Énergies vertes offshore : Aberdeen, capitale du pétrole, se met à l’éolien en mer
Et si la capitale du pétrole devenait la reine de l'éolien en mer ? C'est le pari que tente de relever Aberdeen, ville portuaire écossaise qui a construit sa prospérité sur l'or noir. Face à la baisse des cours et la nécessité d'une transition énergétique, les acteurs locaux cherchent à se réinventer en misant sur l'économie verte, au premier rang de laquelle l'éolien offshore. Une mue pleine de promesses mais semée d'embûches, où l'avenir des travailleurs du pétrole n'est pas assuré.
Aberdeen Bay Wind Farm, symbole des ambitions écossaises
À quelques encablures des côtes, le parc éolien Aberdeen Bay Wind Farm et ses onze turbines géantes témoignent du virage vert amorcé par la région. Mis en service en 2018, il s'agit d'un des plus puissants au monde, fruits d'un partenariat entre le Danois Vestas et le Suédois Vattenfall. Une fierté locale et un symbole des ambitions écossaises en matière d'énergies renouvelables.
Pourtant, la baisse des cours du brut a laissé des traces. À son apogée en 2015, l'industrie pétrolière faisait travailler plus de 25 000 personnes à Aberdeen. Un chiffre en chute libre depuis, qui peine à être compensé par les emplois créés dans l'éolien offshore.
Une transition à la peine malgré les promesses
Car en dépit des discours volontaristes, force est de constater que les investissements ne suivent pas. Un récent appel d'offres pour de nouveaux parcs éoliens n'a reçu aucune candidature, le prix plafond étant jugé trop bas. Les objectifs ambitieux de 50 GW d'éolien en mer pour 2030 paraissent inatteignables.
Au Royaume-Uni, il n'y a pas encore de transition. Quand il n'y aura ni pétrole ni gaz, beaucoup de travailleurs perdront leur emploi. Et l'éolien en mer ne pourra pas tous les accueillir.
– Jake Molloy, syndicaliste
Un constat amer partagé par de nombreux acteurs. En cause : l'absence de planification politique claire et d'un véritable "plan pour une transition juste", qui aurait dû être publié en 2023 par le gouvernement écossais. Résultat, entreprises et investisseurs font face à trop d'incertitudes.
Le port en première ligne de la reconversion
Malgré ce contexte défavorable, certains font le pari de la transition. C'est le cas du port d'Aberdeen qui mise gros sur l'éolien en mer pour assurer son avenir. Une extension de 7,6 km a été construite au sud pour un coût de 500 millions d'euros, dans l'optique d'accueillir les futurs parcs.
Mais pour l'heure, le renouvelable ne pèse qu'1% de son chiffre d'affaires, les hydrocarbures trustant toujours la vedette. La reconversion prendra du temps et il faudra convaincre investisseurs comme décideurs politiques d'y mettre les moyens. Et ce dans un contexte social tendu, où les travailleurs s'inquiètent pour leur avenir.
Pétrole et éolien, des compétences transférables?
Car la question de la formation et de l'employabilité des salariés du pétrole est cruciale. Si de nombreuses compétences sont en théorie transférables vers l'éolien, dans les faits, le passage de l'un à l'autre a un coût. Celui des certifications nécessaires, souvent à la charge des employés.
Des initiatives existent, comme ce projet de "passeport de compétences" porté par l'organisation patronale OEUK. Mais il faudra plus que cela pour assurer un réel avenir aux travailleurs de la mer du Nord. Des investissements massifs dans la formation, la création de filières industrielles renouvelables, et surtout une vraie volonté politique de planifier la transition.
Faute de quoi, Aberdeen pourrait rester une capitale pétrolière... sans pétrole. Et avec des renouvelables au rabais. Un scénario que tentent d'éviter à tout prix les acteurs locaux, bien conscients que l'avenir ne peut plus s'écrire uniquement en noir, mais aussi en vert. La partie est loin d'être gagnée, mais la mutation est en marche malgré les obstacles. À Aberdeen, on veut croire que le vent peut encore tourner.