De Polytechnique à Toulouse Métropole : Une Transition Engagée
Imaginez un instant : vous venez de décrocher un diplôme de l’École Polytechnique, l’une des institutions les plus prestigieuses au monde, et les portes du privé s’ouvrent grand devant vous avec des salaires alléchants. Pourtant, vous tournez le dos à cette voie toute tracée pour rejoindre une métropole française et vous consacrer à la transition écologique. C’est l’histoire de Matthieu Oriot, un jeune ingénieur qui a choisi de donner un sens profond à sa carrière en s’engageant dans le service public local. Une anecdote qui interpelle et invite à réfléchir : et si l’avenir se construisait davantage dans les territoires que dans les tours de verre des multinationales ?
Un Parcours Hors Normes vers l’Écologie
Tout commence il y a quelques années, lorsque Matthieu franchit les portes de Polytechnique. À ce moment-là, il n’a qu’une vague idée de ce qu’il veut faire. Les classes préparatoires, marathon intellectuel bien connu des étudiants scientifiques, ne laissent guère de place à l’introspection. Mais une fois les concours derrière lui, l’école lui offre un terrain fertile pour explorer ses aspirations. Avec une formation généraliste et un éventail de possibilités, il se tourne rapidement vers un domaine qui le passionne : le développement durable.
Les Premiers Pas dans l’Environnement
Dès sa première année, Matthieu se met en quête d’un stage dans l’environnement. Il contacte des alumni, échange avec eux sur la prise en compte des enjeux écologiques dans leurs secteurs. Cette curiosité le guide. Puis, en deuxième année, un imprévu vient bouleverser ses plans : la crise sanitaire annule son stage initial. Il rebondit dans la cellule de crise de l’Agence Régionale de Santé d’Île-de-France, plongé dans l’analyse de données sur l’épidémie. « J’étais au cœur de l’action », se souvient-il avec enthousiasme.
Mon premier contact avec le service public, c’était comme être propulsé dans le réacteur d’une machine complexe.
– Matthieu Oriot
Cette expérience marque un tournant. L’idée de travailler pour l’intérêt général commence à germer, loin des clichés du privé et de ses promesses de confort financier.
Une Spécialisation Engagée à AgroParisTech
Après Polytechnique, Matthieu poursuit son chemin à AgroParisTech, où il opte pour une spécialisation en sciences politiques, écologie et stratégies. Là, il rencontre des profils inspirants, certains prêts à des choix radicaux. On est en 2022, l’année des « bifurqueurs », ces étudiants qui, lors de leur remise de diplôme, dénoncent une formation déconnectée des urgences écologiques. Matthieu, lui, ne va pas aussi loin, mais il partage leur quête de sens. Il affine son projet : contribuer activement à la transition écologique.
Son stage de fin d’études le conduit dans un cabinet de conseil dédié à la transition écologique, collaborant avec des collectivités locales. Pendant six mois, il se familiarise avec des outils comme la budgétisation environnementale ou les plans climat territoriaux. Une première immersion dans les rouages des politiques publiques locales.
Un Voyage pour Repenser le Monde
Avant de poser ses valises dans un bureau, Matthieu décide de prendre une année pour voir le monde autrement. À vélo, il parcourt l’Afrique de l’Ouest et l’Amérique latine, allant à la rencontre d’initiatives locales alignées sur les objectifs de développement durable. Ce périple n’est pas une simple parenthèse : il nourrit sa vision et renforce son envie d’agir concrètement. « Voir ces projets sur le terrain m’a fait comprendre qu’on peut changer les choses, même à petite échelle », confie-t-il.
De retour en France, il est prêt à faire un choix audacieux : intégrer la fonction publique territoriale, un secteur souvent perçu comme moins glamour que le privé, mais riche en défis.
Toulouse Métropole : Le Défi d’une Métropole Verte
En janvier 2024, Matthieu décroche un poste de chef de projets transition écologique à Toulouse Métropole, une collectivité regroupant 37 communes et plus de 800 000 habitants. Sa mission ? Piloter des initiatives comme le budget climat, un outil qui vise à aligner les finances publiques sur des objectifs environnementaux. Un défi colossal, mais qui correspond à ses valeurs.
Pourtant, convaincre les recruteurs n’a pas été simple. Avec un CV atypique, il mise sur une qualité clé apprise à Polytechnique : savoir aborder des problèmes complexes et apprendre vite. « En entretien, j’explique que je ne sais pas tout faire, mais que je peux tout comprendre rapidement », plaisante-t-il.
Polytechnique, c’est une école qui vous apprend à apprendre, pas à exécuter des tâches prédéfinies.
– Matthieu Oriot
Renoncer au Privé : Un Choix Assumé
En optant pour le public, Matthieu dit adieu aux 57 000 euros brut annuels promis en moyenne aux diplômés de Polytechnique dans le privé. À Toulouse Métropole, son salaire reste correct pour un ingénieur territorial, mais bien en deçà des standards du privé. Un sacrifice ? Pas pour lui. « Ce qui compte, c’est le sens de ce que je fais, pas le montant sur ma fiche de paie », assure-t-il.
Son parcours illustre une tendance émergente : de plus en plus de jeunes talents, formés dans les meilleures écoles, se tournent vers des carrières porteuses d’impact. Une bifurcation qui pourrait redessiner les contours du monde professionnel.
Les Défis de la Transition dans les Territoires
À Toulouse Métropole, Matthieu travaille sur des projets concrets : réduction des émissions, adaptation au changement climatique, sensibilisation des agents et des habitants. Mais les obstacles sont nombreux. Entre inertie administrative, budgets contraints et résistances au changement, la transition écologique dans les territoires est un marathon, pas un sprint.
Pour autant, il y voit une opportunité unique. « Les métropoles ont un rôle clé à jouer. Elles concentrent les populations, les activités, et peuvent tester des solutions à grande échelle », explique-t-il. Un terrain d’expérimentation parfait pour un ingénieur en quête d’impact.
Un Avenir dans la Fonction Publique
Matthieu ne compte pas s’arrêter là. Il envisage de passer le concours d’ingénieur territorial, voire d’ingénieur en chef, pour gravir les échelons et peser davantage sur les politiques publiques. Son ambition ? Faire des territoires des moteurs de la transition écologique, en alliant rigueur scientifique et vision stratégique.
Son histoire résonne comme une invitation. Et si, face à l’urgence climatique, les meilleurs talents se mobilisaient là où les décisions se prennent vraiment ? Dans les collectivités, au plus près des citoyens.
Les Chiffres qui Parlent
Pour mieux comprendre l’ampleur des enjeux, quelques données frappantes sur les métiers de la transition :
- 85 % des emplois numériques de 2030 n’existent pas encore.
- 540 000 créations nettes d’emplois prévues d’ici 2030 dans l’écologie.
- 200 000 emplois supplémentaires dans la rénovation des logements.
Ces chiffres montrent une chose : la transition écologique n’est pas qu’une utopie, c’est un vivier d’opportunités pour les générations futures.
Une Inspiration pour Demain
L’itinéraire de Matthieu Oriot est bien plus qu’un simple récit personnel. Il incarne une génération qui refuse de se contenter du statu quo. En choisissant le service public et les territoires, il prouve que l’innovation ne se limite pas aux start-ups de la Silicon Valley. Elle peut aussi naître dans les bureaux d’une métropole, au service des citoyens et de la planète.
Et vous, seriez-vous prêt à bifurquer pour un métier qui fait sens ? L’avenir, comme le dit Matthieu, se fabrique aujourd’hui.