
Départ de Luc Rémont : EDF Face à l’État en Crise
Et si l’avenir énergétique de la France reposait sur un bras de fer silencieux mais explosif ? Le 21 mars 2025, Luc Rémont, PDG d’EDF, a été brutalement écarté de son poste après une convocation à Bercy. Derrière cette éviction, une bataille titanesque entre l’État et l’énergéticien historique se dessine, où se mêlent ambitions nucléaires, pressions industrielles et contradictions politiques. Alors que Bernard Fontana, patron de Framatome, est pressenti pour prendre la relève, une question demeure : ce départ marque-t-il un tournant ou juste une nouvelle étape dans une crise sans fin ?
Un Conflit Explosif entre EDF et l’État
Luc Rémont n’a jamais eu la tâche facile. Arrivé à la tête d’EDF en novembre 2022, il portait sur ses épaules un double défi : répondre aux exigences de l’État tout en relançant un géant énergétique fragilisé. Mais entre les attentes d’un actionnaire omniprésent et les réalités d’un secteur en mutation, le fossé n’a cessé de se creuser. Son départ, loin d’être une surprise, révèle des tensions profondes qui dépassent sa seule personne.
Un Divorce Prévisible dès le Départ
Dès son arrivée, Luc Rémont a dû jongler avec des objectifs presque irréconciliables. L’État, actionnaire majoritaire, voulait des prix bas pour soutenir l’industrie française, tout en demandant à EDF d’investir massivement dans le nucléaire. Une équation impossible ? Pour beaucoup, oui. « Il était coincé entre des ordres contradictoires », confie un ancien collaborateur proche du dossier. Cette méfiance mutuelle a vite transformé chaque décision en un champ de bataille.
Sa position était devenue intenable ces derniers mois.
– Un proche de Luc Rémont, à L’Usine Nouvelle
Les rumeurs de démission planaient depuis longtemps. À plusieurs reprises, Rémont aurait menacé de claquer la porte, lassé par les injonctions paradoxales de Bercy. Mais ce qui a précipité sa chute, ce sont deux dossiers brûlants : les enchères sur la production nucléaire et les retards du programme EPR2.
Les Enchères Nucléaires : Une Bombe à Retardement
Le premier point de rupture a été la mise aux enchères d’une partie de la production nucléaire d’EDF. Cette décision, imposée par l’État, visait à diversifier l’accès à l’électricité. Mais pour les industriels français, c’était une aberration. Les prix risquaient de flamber, les mettant en concurrence avec des acteurs moins dépendants des coûts énergétiques. Une levée de boucliers s’en est suivie, avec des voix puissantes dans le secteur.
Benoît Bazin, PDG de Saint-Gobain, n’a pas mâché ses mots le 19 mars 2025 sur BFM Business : « Les tarifs d’EDF sont une insulte aux industriels français. » Ces paroles, rares de la part d’un dirigeant habituellement discret, ont résonné comme un cri d’alarme. Dans les cercles politiques, on y a vu une trahison de la mission historique d’EDF : garantir une énergie abordable pour tous.
Roland Lescure, ex-ministre de l’Industrie, a lui aussi critiqué cette orientation. Pour lui, elle allait à l’encontre des efforts de réindustrialisation du pays. Face à cette grogne, Luc Rémont s’est retrouvé en première ligne, accusé de suivre une ligne qu’il n’avait pas choisie.
EPR2 : Le Rêve Nucléaire Repoussé
Le second dossier explosif concerne le programme **EPR2**, pilier de la relance nucléaire française. Initialement prévue pour 2035, la mise en service du premier réacteur de Penly a été repoussée à 2038 – voire 2040 selon certaines estimations internes. Ce décalage a ravivé les doutes sur la capacité d’EDF à tenir ses promesses. Pour l’État, ce retard est une catastrophe, tant le nucléaire est au cœur de la stratégie énergétique nationale.
Mais derrière ce fiasco apparent, un désaccord stratégique majeur : Rémont réclamait des financements clairs avant de lancer des chantiers titanesques. L’État, lui, pressait pour une accélération sans garantir les fonds. « On ne construit pas des réacteurs avec des promesses », aurait-il lâché lors d’une réunion tendue. Ce fossé financier a scellé son sort.
Bernard Fontana : Une Nouvelle Ère pour EDF ?
Enter Bernard Fontana. Nommé pour succéder à Rémont, le directeur général de Framatome depuis 2015 apporte un profil résolument industriel. Connu pour sa rigueur et sa maîtrise des enjeux nucléaires, il incarne un choix logique pour apaiser les tensions. « C’est un homme de terrain, pas un politique », note une source bien informée. L’État mise sur lui pour redonner un cap clair à EDF.
Son premier défi ? Restaurer la confiance. Entre les industriels furieux, les politiques divisés et les retards accumulés, la marge de manœuvre est étroite. Mais Fontana connaît le secteur de l’intérieur, un atout précieux pour relancer le programme EPR2 et stabiliser les relations avec Bercy.
Les Défis Persistants d’EDF
Le départ de Luc Rémont ne résout pas tout. Les problèmes structurels d’EDF sont colossaux. Comment financer les nouveaux réacteurs sans faire exploser les tarifs ? Comment concilier service public et compétitivité ? Voici quelques enjeux qui attendent Bernard Fontana :
- Financer les EPR2 sans compromettre la stabilité financière d’EDF.
- Restaurer des tarifs acceptables pour les industriels français.
- Rattraper les retards du programme nucléaire tout en respectant les délais promis.
À cela s’ajoute un défi opérationnel : EDF peut-elle vraiment construire ses réacteurs en **70 mois**, comme l’avait ambitieusement annoncé Rémont ? Les experts restent sceptiques, et le temps dira si Fontana peut transformer cette vision en réalité.
Une Transition Énergétique en Suspens
Au-delà des querelles internes, c’est l’avenir énergétique de la France qui se joue. Le nucléaire, pilier de la **transition énergétique**, vacille sous le poids des incertitudes. Les tensions entre EDF et l’État reflètent un malaise plus large : comment concilier écologie, économie et souveraineté dans un monde en crise ?
Pour l’instant, le départ de Rémont ressemble à un pansement sur une plaie béante. Bernard Fontana hérite d’une entreprise sous pression, mais aussi d’une opportunité unique de redéfinir son rôle. La suite dépendra de sa capacité à naviguer entre les exigences de l’État et les réalités du terrain.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Le nucléaire français peut-il rebondir, ou sommes-nous à l’aube d’une crise encore plus profonde ? Une chose est sûre : demain se fabrique aujourd’hui, et les prochains mois seront décisifs.