
Crise du Capital-Risque Canadien en 2025
Le monde des start-ups canadiennes traverse une période sombre. En 2025, les investissements en capital-risque ont atteint leur niveau le plus bas depuis la crise de la COVID-19, un signal inquiétant pour l’écosystème technologique du pays. Mais derrière ce tableau morose, certains secteurs, comme les sciences de la vie et le financement par dette venture, brillent comme des lueurs d’espoir. Quelles sont les raisons de cette chute ? Et comment certains acteurs tirent-ils leur épingle du jeu dans un marché aussi incertain ?
Une Crise Sans Précédent pour le Capital-Risque
Le premier semestre 2025 a marqué un tournant pour le marché du capital-risque canadien. Selon un rapport récent, les investissements totaux se sont élevés à 2,9 milliards de dollars canadiens, répartis sur 254 transactions. Cela représente une baisse de 26 % en valeur et de 22 % en volume par rapport à l’année précédente. Ce recul, le plus marqué depuis 2020, reflète un climat d’incertitude économique et géopolitique qui freine les ambitions des investisseurs.
David Kornacki, expert en données au sein d’une association canadienne de capital-risque, n’a pas mâché ses mots :
C’est une période d’incertitude. Les conditions macroéconomiques rendent les sorties de marché difficiles, et les liquidités se font rares.
– David Kornacki
Les start-ups, particulièrement celles en phase de pré-amorçage et d’amorçage, subissent de plein fouet cette frilosité. Même les méga-deals, ces investissements de plus de 50 millions de dollars, sont en net recul, avec seulement huit transactions de ce type enregistrées en 2025, un record à la baisse depuis 2017.
Les Facteurs de la Dégringolade
Plusieurs éléments expliquent cette contraction du marché. Tout d’abord, l’incertitude économique mondiale, marquée par des tensions commerciales et géopolitiques, pèse lourdement. Les investisseurs, plus prudents, préfèrent limiter les risques, ce qui réduit le flux de capitaux vers les jeunes entreprises. Ensuite, le marché des sorties, qu’il s’agisse de fusions-acquisitions ou d’introductions en bourse, est particulièrement atone. Aucune introduction en bourse n’a été enregistrée au Canada en 2025, un fait rare qui accentue la pression sur les fonds de capital-risque.
En parallèle, la participation des investisseurs américains, souvent un moteur pour les start-ups canadiennes, a diminué de 3 % par rapport à 2024. Ce retrait reflète une préférence pour des investissements domestiques aux États-Unis, où le marché, bien que lui aussi en baisse, reste plus robuste.
Enfin, les start-ups peinent à lever des fonds en raison de valorisations plus faibles et d’un accès restreint au capital. Les investisseurs se concentrent sur des transactions plus importantes mais moins nombreuses, laissant de côté les jeunes pousses en phase initiale.
Des Secteurs Qui Résistent
Malgré ce climat morose, certains secteurs se démarquent par leur résilience. Les sciences de la vie, par exemple, ont attiré 894 millions de dollars sur 58 transactions, un niveau supérieur à la moyenne des années précédentes. Ce dynamisme s’explique par une demande croissante pour des solutions en santé et biotechnologie, portées par des innovations comme les thérapies géniques et les diagnostics avancés.
Un autre point lumineux concerne le financement par dette venture. Avec 628 millions de dollars investis sur 36 transactions, ce type de financement non dilutif connaît une croissance spectaculaire, en hausse de 188 % en valeur par rapport à 2024. Les entreprises, confrontées à des difficultés pour lever des fonds en équité, se tournent vers ces solutions pour maintenir leur croissance sans céder de parts.
David Kornacki souligne cette tendance :
Les entreprises cherchent des alternatives au financement traditionnel. La dette venture offre une solution flexible dans un marché difficile.
– David Kornacki
Cette montée en puissance s’accompagne d’une plus grande transparence dans la divulgation de ces transactions, ce qui amplifie leur visibilité dans les rapports.
