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Comment Rowenta Révolutionne le Made in France
Et si l’avenir de l’industrie française passait par un simple aspirateur ? En mars 2024, le groupe Seb, maison-mère de Rowenta, a surpris le secteur en rapatriant la production d’une gamme d’aspirateurs-balais sur son site de Vernon, dans l’Eure. Longtemps fabriqués en Chine, ces appareils électroménagers reviennent sur le sol hexagonal, portés par une vague de relocalisation et une ambition claire : redonner ses lettres de noblesse au Made in France. Ce n’est pas qu’une histoire de patriotisme économique ; c’est une aventure humaine et technique qui pourrait bien redessiner les contours de la production industrielle.
Le Retour du Made in France : Une Ambition Audacieuse
Quand on pense à Rowenta, on imagine des aspirateurs performants, des fers à repasser design, bref, des objets du quotidien qui allient praticité et élégance. Mais derrière ces produits, il y a une stratégie. Jusqu’à récemment, les aspirateurs-balais du groupe étaient exclusivement assemblés en Asie, où les coûts de production séduisent les grandes entreprises. Alors, pourquoi ce retour en France ? La réponse tient en deux mots : compétence et marché. Vernon, avec ses 220 employés, n’est pas une usine lambda : c’est le cœur battant des savoir-faire de Seb.
Le directeur du site, Vincent Charpentier, ne cache pas son enthousiasme. Selon lui, ce rapatriement ne signe pas la fin des activités chinoises – le marché asiatique reste florissant – mais vise à équilibrer les forces. « On veut que Vernon reflète toute notre gamme, explique-t-il. C’est ici qu’on concentre nos expertises. » Et puis, il y a cet argument commercial incontournable : les Européens plébiscitent de plus en plus les produits locaux.
« Le modèle qu’on assemble ici cartonne en Europe. Les clients veulent du Made in France, et on leur donne. »
– Vincent Charpentier, directeur du site de Vernon
Une Nouvelle Méthode pour un Nouveau Défi
Relocaliser, c’est bien. Mais encore faut-il que ça fonctionne. Et là, le défi était de taille. En Chine, la chaîne de production repose sur une spécialisation extrême : chaque ouvrier maîtrise une étape précise, comme poser une vis ou clipser une batterie. À Vernon, Rowenta a choisi une autre voie, plus audacieuse. Ici, un seul opérateur assemble l’aspirateur de A à Z, en moins de trois minutes. Ce choix, qui peut sembler ambitieux, a nécessité des mois de réflexion.
Robert Mérignac, à la tête de la R&D chez Rowenta, raconte : « On a mis entre six et huit mois pour tout repenser. On voulait une méthode plus flexible, plus adaptée à nos équipes. » Résultat ? Une formation de trois semaines pour chaque salarié, une polyvalence accrue et une production qui gagne en fluidité. Exit les chaînes rigides : à Vernon, l’humain est au centre du processus.
Et ça marche. Sur la ligne, 17 personnes travaillent en harmonie, produisant plusieurs centaines d’appareils par équipe. Les opérateurs, équipés de visseuses aimantées et de socles rotatifs, passent d’une tâche à l’autre toutes les deux heures. Objectif : éviter la monotonie et les risques physiques, comme les troubles musculo-squelettiques.
L’Humain au Cœur de la Machine
Si la technique impressionne, c’est l’aspect humain qui frappe le plus. Imaginez : un salarié, assis sur un siège ergonomique, visse une quinzaine de pièces en un temps record, puis passe le relais pour les finitions. Tout est pensé pour l’efficacité, mais aussi pour le confort. « On alterne les postes, on adapte les outils, détaille Cédric Larant, responsable de la ligne. Nos équipes bossent huit heures par jour, et on veut qu’elles tiennent le rythme. »
Ce souci du détail ne s’arrête pas là. Pour lancer cette nouvelle production, Seb a recruté des intérimaires, dont certains seront bientôt embauchés à temps plein. « Le succès de ce modèle nous pousse à voir plus grand, confie Vincent Charpentier. On prévoit déjà une nouvelle ligne pour un aspirateur haut de gamme. » Un signe clair que la relocalisation n’est pas un coup d’essai, mais une stratégie durable.
