
Comac C919 : La Certification Européenne en Vue
Imaginez un avion chinois défiant les géants Airbus et Boeing sur leur propre terrain. Le C919, fleuron de l’avionneur Comac, ambitionne de s’imposer dans le ciel européen, mais un obstacle de taille se dresse sur son chemin : la certification de l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA). Selon Florian Guillermet, son directeur, ce précieux sésame ne sera pas obtenu avant trois à six ans. Pourquoi ce délai ? Quels sont les enjeux pour Comac et l’industrie aéronautique mondiale ? Plongeons dans cette quête technologique et stratégique.
Un Avion Chinois à la Conquête de l’Europe
Le C919, monocouloir conçu pour concurrencer l’Airbus A320 et le Boeing 737, incarne les ambitions aéronautiques de la Chine. Déjà certifié par les autorités chinoises (CAAC) en 2023, cet avion cherche à élargir son horizon commercial. L’Europe, avec son marché exigeant et ses normes rigoureuses, représente un défi crucial. Mais obtenir la certification AESA n’est pas une simple formalité : c’est un parcours semé d’embûches techniques et diplomatiques.
Un Défi Technique de Taille
Certifier un avion comme le C919 implique une évaluation minutieuse de sa conception, de ses composants et de son intégration. Florian Guillermet souligne que des tests de validation et des vols d’essai restent nécessaires. Bien que 80 % des fournisseurs du C919 soient américains ou européens, fournissant des équipements éprouvés comme les moteurs Leap de Safran et GE Aerospace, l’AESA doit s’assurer que l’ensemble de l’appareil répond aux normes européennes.
« Nous devons encore réaliser des tests de validation du design de l’appareil et de certains composants, ce qui est classique. »
– Florian Guillermet, directeur de l’AESA
Ces exigences ne sont pas nouvelles. La certification d’un avion commercial prend généralement entre cinq et huit ans. Avec Comac, les travaux ont débuté il y a quatre ans, dont deux années pleinement productives. La volonté de l’avionneur chinois est palpable : il mobilise des ressources conséquentes pour accélérer le processus.
Une Collaboration Encadrée par un Accord International
Les relations entre Comac et l’AESA s’inscrivent dans le cadre d’un Bilateral Aviation Safety Agreement (BASA) signé en 2019 entre l’Union européenne et la Chine. Cet accord repose sur une reconnaissance mutuelle, mais avec une asymétrie : l’industrie aéronautique chinoise, encore jeune, doit gagner la confiance de l’Europe. Contrairement aux échanges avec la FAA américaine, où la maturité industrielle permet une certaine fluidité, l’AESA adopte une approche prudente avec Comac.
Pourtant, la collaboration semble fructueuse. Guillermet note que Comac partage toutes les informations nécessaires, démontrant une détermination sans faille. Cette transparence est essentielle pour surmonter les défis techniques et établir une relation de confiance.
Pourquoi l’Europe, et Pas les États-Unis ?
Un détail intrigue : Comac n’a pas sollicité la certification de la Federal Aviation Administration (FAA) américaine. Ce choix reflète les tensions géopolitiques entre la Chine et les États-Unis. En revanche, l’Europe, avec son marché ouvert et ses normes reconnues mondialement, constitue une porte d’entrée stratégique pour Comac. Une certification AESA ouvrirait des opportunités non seulement en Europe, mais aussi en Afrique et en Asie, où la valeur internationale de ce sésame est indéniable.
Le C919, déjà en service en Chine et dans quelques pays voisins, cumule un millier de commandes, soit 10 % du marché mondial des moyen-courriers, selon le cabinet Cirium. Si ce chiffre reste modeste face aux géants Airbus et Boeing, il témoigne d’un potentiel croissant.
Les Ambitions Commerciales de Comac
Comac ne cache pas son objectif : exporter le C919 à grande échelle. Après une première livraison en 2022, l’avionneur a livré deux appareils en 2023 et 13 en 2024. Pour 2025, il vise 30 livraisons, avec une ambition de 150 avions par conservation an d’ici cinq ans. Cette montée en cadence illustre la confiance de Comac en son produit et sa volonté de s’imposer comme un acteur majeur.
- 1000 commandes cumulées pour le C919, selon Cirium.
- 13 livraisons en 2024, contre 2 en 2023.
- Objectif : 150 avions par an d’ici 2030.
Ces chiffres, bien que prometteurs, restent en deçà des cadences d’Airbus et de Boeing. Pourtant, le C919 bénéficie d’un atout : son positionnement tarifaire compétitif, qui pourrait séduire des compagnies à la recherche d’alternatives économiques.
Quels Obstacles pour la Certification ?
Le principal défi pour Comac réside dans la jeunesse de son industrie aéronautique. Si les composants du C919 sont majoritairement issus de fournisseurs occidentaux, l’intégration de ces éléments dans un appareil chinois soulève des questions. L’AESA doit valider non seulement la qualité des pièces, mais aussi la manière dont elles sont assemblées et fonctionnent ensemble.
De plus, le calendrier initial de Comac, qui espérait une certification en 2025, était ambitieux. Florian Guillermet tempère : « Le C919 ne pourra pas être certifié en 2025. » Ce délai, bien que frustrant pour l’avionneur, est cohérent avec les standards de l’industrie.
Un Impact Potentiel sur le Marché Aéronautique
Si le C919 obtient la certification AESA, il pourrait bouleverser les dynamiques du marché aéronautique. En Afrique et en Asie, où la demande pour des avions moyen-courriers est en forte croissance, le C919 pourrait s’imposer comme une alternative crédible. Son prix attractif et la réputation de l’AESA pourraient convaincre des compagnies aériennes en quête de solutions économiques.
« La certification de l’AESA a une valeur internationale, et donc commerciale. »
– Florian Guillermet, directeur de l’AESA
Cependant, Airbus et Boeing ne resteront pas les bras croisés. Les deux géants dominent le marché avec leurs A320neo et 737 MAX, et leurs réseaux de maintenance et de formation sont bien établis. Comac devra non seulement prouver la fiabilité de son avion, mais aussi développer un écosystème de services compétitif.
Une Nouvelle Ère pour l’Aéronautique Chinoise ?
Le C919 n’est que la première étape des ambitions de Comac. L’avionneur planche déjà sur des projets de long-courriers pour concurrencer les Airbus A350 et Boeing 787. Une certification européenne pour le C919 renforcerait la crédibilité de Comac et poserait les bases d’une expansion future.
Pour l’heure, le chemin reste long. Les trois à six ans estimés par l’AESA sont une période critique pour Comac, qui devra maintenir son élan tout en répondant aux exigences européennes. Mais une chose est sûre : l’avionneur chinois est déterminé à laisser sa marque.
Conclusion : Un Pari Audacieux
Le C919 de Comac incarne un pari audacieux : faire entrer la Chine dans le club fermé des grands avionneurs. La certification européenne, bien que retardée, est une étape décisive pour concrétiser cette ambition. Entre défis techniques, enjeux commerciaux et rivalités géopolitiques, le parcours du C919 illustre les dynamiques d’un secteur en pleine mutation. Reste à savoir si cet avion saura s’envoler dans le ciel européen et au-delà.