Manitoba, l’Étoile Montante
Si le tableau national est sombre, certaines régions tirent leur épingle du jeu. Le Manitoba, souvent éclipsé par des pôles comme Toronto ou Vancouver, a surpris en attirant 125 millions de dollars d’investissements en 2025, surpassant déjà le total de 2024. Des entreprises comme Conquest Planning et Taiv ont joué un rôle clé dans cette performance inattendue.
Cette dynamique régionale montre que l’innovation ne se limite pas aux grands centres urbains. Le Manitoba, avec ses coûts d’exploitation plus bas et son écosystème en pleine croissance, pourrait devenir un modèle pour d’autres provinces moins en vue.
Un Marché des Sorties en Berne
Le marché des sorties reste un point douloureux pour le capital-risque canadien. Avec un nombre réduit de fusions-acquisitions et l’absence d’introductions en bourse, les investisseurs peinent à générer des liquidités. Cela les pousse à explorer des solutions alternatives, comme les secondaries, où des parts d’entreprises sont revendues à d’autres investisseurs. Les deux plus grosses transactions de 2025, impliquant Jane Software et StackAdapt, étaient des secondaries, signe que ce mécanisme gagne en popularité.
Cette tendance reflète une adaptation des investisseurs à un marché où les sorties traditionnelles sont rares. Cependant, elle soulève des questions sur la viabilité à long terme de ces stratégies, surtout si les valorisations continuent de baisser.
Comparaison avec les États-Unis
Le contraste avec les États-Unis est frappant. Alors que le Canada enregistre une baisse constante des investissements, le marché américain, bien qu’en recul au deuxième trimestre, affiche une résilience relative. Les États-Unis ont vu 40 % de dollars investis en plus pour 20 % de transactions en moins par rapport à 2024, signe d’une concentration sur des deals plus importants.
Cette divergence met en lumière une faiblesse structurelle de l’écosystème canadien : une dépendance aux investisseurs étrangers et un manque de dynamisme local. Les appels à un sursaut du capital-risque national se multiplient, mais les résultats tardent à se concrétiser.
Perspectives pour la Fin de 2025
Les perspectives pour la seconde moitié de 2025 restent incertaines. David Kornacki anticipe une année globalement stable ou légèrement en baisse, avec peu de signes d’amélioration à court terme. Les tensions commerciales, notamment avec les États-Unis, continuent de peser sur les décisions d’investissement.
Pourtant, des opportunités existent. Les secteurs résilients comme les sciences de la vie et la dette venture montrent que l’innovation peut prospérer même dans un climat difficile. De plus, des régions comme le Manitoba prouvent que l’écosystème technologique canadien est loin d’être uniforme et que des poches de dynamisme émergent là où on ne les attend pas.
Pour résumer les tendances observées :
- Baisse de 26 % des investissements en capital-risque en 2025.
- Résilience des sciences de la vie avec 894 millions de dollars investis.
- Explosion du financement par dette venture, en hausse de 188 %.
- Émergence du Manitoba comme hub technologique inattendu.
Un Avenir à Construire
Le capital-risque canadien est à la croisée des chemins. Si les défis sont nombreux, les opportunités ne manquent pas pour ceux qui savent s’adapter. Les investisseurs doivent repenser leurs stratégies, en misant sur des secteurs porteurs et des régions sous-exploitées. Les start-ups, quant à elles, doivent innover dans leurs approches de financement, en explorant des options comme la dette venture pour maintenir leur croissance.
L’écosystème technologique canadien a prouvé sa résilience par le passé. Mais pour surmonter cette crise, il faudra plus qu’un simple sursaut : une véritable mobilisation des acteurs locaux et un soutien accru aux régions émergentes seront nécessaires. Le Manitoba, les sciences de la vie et la dette venture sont autant de signaux que l’innovation, même dans l’adversité, trouve toujours un chemin.
Le Canada peut-il transformer ce “signal d’alarme” en opportunité ? L’avenir dépendra de la capacité des investisseurs et des entrepreneurs à travailler ensemble pour redynamiser l’écosystème. Une chose est sûre : l’innovation ne s’arrête jamais, même dans les moments les plus sombres.