
Comment Bercy Boost le Financement de la Défense
Et si l’avenir de la défense française passait par une poignée de main entre banquiers et industriels sous les dorures de Bercy ? Ce 20 mars 2025, le ministère de l’Économie a décidé de frapper fort en réunissant les acteurs clés du secteur pour une mission ambitieuse : donner un coup d’accélérateur au financement des entreprises qui façonnent les armements de demain. Entre la pression des commandes militaires et des PME en quête de fonds, cette initiative pourrait bien changer la donne.
Une mobilisation historique pour la défense
Le décor est posé : industriels, investisseurs et représentants de l’État se retrouvent autour d’une table pour parler gros sous. L’objectif ? Passer de 1 à **3 milliards d’euros** de fonds propres pour les petites et moyennes entreprises du secteur défense d’ici cinq ans. Une urgence qui ne date pas d’hier, mais que la guerre en Ukraine et la montée des tensions géopolitiques ont rendue incontournable.
Pourquoi cet élan soudain ?
Depuis 2022, les commandes d’armements ont explosé, portées par une loi de programmation militaire prévoyant **17,5 milliards d’euros** d’investissements supplémentaires d’ici 2030. Mais pour répondre à cette demande, les entreprises doivent moderniser leurs usines, augmenter leurs cadences et innover. Problème : sans argent frais, ces ambitions restent lettre morte.
Le cas d’Eurenco, usine de poudre à Bergerac, illustre parfaitement cette dynamique. Visitée par les ministres de l’Économie et des Armées ce 20 mars, elle symbolise le renouveau industriel… à condition de trouver les financements nécessaires pour démarrer sa production.
Un diagnostic sans appel
Une étude récente, menée par la direction générale du Trésor et l’observatoire économique de la défense, dresse un portrait préoccupant. Entre 2016 et 2021, les PME et ETI du secteur affichaient des marges plus faibles et un endettement plus élevé que leurs homologues civils. Résultat : une trésorerie en berne, incapable de soutenir des investissements massifs.
« Les entreprises de la défense sont plus endettées et moins bien financées que leurs équivalents civils. »
– Sébastien Lecornu, ministre des Armées
Ce constat, partagé lors des vœux du ministre début 2025, met en lumière une fragilité structurelle. Avec des taux de marge en recul, ces entreprises peinent à séduire les investisseurs, malgré un accès au crédit jugé suffisant.
Fonds propres : le nerf de la guerre
Si les grandes banques françaises affichent fièrement **37 milliards d’euros** d’encours pour le secteur, elles tempèrent : l’endettement a ses limites. Pour Bercy, la solution passe par un renforcement des **fonds propres**, un levier essentiel pour absorber les besoins colossaux d’investissement.
Matignon estime à **5 milliards d’euros** les besoins globaux du secteur. Une somme qui doit permettre aux 4 500 entreprises de la défense, souvent des PME ou des start-ups innovantes, de tenir le rythme imposé par les commandes militaires.
Qui sont les acteurs mobilisés ?
À Bercy, le casting est impressionnant. Les industriels côtoient des poids lourds comme Tikehau, Bpifrance ou encore la Caisse des Dépôts. Objectif : créer une synergie entre financements publics et privés pour débloquer des ressources jusque-là inaccessibles.
- Bpifrance, fer de lance du soutien aux PME innovantes.
- Tikehau, fonds d’investissement prêt à miser sur la défense.
- La Caisse des Dépôts, pilier du financement public.
Ces acteurs, associés aux grandes banques, pourraient inverser la tendance. Mais la route est encore longue, et les PME devront prouver leur attractivité.
Un enjeu européen en toile de fond
La mobilisation ne se limite pas à la France. La Banque européenne d’investissement (BEI) a récemment assoupli ses règles, ouvrant la porte à davantage de financements pour les entreprises de défense. Une aubaine pour les start-ups françaises qui cherchent à s’imposer sur ce marché ultra-concurrentiel.
Pourtant, Bercy insiste : « L’effort ne reposera pas uniquement sur le privé. » L’État compte bien jouer son rôle, que ce soit via des subventions ou des garanties pour rassurer les investisseurs.
Les start-ups défense en première ligne
Dans ce grand bal financier, les start-ups occupent une place à part. Souvent spécialisées dans des niches – drones, cybersécurité, matériaux avancés –, elles incarnent l’innovation au service de la défense. Mais leur petite taille les rend vulnérables, et sans fonds propres solides, elles risquent de rater le coche.
Prenez l’exemple d’une jeune pousse développant des munitions intelligentes. Avec un carnet de commandes plein, elle doit investir dans une nouvelle ligne de production. Sans investisseurs, elle stagne, laissant la place à des concurrents étrangers.
Quels défis à relever ?
Si l’initiative de Bercy est louable, elle n’est pas sans obstacles. Convaincre les investisseurs reste une gageure dans un secteur perçu comme risqué. Les cycles longs de la défense, combinés à une rentabilité incertaine, freinent les ardeurs.
Autre défi : harmoniser les intérêts. Les industriels veulent des fonds rapidement, les banques exigent des garanties, et l’État jongle avec ses priorités budgétaires. Une équation complexe, mais pas insoluble.
Vers un renouveau industriel ?
À terme, cette mobilisation pourrait redessiner le paysage de l’industrie française. En dopant les start-ups et PME de la défense, la France mise sur une souveraineté renforcée et une place de leader en Europe. Le déplacement des ministres chez Eurenco, ce 20 mars, envoie un signal clair : l’État est prêt à mettre les mains dans le cambouis.
Reste à savoir si cet élan tiendra ses promesses. Les prochains mois seront décisifs pour jauger l’impact réel de cette opération hors normes.