Eni propulse le supercalculateur le plus puissant d’Europe
En ce 25 décembre 2024, pendant que le commun des mortels déballait ses cadeaux au pied du sapin, le géant italien de l'énergie Eni s'offrait un présent d'une tout autre envergure : la mise en service de HPC6, son dernier-né parmi les supercalculateurs et désormais le plus puissant d'Europe. Un véritable monstre de puissance, dont les 477 pétaflops pulvérisent les records, mais qui suscite des interrogations quant à son utilisation future. Servira-t-il davantage la cause des énergies fossiles ou de la transition écologique ?
Dans les entrailles du data center d'Eni
Direction Ferrera Erbognone, à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Milan. C'est là, au sein de son imposant data center, qu'Eni a installé sa nouvelle bête de course. Le HPC6 impressionne d'abord par ses mensurations. Pour le refroidir, pas moins de 3472 unités de calcul, chacune embarquant un processeur AMD EPYC 64 cœurs et quatre GPU AMD Instinct MI250X. Au total, le supercalculateur aligne donc la bagatelle de 13 888 GPU !
Une débauche de moyens dont le coût officiel s'élève à 104,1 millions de dollars. Mais au-delà de la performance pure, c'est bien l'efficience énergétique qui était recherchée. Le data center d'Eni se distingue en effet par son système de refroidissement liquide, permettant d'évacuer la chaleur bien plus efficacement que l'air.
Doper l'exploration des hydrocarbures
Mais qu'en est-il de l'utilisation qui sera faite de ce supercalculateur nouvelle génération ? Eni ne s'en cache pas, l'un des objectifs sera d'analyser plus rapidement de vastes jeux de données sismiques afin d'identifier de nouveaux gisements de gaz et de pétrole exploitables. Forages, modélisations des réservoirs, simulations de production… autant de tâches gourmandes en puissance de calcul et qu'HPC6 devrait accomplir bien plus vite que ses prédécesseurs.
HPC6 devrait déterminer avec précision l'emplacement des réserves d'hydrocarbures, la taille des gisements et pourrait lister des stratégies à mettre en place pour y accéder.
Mais aussi accélérer la transition énergétique ?
Toutefois, Eni assure que son nouveau bijou technologique servira aussi sa stratégie de transition énergétique et de décarbonation. Le groupe met en avant que 70% du temps de recherche de ses équipes est désormais consacré aux énergies propres. Dans ce domaine, les supercalculateurs ont un rôle clé à jouer :
- Découverte de nouveaux matériaux pour le stockage de l'énergie ou l'électrolyseur.
- Modélisation des plasmas dans les réacteurs à fusion nucléaire.
- Optimisation des technologies de capture du CO2.
- Amélioration du rendement des panneaux solaires.
Bref, autant de challenges complexes où la puissance de calcul fait la différence. Avec HPC6, Eni espère ainsi accélérer sa mue vers un modèle plus durable. Le groupe s'est fixé pour objectif d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, un virage stratégique qui passera nécessairement par l'innovation technologique.
Un leadership européen, mais pour combien de temps ?
Avec ce supercalculateur dernière génération, Eni s'empare donc de la première place sur le podium européen. Le HPC6 relegue loin derrière le Juwels de l'institut de recherche de Jülich en Allemagne (70 pétaflops) ou le Lumi du consortium EuroHPC installé en Finlande (151 pétaflops). À l'échelle mondiale, il se hisse à la cinquième place du classement des ordinateurs les plus rapides de la planète.
Mais dans cette course à l'armement technologique, la concurrence fait rage et les records ont une durée de vie limitée. Outre-Atlantique, le monstre japonais Fugaku (537 pétaflops), les machines américaines Summit et Sierra ou encore le chinois Sunway TaihuLight dominent toujours la compétition. Et tous préparent déjà la prochaine génération de supercalculateurs exaflopiques, capable de réaliser un milliard de milliards (10^18) d'opérations par seconde.
En attendant, le nouveau joujou high-tech d'Eni va permettre au groupe transalpin de rester dans la course, que ce soit pour dénicher les ultimes réserves d'or noir ou accélérer sa transition vers l'après-pétrole. Un outil à double tranchant, dont l'utilisation dans les années à venir sera scrutée de près. Car au final, ce sont bien les choix stratégiques qui seront faits qui détermineront si ce supercalculateur aura servi davantage la cause du climat ou celle des énergies fossiles.