Dialogue social et IA : vers un meilleur encadrement des entreprises
L'usage de l'intelligence artificielle en entreprise progresse de manière fulgurante. Mais son impact sur l'emploi et les conditions de travail inquiète les syndicats, qui souhaitent en faire un véritable sujet de dialogue social. Qu'est-ce que cela implique concrètement pour les entreprises et les salariés ? Éléments de réponse.
Des enjeux majeurs pour l'emploi et les conditions de travail
L'IA promet d'automatiser de nombreuses tâches et fait craindre des destructions massives d'emplois. Au-delà de cet impact quantitatif, les syndicats s'inquiètent aussi des conséquences sur la qualité de vie au travail :
- Intensification du travail et pression accrue sur les salariés qui doivent gérer les cas les plus complexes
- Risques psycho-sociaux liés à l'usage d'algorithmes opaques pour évaluer la performance
- Perte d'autonomie avec des process de plus en plus standardisés et robotisés
Face à ces enjeux, les partenaires sociaux estiment qu'il faut rapidement ouvrir des négociations collectives dans les branches et entreprises pour mieux encadrer le déploiement de l'IA.
Dial-IA : un kit pratique pour les négociateurs
Mais comment aborder concrètement ces sujets complexes ? Pour outiller les représentants du personnel, les syndicats CFDT, CFE-CGC, UGICT-CGT et FO-Cadres ont présenté Dial-IA. Cet outil en ligne propose :
- Des fiches pédagogiques sur le fonctionnement des différents types d'IA
- Un décryptage des textes réglementaires existants (RGPD, loi IA...)
- Des leviers concrets pour négocier (suivi des IA déployées, recours à l'expertise, clauses de revoyure...)
L'initiative vise aussi les PME via des outils dédiés. L'objectif est d'aider un maximum d'entreprises, quelle que soit leur taille, à créer les conditions d'un déploiement de l'IA socialement responsable.
Pour utiliser l'IA en entreprise, il faut créer de la confiance, or celle-ci ne se décrète pas mais se crée autour d'un dialogue social technologique.
Nicolas Blanc, secrétaire national de la CFE-CGC à la transition économique
L'IA, bientôt dans les accords d'entreprise ?
L'outil a été testé auprès de plusieurs PME et les syndicats espèrent maintenant qu'il permettra de multiplier les accords. Car aujourd'hui, l'IA est quasi-absente du dialogue social :
- Pas de négociations nationales ni de branche
- Moins de 0,1% des accords d'entreprise évoquent le sujet d'après une étude du Centre d'études de l'emploi
Les syndicats appellent donc à ouvrir des négociations interprofessionnelles dès 2025, déclinaison de l'accord européen de 2020 sur la transition numérique. Un texte qui pourrait inspirer le législateur. Le gouvernement lui-même pousse en ce sens, avec un sommet international sur l'IA et le travail prévu en février.
L'enjeu : une IA plus transparente et négociée
Pour le patronat aussi, le dialogue social semble être la clé d'une IA mieux acceptée. Le Medef a ainsi lancé un "tour de France" sur le sujet. Objectifs :
- Partager les choix stratégiques en amont avec les représentants du personnel
- Expliquer les solutions déployées et leur fonctionnement
- Construire avec les partenaires sociaux un cadre éthique et de bonnes pratiques
Une démarche de transparence et de co-construction qui semble indispensable pour réussir la transformation numérique en cours. Et les entreprises qui sauront faire de l'IA un vrai sujet de dialogue social pourraient bien prendre une longueur d'avance.