
Défis des startups québécoises après la suspension d’IPME
Le monde des startups québécoises traverse une zone de turbulences depuis la suspension surprise mi-novembre du programme d'investissement Impulsion PME (IPME), géré par Investissement Québec pour le compte du ministère de l'Économie et de l'Innovation. Ce coup d'arrêt brutal met en péril de nombreuses jeunes pousses qui comptaient sur ce dispositif pour boucler leur tour de financement early-stage et dérisquer leurs projets aux yeux des investisseurs.
Un filet de sécurité qui disparaît
Lancé en 2021, le programme IPME permettait aux startups en phase d'amorçage de voir leurs levées de fonds abondées par de l'argent public, jusqu'à 750 000 dollars. Un véritable gage de crédibilité et un filet de sécurité pour les investisseurs. Sa suspension a donc fait l'effet d'une douche froide, venant couper court à de nombreux processus de financement en cours.
C'est le cas de Bopaq, une startup cleantech de Montréal qui propose des solutions d'emballages alimentaires réutilisables. Sa fondatrice Mishel Wong explique :
Nous avions un très bon dossier, nos investisseurs étaient intéressés. Mais pour beaucoup, leur engagement dépendait de la participation d'IPME comme filet de sécurité. Sans ça, ils ont retiré leurs billes, nous laissant dans une situation précaire.
Mishel Wong, CEO de Bopaq
Des levées de fonds qui tombent à l'eau
Même son de cloche chez UFrost, une jeune pousse qui développe un "micro-ondes surgelateur" révolutionnaire à destination des professionnels. Son PDG Julien Michalk raconte avoir vu tous ses investisseurs pressentis se rétracter après l'annonce de la suspension d'IPME :
J'ai cru que ma boîte était morte, que mes 10 ans de travail partaient en fumée. On nous avait promis que notre dossier serait étudié, mais Investissement Québec nous a évincés du jour au lendemain, sans explication.
Julien Michalk, PDG d'UFrost
Si UFrost a finalement réussi à remettre son financement sur les rails, l'équipe regrette le manque de communication et de préavis sur ce retournement de situation.
Une fragilité de l'écosystème mise en lumière
Pour l'investisseur et coach Phil Rivard, la suspension d'IPME est symptomatique d'une fragilité plus large de l'écosystème tech québécois, marqué par une baisse de l'entrepreneuriat et de faibles niveaux de capital en early-stage. Il pointe un recours excessif aux fonds publics :
Les programmes comme IPME sont devenus presque obligatoires pour les startups au Québec vu le peu de capital disponible. Cette dépendance met tout le monde en risque quand le robinet est coupé du jour au lendemain. Il faudrait davantage d'investisseurs privés capables de prendre des risques en early-stage.
Phil Rivard, RVRD + CO
Un avenir en pointillé
Face à ces vents contraires, les startups tentent de s'adapter pour éviter la faillite. UFrost a réussi à sécuriser des investissements alternatifs. Bopaq a décroché 75 000 dollars pour tenir jusqu'au printemps, et envisage des scénarios de fusion-acquisition pour poursuivre sa mission malgré tout.
Mais sans visibilité sur un éventuel retour d'IPME, beaucoup naviguent à vue. L'écosystème startup québécois traverse une zone de turbulences dont il ne sortira pas indemne. Il est urgent que le gouvernement clarifie ses intentions et que les acteurs privés prennent le relai pour aider les pépites de demain à décoller malgré tout.