Droits voisins : accord historique au journal Le Monde
C'est un accord qui fera date dans l'histoire de la presse française. Les syndicats et la direction du journal Le Monde sont parvenus le 7 mai dernier à une entente permettant aux journalistes de percevoir directement 25% des droits voisins du droit d'auteur, lorsque leurs contenus sont repris par les géants de la tech comme Google, Facebook, Microsoft, mais aussi OpenAI et son célèbre agent conversationnel ChatGPT.
Cette avancée majeure, saluée comme un "accord historique" par les organisations syndicales, intervient après de longues et complexes négociations. Initialement, la direction proposait un montant forfaitaire annuel par journaliste, sur le modèle de l'AFP. Les discussions ont finalement abouti sur un pourcentage de 25%, un niveau de redistribution encore jamais atteint dans la presse.
Un premier versement attendu en juillet
Concrètement, les journalistes du Monde devraient toucher leur premier chèque au titre des droits voisins dès le mois de juillet prochain. Ce versement, portant sur la période 2019-2023, est estimé à près de 2000 euros bruts pour un journaliste à temps plein présent sur toute la durée. Les 75% restants seront réinvestis dans le journal et bénéficieront à l'ensemble des catégories professionnelles.
Cette annonce intervient alors que Google a été condamné en mars dernier à une amende de 250 millions d'euros pour non-respect de la législation sur les droits voisins, transposition d'une directive européenne de 2019. Le géant américain était accusé par les éditeurs de presse de ne pas mener des négociations de bonne foi sur la rémunération de leurs contenus.
Les éditeurs veulent négocier avec les entreprises d'IA
Cet accord du Monde survient dans un contexte où les modèles de langage comme ChatGPT bousculent le secteur des médias. Début mars, le quotidien avait signé un partenariat avec OpenAI et le groupe espagnol Prisa Media pour entraîner l'IA avec ses contenus d'actualités, en échange d'un accès à la technologie. D'autres médias internationaux comme l'agence Associated Press, le Financial Times ou le groupe allemand Axel Springer ont conclu des deals similaires.
Face à cette nouvelle donne, les principaux syndicats d'éditeurs de presse en France (SEPM, APIG) ont appelé les entreprises d'IA à ouvrir rapidement des négociations pour l'utilisation et la monétisation de leurs contenus. Chez Ouest-France et Les Journaux de Loire en revanche, les discussions sur la répartition des droits voisins avec les journalistes ont pour l'instant échoué, preuve que le chemin est encore long. L'accord obtenu au Monde pourrait faire figure d'exemple.
Nous sommes déterminés à obtenir une rémunération juste de la part des plateformes numériques et des acteurs de l'IA qui utilisent nos contenus éditoriaux.
Pierre Louette, Président de l'Alliance de la presse d'information générale
Les points clés à retenir
- Accord historique au journal Le Monde : 25% des droits voisins reversés directement aux journalistes.
- Google condamné en mars 2023 à 250 millions d'euros d'amende pour non-respect des droits voisins.
- Le Monde a signé un partenariat avec OpenAI pour entraîner ChatGPT avec ses contenus.
- Les syndicats d'éditeurs pressent les entreprises d'IA d'ouvrir des négociations sur l'utilisation payante des articles de presse.
Alors que le secteur des médias est en pleine transformation numérique, la question de la valorisation des contenus journalistiques face aux nouveaux acteurs tech et à l'essor des intelligences artificielles se pose avec une acuité renouvelée. La signature de cet accord novateur au sein de la rédaction du Monde ouvre la voie à de nouvelles façons de répartir la valeur, au bénéfice des créateurs de contenus. Mais le combat pour une juste rémunération ne fait sans doute que commencer face aux géants du web et de l'IA, prompts à utiliser sans contrepartie la production des éditeurs.