Des polyoléfines recyclées grâce au « mass balance »
Face à l'urgence climatique, l'industrie de l'emballage plastique se mobilise pour réduire son empreinte carbone. Un défi de taille, qui nécessite d'accélérer le développement de solutions circulaires comme le recyclage chimique des polyoléfines. Zoom sur un outil comptable encore méconnu mais pourtant crucial dans cette course à la décarbonation : le mass balance.
Mass balance : kézako ?
Le mass balance, ou bilan matière en français, est une méthode de traçabilité qui permet de suivre les flux physiques de matières au sein d'un processus de production complexe. Concrètement, il s'agit d'un système de comptabilité qui enregistre les quantités de matières entrantes et sortantes à chaque étape de la chaîne de valeur.
Ce suivi précis est particulièrement utile dans le cas du recyclage chimique des plastiques. En effet, lors de la dépolymérisation ou de la pyrolyse des déchets polyoléfines (polyéthylène PE et polypropylène PP), il est impossible de corréler directement les flux entrants et sortants en raison du fractionnement moléculaire. Le mass balance offre alors un outil idéal pour garantir l'origine circulaire des composés issus de ces procédés.
Conforme aux normes ISCC+ et ISO 22095, le mass balance est parfaitement adapté pour certifier et tracer les flux de matières premières issues du recyclage chimique des plastiques.
– Jean-Yves Daclin, Plastics Europe
Un outil clé pour développer le recyclage des polyoléfines alimentaires
Grâce à ses propriétés de traçabilité, le mass balance joue un rôle stratégique pour structurer le marché des polyoléfines recyclées aptes au contact alimentaire. En garantissant l'allocation des huiles de pyrolyse issues de déchets plastiques vers la production de nouveaux polymères, il permet de créer des débouchés stables et pérennes pour les technologies de recyclage chimique.
Ce système de « crédits » circulaires est vital pour financer le déploiement industriel de ces procédés. Car les volumes traités (quelques dizaines de kt/an) sont sans commune mesure avec les capacités des vapocraqueurs pétrochimiques (jusqu'à 1 Mt/an). Selon Plastics Europe, le mass balance avec crédits dédiés aux polymères est donc indispensable pour accélérer le recyclage chimique à grande échelle.
Quels impacts pour la décarbonation des emballages plastiques ?
À l'heure où l'Europe durcit ses exigences réglementaires sur les emballages (projet PPWR), le mass balance apparaît comme un levier majeur de décarbonation pour l'industrie plastique. En boostant l'incorporation de matières premières circulaires dans les chaînes de valeur, il contribue à réduire la dépendance aux ressources fossiles et les émissions de gaz à effet de serre associées.
De plus, la pyrolyse présente l'avantage d'éliminer les contaminants et de produire des polyoléfines recyclées compatibles avec les applications alimentaires. Un atout non négligeable quand on sait que ce marché est estimé à 9,6 millions de tonnes par an en Europe !
Quel cadre réglementaire pour garantir la crédibilité du mass balance ?
Si le mass balance fait aujourd'hui consensus au sein de la filière plastique, certaines modalités restent à clarifier. C'est tout l'enjeu de la future réglementation européenne sur les plastiques à usage unique (directive SUP), qui doit définir d'ici septembre 2024 le rôle et les critères d'application du bilan matière pour le recyclage chimique.
Plusieurs options sont sur la table, comme le choix de la méthode d'allocation des crédits circulaires. Pour Plastics Europe, l'approche la plus pertinente serait d'exclure les carburants (fuel use exempt) afin de flécher prioritairement les huiles de pyrolyse vers la production de nouveaux polymères.
Autre point de vigilance : la traçabilité et la transparence du dispositif, depuis les points de collecte des déchets jusqu'aux produits finaux. Des garde-fous seront nécessaires pour éviter toute dérive, comme un marché parallèle de crédits déconnecté des flux physiques (book and claim).
Enfin, il faudra veiller à une communication responsable auprès des consommateurs sur la réalité du contenu recyclé. Un vrai défi quand on sait la complexité actuelle des allégations environnementales !
En route vers une économie circulaire bas carbone
Au final, le mass balance constitue un maillon essentiel pour mettre les bénéfices du recyclage chimique au service de la décarbonation du secteur plastique. Une fois son cadre réglementaire clarifié, cet outil comptable devrait connaître un essor majeur dans les années à venir au sein de l'industrie chimique et des marques utilisatrices d'emballages.
Combiné aux autres leviers de l'économie circulaire (écoconception, recyclage mécanique, réemploi...), le mass balance ouvre la voie vers un nouveau paradigme décarboné et durable pour les plastiques. Un modèle vertueux, respectueux de l'environnement et de la santé des consommateurs, qui contribuera à relever le défi climatique et atteindre la neutralité carbone.
