Collision d’espèces de lézards : l’évolution en temps réel
Imaginez assister en temps réel au processus d'évolution, d'habitude si lent et graduel qu'il en est imperceptible. C'est pourtant ce qu'ont vécu des chercheurs à la Fairchild Tropical Botanic Garden en Floride, en observant la rencontre fortuite de deux espèces de lézards similaires mais séparées par 40 millions d'années d'évolution. Une occasion unique de voir l'adaptation à l'œuvre !
Quand les lézards des Caraïbes entrent en collision
L'histoire commence avec l'Anolis sagrei, une espèce de lézard brun originaire de Cuba, étudiée par les scientifiques dans le jardin botanique. Mais un beau jour, une deuxième espèce fait son apparition : l'Anolis cristatellus, le lézard à crête de Porto Rico. Malgré leur ressemblance frappante, ces deux espèces ont divergé il y a des millions d'années sur leurs îles respectives.
Leur point commun ? Elles occupent des niches écologiques quasiment identiques, partageant les mêmes habitats et ressources alimentaires. Les chercheurs ont tout de suite saisi l'opportunité d'observer en direct comment ces espèces allaient s'adapter face à cette nouvelle concurrence.
La coexistence comme moteur d'évolution
Au fil des années, les scientifiques ont noté des changements physiques et comportementaux chez les deux espèces de lézards, en comparaison à des populations vivant sans compétiteur. Comme l'explique James Stroud, auteur principal de l'étude :
Quand deux espèces similaires sont en concurrence pour les mêmes ressources, comme la nourriture et le territoire, elles évoluent souvent des différences qui leur permettent de coexister.
– James Stroud, Georgia Tech
Ainsi, les lézards à crête se sont mis à passer plus de temps dans les arbres, perchés en moyenne plus haut que les lézards bruns. Ces derniers ont quant à eux évolué pour occuper davantage le sol.
De nouvelles pattes pour une nouvelle vie
Mais le plus fascinant reste l'apparition de nouveaux traits physiques chez les lézards bruns pour s'adapter à leur mode de vie terrestre. En quelques générations seulement, ils ont développé des pattes plus longues !
Un avantage certain, comme le souligne James Stroud : « Nous avons constaté que les lézards bruns aux pattes plus longues avaient un meilleur taux de survie après l'arrivée des lézards à crête. Cela correspond parfaitement aux différences morphologiques observées dans les populations où ces espèces cohabitent depuis de nombreuses générations. »
L'évolution sous nos yeux
Cette étude passionnante enrichit les preuves directes de l'évolution en action, un corpus scientifique en pleine expansion. On peut citer notamment :
- Les geckos isolés au Brésil suite à la construction d'un barrage, qui ont évolué en 15 ans une morphologie différente entre îles et continent.
- Les poissons des zones protégées devenant moins mobiles à chaque génération, les individus aventureux étant davantage pêchés.
- Les hirondelles aux ailes plus courtes près des routes, pour éviter les collisions.
- Ou encore les grenouilles de Tchernobyl se parant de noir pour résister aux radiations.
Des exemples fascinants qui illustrent la rapidité potentielle de l'adaptation face aux pressions environnementales, notamment d'origine humaine. Les lézards de Floride pourraient aider les scientifiques à mieux comprendre et anticiper les réponses évolutives des espèces à nos impacts sur les écosystèmes. Un domaine de recherche crucial à l'heure de la 6ème extinction de masse !