
Économie de Guerre : Les Acteurs Clés de la BITD en 2025
En juin 2022, lorsque le président Emmanuel Macron a prononcé les mots économie de guerre lors du salon Eurosatory, un frisson a parcouru l’industrie de défense française. Ce terme, chargé d’histoire, évoque une mobilisation sans précédent des ressources industrielles pour répondre aux besoins des armées. Mais qui sont les acteurs qui font battre le cœur de cette base industrielle et technologique de défense (BITD) ? Dans un contexte géopolitique tendu, marqué par la guerre en Ukraine et une course à la souveraineté technologique, la BITD française se réinvente pour relever des défis colossaux. Cet article vous emmène au cœur de cet écosystème stratégique, entre grands groupes, PME innovantes et initiatives audacieuses.
La BITD : un pilier de la souveraineté française
La base industrielle et technologique de défense (BITD) regroupe l’ensemble des entreprises qui conçoivent, produisent et maintiennent les équipements destinés aux forces armées. Selon la Direction générale de l’armement (DGA), cet écosystème unique en Europe est vital pour garantir l’autonomie stratégique de la France. En 2025, il s’articule autour de neuf grands groupes industriels et de milliers de PME, formant un réseau complexe qui génère 220 000 emplois directs et indirects.
Depuis l’appel de 2022 à renforcer les capacités de production, la BITD est sous les projecteurs. L’objectif ? Passer d’une industrie dimensionnée pour un temps de paix à une machine industrielle capable de soutenir un effort de guerre prolongé. Mais derrière ce défi, quelles sont les entreprises qui façonnent cet avenir ?
Les géants de l’industrie de défense
Le socle de la BITD repose sur neuf mastodontes industriels, des acteurs d’envergure européenne et mondiale. Ces groupes, comme Airbus Defence and Space, Dassault Aviation, Thales, Safran, MBDA, Naval Group, KNDS France (ex-Nexter), Ariane Group et Arquus, dominent la production d’équipements stratégiques, des avions de combat aux missiles en passant par les navires de guerre.
Par exemple, Dassault Aviation, connu pour le Rafale, est un fleuron de l’aéronautique militaire. De son côté, MBDA excelle dans la conception de missiles, tandis que Naval Group construit des sous-marins et des frégates. Ces entreprises, souvent duales (actives dans le civil et le militaire), réalisent des chiffres d’affaires colossaux, mais leur dépendance aux commandes étatiques les rend vulnérables aux fluctuations budgétaires.
La BITD est le bras armé de notre souveraineté. Sans elle, pas d’autonomie stratégique possible.
– Sébastien Lecornu, ministre des Armées
Ces grands groupes ne sont que la partie visible de l’iceberg. Leur force repose sur un réseau dense de sous-traitants et de partenaires, souvent des PME, qui jouent un rôle tout aussi crucial.
Les PME : l’épine dorsale méconnue de la BITD
Avec 4 500 PME et ETI, dont 1 000 jugées stratégiques par la DGA, les petites et moyennes entreprises sont le moteur de l’innovation et de la flexibilité de la BITD. Ces structures, souvent spécialisées dans des niches technologiques, produisent des composants essentiels : capteurs, systèmes électroniques, ou encore pièces mécaniques de haute précision.
Des entreprises comme Decomatic ou Baumier illustrent cette dynamique. Depuis 2022, elles ont doublé leurs effectifs et adopté des horaires en 3x8 pour répondre à la demande croissante. Pourtant, ces PME font face à des goulets d’étranglement : manque de main-d’œuvre, difficultés d’accès au financement et dépendance aux grands donneurs d’ordres.
Pour soutenir ces acteurs, la DGA a mis en place un accélérateur défense en partenariat avec Bpifrance. Lancé en 2024, ce programme aide 30 PME à optimiser leurs processus de production, réduisant ainsi les délais et augmentant leur compétitivité.
