Emaux de Longwy, renaissance d’une manufacture de luxe française
L'annonce du placement en redressement judiciaire de la Manufacture des Emaux de Longwy 1798, fleuron du luxe français, avait fait l'effet d'un choc en septembre dernier. Mais quatre mois plus tard, l'activité de cette filiale du groupe de PME Emblem, spécialisée dans les céramiques décorées selon la technique ancestrale de l'émaillage cloisonné, connaît une embellie inattendue. Un sursaut salvateur qui fait espérer un redressement durable de cette pépite du patrimoine lorrain.
Un savoir-faire d'exception en péril
Depuis 1798, la Manufacture des Emaux de Longwy perpétue la tradition de l'émaillage cloisonné, une technique de décoration de la céramique consistant à délimiter des motifs à l'aide de minces bandeaux métalliques dans lesquels sont déposés des émaux colorés. Un savoir-faire minutieux et essentiellement manuel, inscrit à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France, qui a fait la renommée des créations de Longwy dans le monde entier.
Mais malgré la haute valeur ajoutée de ses produits, l'entreprise de 34 salariés peine depuis des années à atteindre le seuil de rentabilité, accumulant un important passif social et fiscal. Son placement en redressement judiciaire le 19 septembre dernier faisait craindre le pire, avec une baisse de 13% de l'activité anticipée en 2024 par rapport à 2023. Un coup dur pour ce fleuron du Made in France, dont la survie semblait plus que jamais menacée.
Le sursaut des fêtes de fin d'année
C'était sans compter sur la mobilisation des amateurs d'art et des défenseurs du patrimoine, qui se sont empressés de commander bols, vases et autres pièces de forme dès l'annonce de la procédure de redressement. Un sursaut de consommation qui, conjugué aux achats des fêtes de fin d'année, a permis à la manufacture de réaliser un chiffre d'affaires de 2,1 à 2,2 millions d'euros en 2024, soit un niveau équivalent à celui de 2023.
Cette mobilisation devrait nous permettre de finir l'année au même niveau qu'en 2023, alors qu'à la rentrée nous étions sur une tendance baissière de 13%.
Martin Piétri, président de la Manufacture des Emaux de Longwy 1798
Ce regain d'activité inespéré a redonné de l'espoir à Martin Piétri, l'homme qui a repris l'entreprise il y a dix ans. Le dirigeant attend désormais beaucoup des contrats signés avec de grandes maisons de luxe comme Dior et Louis Vuitton, mais aussi de projets d'aménagement intérieur comme la fresque murale de 15 m2 réalisée pour une boutique Cartier à Tokyo.
Cap sur l'équilibre en 2025
Fort de ces nouvelles opportunités, Martin Piétri s'est fixé un objectif ambitieux mais réalisable : atteindre le point d'équilibre de la société à 2,5 millions d'euros de chiffre d'affaires d'ici fin 2025. Pour y parvenir, il compte maximiser les effets du redressement judiciaire en demandant le renouvellement de la période d'observation de 6 mois, puis engager un plan de continuation sur 10 ans qui permettrait d'apurer la dette.
Après avoir allégé la masse salariale en ne renouvelant pas 6 postes suite à des départs, l'entreprise mise désormais tout sur son développement commercial pour renouer avec les bénéfices. Des efforts qui pourraient enfin récompenser l'engagement sans faille de Martin Piétri depuis une décennie pour sauver ce joyau du patrimoine industriel français.
Un écosystème du luxe made in France
Le destin de la Manufacture des Emaux de Longwy est étroitement lié à celui d'Emblem, le groupe de PME dont elle est la filiale. Cet écosystème rassemble d'autres pépites de l'artisanat de luxe français comme Taillardat et Craman-Lagarde, deux fabricants de meubles haut de gamme, ainsi que la maison Vernaz & filles, spécialiste de la dorure à la feuille.
Malgré un chiffre d'affaires de seulement 6,5 millions d'euros en 2024, ce groupe de 70 personnes joue un rôle essentiel dans la préservation et la transmission de savoir-faire d'exception. Des métiers d'art et de la main qui contribuent au rayonnement international du luxe made in France, malgré la concurrence féroce des pays à bas coût.
En se serrant les coudes, ces PME entendent bien prouver qu'il est possible de concilier excellence artisanale et performance économique. Un modèle qui pourrait en inspirer plus d'un, à l'heure où la quête de sens et d'authenticité n'a jamais été aussi forte chez les consommateurs. La renaissance des Emaux de Longwy en est le plus bel exemple.