Pourquoi Ça Change Tout ?
À première vue, assembler des aspirateurs en France peut sembler anecdotique. Pourtant, ce projet porte en lui une promesse bien plus large. D’abord, il montre que la réindustrialisation est possible, même pour des produits high-tech souvent associés à l’Asie. Ensuite, il prouve que l’innovation ne se limite pas aux start-ups de la Silicon Valley : elle peut naître dans une usine normande, entre les mains d’opérateurs formés et motivés.
Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Si Seb reste discret sur les volumes exacts, le carnet de commandes déborde. Les consommateurs européens, sensibles au label *Made in France*, plébiscitent ces aspirateurs. C’est une tendance de fond : selon une étude récente, 72 % des Français se disent prêts à payer plus pour des produits fabriqués localement. Rowenta l’a bien compris.
Les Clés du Succès : Innovation et Adaptabilité
Alors, qu’est-ce qui fait la différence ? D’abord, une méthode d’assemblage repensée de fond en comble. Là où la Chine mise sur la répétition, Vernon parie sur la polyvalence. Chaque opérateur devient un artisan moderne, capable de jongler entre plusieurs tâches. Ensuite, il y a l’investissement dans les outils : visseuses magnétiques, socles ajustables, sièges ergonomiques… Tout est fait pour booster la productivité sans sacrifier le bien-être.
Mais le vrai secret, c’est l’équipe. « On a des gens passionnés, qui veulent faire vivre cette usine, insiste Cédric Larant. Ils comprennent qu’on construit quelque chose de grand. » Cette dynamique collective, alliée à une vision claire de Seb, transforme Vernon en laboratoire du futur industriel français.
Un Modèle à Suivre ?
Rowenta n’est pas seule dans cette vague de relocalisation. D’autres entreprises, comme Pierre Lannier avec ses montres ou Global Hygiène en Gironde, tentent elles aussi de ramener leurs usines en France. Mais le cas de Seb se distingue par son échelle et son ambition. Avec un groupe qui pèse des milliards et une marque connue mondialement, cette initiative pourrait inspirer d’autres géants.
Pour autant, tout n’est pas rose. Relocaliser coûte cher : il faut former, investir, repenser. Et la concurrence asiatique reste féroce. Pourtant, Vincent Charpentier y croit dur comme fer : « Si on veut une industrie forte, il faut oser. On ne peut pas tout faire en France, mais on peut faire mieux. »
Et Demain ?
Avec une nouvelle ligne en projet et des embauches à venir, Rowenta pose les bases d’un renouveau industriel. Mais au-delà des aspirateurs, c’est une question plus large qui se dessine : la France peut-elle redevenir une terre de production ? Pour Seb, la réponse est oui, à condition d’innover sans cesse et de miser sur ses talents locaux.
Ce retour en grâce du *Made in France* n’est pas qu’un slogan marketing. C’est un pari sur l’avenir, un mélange de pragmatisme et de vision. Et si Vernon n’est qu’un début, il pourrait bien annoncer une petite révolution dans nos usines… et nos salons.
Pour résumer, voici les grands points de cette aventure :
- Relocalisation d’une gamme d’aspirateurs-balais à Vernon, en mars 2024.
- Une méthode d’assemblage inédite, pensée pour la polyvalence.
- Un succès commercial porté par la vague du Made in France.
- Des embauches et une nouvelle ligne en vue pour 2025.
Alors, la prochaine fois que vous passerez l’aspirateur, pensez-y : derrière cet objet du quotidien, il y a peut-être une histoire bien plus grande qu’il n’y paraît.