Les défis d’une économie de guerre
Passer en économie de guerre ne se fait pas d’un claquement de doigts. La BITD française, bien que performante, souffre de fragilités structurelles. Avant 2022, les entreprises du secteur affichaient des marges plus faibles et un endettement plus élevé que la moyenne de l’économie, selon l’Observatoire économique de la défense.
Voici les principaux défis auxquels la BITD est confrontée :
- Financement : Les PME peinent à attirer les investisseurs, rebutés par les risques liés au secteur de la défense.
- Main-d’œuvre : 10 000 postes restent vacants, malgré des initiatives comme le forum de l’emploi organisé avec France Travail.
- Cybersécurité : Les PME doivent renforcer leurs défenses face aux cyberattaques, un enjeu critique dans un secteur stratégique.
- Montée en cadence : La production doit s’accélérer pour répondre aux besoins des armées, un défi logistique majeur.
Pour répondre à ces enjeux, le gouvernement a lancé plusieurs initiatives, comme le fonds Definvest, doté de 100 millions d’euros, et le Fonds innovation défense, qui soutient les entreprises duales à forte croissance.
Un écosystème européen en pleine mutation
La BITD française ne peut être dissociée de son pendant européen, la BITDE (Base industrielle et technologique de défense européenne). Avec 12 grands groupes, dont six français, la BITDE vise à créer un marché unique des équipements de défense, plus compétitif face aux géants américains et russes.
En mars 2024, la Commission européenne a dévoilé la première stratégie industrielle de défense, mobilisant 1,5 milliard d’euros pour 2025-2027. Ce programme, baptisé EDIP (European Defence Industry Programme), encourage les investissements dans les technologies de pointe, comme les drones ou l’intelligence artificielle, et soutient la coopération avec l’Ukraine.
L’Europe doit investir ensemble pour garantir sa souveraineté technologique.
– Thierry Breton, ex-commissaire européen
Cette stratégie vise à surmonter les faiblesses structurelles de la BITDE, comme la fragmentation des marchés et les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance), souvent jugés inadaptés au secteur de la défense.
L’innovation au cœur de la BITD
Dans un monde où la technologie évolue à une vitesse fulgurante, l’innovation est la clé de la compétitivité. Les entreprises de la BITD investissent massivement dans des domaines comme l’intelligence artificielle, les drones et les technologies quantiques. Par exemple, Thales développe des systèmes de guerre électronique avancés, tandis que des startups comme Alice & Bob explorent les applications militaires de l’informatique quantique.
Le Fonds innovation défense, géré par Bpifrance, a permis de lever 245 millions d’euros pour financer ces projets. Ces investissements sont cruciaux pour maintenir l’avantage technologique de la France face à des concurrents comme la Chine ou les États-Unis.
Les perspectives pour 2025 et au-delà
En 2025, la BITD française est à un tournant. La hausse des budgets de défense, portée par la loi de programmation militaire 2024-2030 (413 milliards d’euros), offre des opportunités inédites. Mais pour réussir, les entreprises doivent relever plusieurs défis :
- Accélérer la production tout en maintenant la qualité.
- Attirer des talents dans un marché du travail tendu.
- Renforcer la cybersécurité pour protéger les données sensibles.
- Diversifier les sources de financement pour réduire la dépendance aux fonds publics.
Le gouvernement, conscient de ces enjeux, multiplie les initiatives. La création d’un fonds d’investissement accessible dès 500 euros permet aux particuliers d’investir dans la BITD, tandis que la Banque européenne d’investissement double ses financements pour atteindre 1 milliard d’euros en 2025.
En conclusion, la BITD française est bien plus qu’un ensemble d’entreprises : c’est un écosystème stratégique qui garantit la souveraineté nationale. En 2025, entre grands groupes, PME innovantes et ambitions européennes, elle se prépare à relever les défis d’une économie de guerre avec audace et détermination. L’avenir de la défense française se joue aujourd’hui, et chaque acteur, du plus grand au plus petit, y contribue.