Débat entre ministres sur le prêt massif de 2 milliards CAD à Telesat
Le récent engagement du gouvernement fédéral envers une entreprise canadienne de communications par satellite a lancé un débat animé sur les dépenses publiques, la souveraineté nationale et Elon Musk. L'octroi d'un prêt de 2,14 milliards CAD de la part d'Ottawa et de 400 millions CAD du Québec à Telesat, totalisant 2,54 milliards CAD, n'est pas passé inaperçu. Sur les réseaux sociaux, critiques et soutiens s'affrontent.
Un financement stratégique pour la connectivité et l'emploi
Pour le gouvernement, ce prêt massif est un investissement d'avenir. Il doit permettre à Telesat, basée à Ottawa, de compléter son ambitieux projet Lightspeed : un réseau de satellites en orbite basse destiné à amener l'Internet haut débit et la 5G dans les communautés rurales et éloignées du Canada, à un coût abordable.
Au-delà de la connectivité, c'est tout un écosystème industriel que ce financement est censé soutenir. Le gouvernement évoque la création de 2000 emplois au Canada, dont près de 1000 au Québec, via Telesat et sa chaîne d'approvisionnement. Le contrat confié à MDA pour la construction des satellites à Sainte-Anne-de-Bellevue en est l'illustration.
Des engagements sur 15 ans
En contrepartie de ce soutien public, Telesat s'est engagé à investir plus de 4,4 milliards CAD dans l'économie canadienne sur les 15 prochaines années. La création de 200 stages pour étudiants et 1,6 million CAD de bourses, avec un accent sur les femmes et les jeunes autochtones dans les filières STEM, font également partie du deal.
Elon Musk s'invite dans le débat
Mais ce prêt pharaonique ne fait pas l'unanimité. Sur X (ex-Twitter), le député conservateur Michael Barrett a critiqué cette décision, suggérant que le financement aurait pu être attribué à Starlink d'Elon Musk pour amener l'Internet dans les zones rurales. Interpellé, le milliardaire a répondu que Starlink pourrait fournir un service similaire pour "moins de la moitié de ce montant".
Ils préfèrent donner de l'argent à des milliardaires étrangers plutôt que de soutenir notre industrie et nos travailleurs.
François-Philippe Champagne, Ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie
Une sortie qui a fait bondir le ministre François-Philippe Champagne. "Absurdité" a-t-il répondu, insistant sur le fait que ce prêt allait "aider à construire un réseau satellitaire de classe mondiale fabriqué au Canada qui soutient des milliers d'emplois." Pour lui, confier ce projet à Starlink reviendrait à "externaliser notre sécurité nationale".
Souveraineté numérique en jeu
Au cœur du débat : la question de la souveraineté numérique du Canada. Pour ses défenseurs, le projet Lightspeed est un enjeu stratégique qui dépasse la simple fourniture d'Internet. Il s'agit de doter le pays d'une infrastructure de télécommunications sécurisée et indépendante, y compris pour les besoins militaires, en particulier dans l'Arctique.
Face à la montée des tensions géopolitiques et au risque de cyber-ingérence, maîtriser ses réseaux apparaît comme un impératif de sécurité nationale. Un argument de poids dans un contexte où les appels se multiplient aux États-Unis pour une enquête sur l'habilitation secret-défense d'Elon Musk, suite à des propos controversés sur X.
Telesat assure le service après-vente
De son côté, Telesat se veut rassurant. Ce financement public ne sera pas dépensé en vain. Le projet Lightspeed est déjà sur les rails avec un premier lancement prévu en 2026 pour une constellation initiale de 198 satellites. Objectif : permettre au gouvernement de tenir son engagement d'un accès Internet haut débit pour 98% des Canadiens d'ici 2026 et 100% d'ici 2030.
Ironie de l'histoire, Telesat a signé des contrats de lancement avec... SpaceX d'Elon Musk pour déployer ses satellites Lightspeed. Preuve que dans la course à l'espace, concurrence et coopération font souvent bon ménage. Le Canada a fait son choix : miser sur un acteur national, quitte à se lancer dans une guerre des étoiles verbale avec le turbulent patron de Tesla et Starlink.