher Cohere de continuer à utiliser leurs œuvres.
La plainte ne dit rien sur les utilisateurs réels, les prompts réels ou les sorties réelles.
– Extrait du mémoire de Cohere
Face à ces accusations, Cohere a riposté avec vigueur. Dans une motion déposée pour rejeter la plainte, l’entreprise argue que les plaignants ont manipulé son outil de démonstration pour produire des contenus prétendument illicites, une situation qui, selon elle, ne reflète pas l’usage réel de ses technologies. Cohere insiste également sur son respect des lois sur la propriété intellectuelle et affirme que ses produits sont conçus pour un usage responsable par ses clients professionnels.
Un Vide Juridique à Combler
Ce litige met en lumière une problématique majeure : le cadre juridique entourant l’IA est encore flou. Selon Paul Banwatt, expert en litiges de propriété intellectuelle chez Gilbert’s LLP, les lois actuelles sur le droit d’auteur aux États-Unis sont d’une nature absolue. Peu importe l’intention de l’auteur de l’infraction, toute violation est punissable, sauf en cas d’exception légale. Cependant, les lois n’ont pas encore été adaptées aux spécificités de l’entraînement des modèles d’IA.
Ce qu’il faut probablement ici, c’est une nouvelle législation et une régulation claire.
– Paul Banwatt, expert en propriété intellectuelle
Ce manque de réglementation claire place les entreprises technologiques dans une position délicate. D’un côté, elles doivent innover rapidement pour rester compétitives. De l’autre, elles risquent des poursuites si elles ne respectent pas les droits des créateurs de contenu. Ce procès pourrait donc inciter les législateurs à clarifier les règles, offrant ainsi une feuille de route pour l’avenir de l’IA.
Cohere : Un Acteur Clé dans un Marché en Ébullition
Fondée à Toronto, Cohere se distingue par son approche orientée vers les entreprises, contrairement à des concurrents comme OpenAI, qui ciblent également le grand public. Avec des partenariats récents avec des géants comme Dell et SAP, et le lancement de son modèle Embed 4 en avril 2025, Cohere connaît une croissance fulgurante. L’entreprise a doublé son chiffre d’affaires annualisé, atteignant 138 millions CAD, et se rapproche de la rentabilité, selon son PDG, Aidan Gomez.
Cependant, cette ascension rapide n’est pas sans obstacles. En plus des défis juridiques, des rapports suggèrent que Cohere n’a atteint que 15 % de ses objectifs de revenus pour 2023, ce qui soulève des questions sur sa viabilité à long terme. Ce contexte rend l’issue du procès d’autant plus cruciale pour l’avenir de l’entreprise.
Un Équilibre Délicat entre Innovation et Éthique
Ce litige dépasse le cadre de Cohere et soulève des questions éthiques fondamentales. Comment concilier l’innovation technologique avec le respect des droits des créateurs ? Les entreprises d’IA doivent-elles payer pour chaque donnée utilisée dans l’entraînement de leurs modèles ? Ou faut-il établir un nouveau paradigme pour l’utilisation des données dans l’ère de l’IA ?
Certains acteurs de l’industrie ont déjà opté pour des solutions pragmatiques. Par exemple, des éditeurs comme Condé Nast et Vox Media ont signé des accords de licence avec OpenAI pour permettre l’utilisation de leurs contenus. Ces partenariats montrent qu’un compromis est possible, mais ils soulignent aussi l’urgence de définir des normes claires pour éviter les conflits futurs.
Les Implications pour l’Écosystème des Startups
Ce procès pourrait avoir des répercussions bien au-delà de Cohere. Pour les startups technologiques, en particulier celles spécialisées dans l’IA, une décision défavorable pourrait compliquer l’accès aux données nécessaires pour entraîner leurs modèles. Cela pourrait freiner l’innovation et augmenter les coûts opérationnels, surtout pour les jeunes entreprises qui n’ont pas les ressources des géants technologiques.
- Risques accrus de poursuites judiciaires pour les startups utilisant des données publiques.
- Nécessité de négocier des accords de licence, augmentant les coûts opérationnels.
- Possible ralentissement de l’innovation en raison de contraintes réglementaires.
Pour les investisseurs, ce cas pourrait également redéfinir les critères d’évaluation des startups en IA. La conformité aux lois sur la propriété intellectuelle deviendra un facteur clé, au même titre que la performance technologique ou la croissance des revenus.
Vers un Nouveau Cadre pour l’IA
L’issue de ce procès, quelle qu’elle soit, aura des implications profondes. Une victoire pour les médias pourrait renforcer la protection des droits d’auteur, mais au risque de freiner le développement de l’IA. À l’inverse, une victoire pour Cohere pourrait encourager l’innovation, mais au détriment des créateurs de contenu. Ce dilemme met en lumière la nécessité d’un cadre réglementaire équilibré, capable de protéger les intérêts des deux parties.
En attendant, ce litige attire l’attention sur la scène technologique canadienne, et en particulier sur Toronto, qui s’impose comme un hub mondial pour l’IA. Des entreprises comme Cohere, soutenues par un écosystème dynamique de startups et de talents, continuent de repousser les limites de l’innovation. Mais pour maintenir cette position, il faudra naviguer avec prudence dans les eaux troubles des lois sur la propriété intellectuelle.
Un Regard vers l’Avenir
Ce procès n’est que le début d’une longue réflexion sur la place de l’IA dans notre société. À mesure que les technologies évoluent, les questions juridiques, éthiques et économiques deviendront de plus en plus complexes. Les gouvernements, les entreprises et les créateurs devront collaborer pour établir des règles qui encouragent l’innovation tout en protégeant les droits des individus.
Pour Cohere, l’enjeu est double : préserver sa réputation et continuer à croître dans un marché concurrentiel. Pour l’industrie de l’IA dans son ensemble, ce cas pourrait marquer le début d’une nouvelle ère, où la transparence et la responsabilité deviendront des piliers incontournables. Une chose est sûre : les yeux du monde technologique sont tournés vers ce tribunal de New York, où l’avenir de l’IA pourrait se jouer.