EQ Bank rachète PC Financial pour 800 M$
Imaginez-vous faire vos courses chez Loblaws, remplir votre panier… et en sortant, régler votre prêt immobilier au même endroit. Ce qui ressemblait il y a encore quelques années à de la science-fiction vient de franchir un pas décisif vers la réalité.
Mercredi soir, EQB, la maison-mère d’EQ Bank, a annoncé le rachat de PC Financial pour la somme rondelette de 800 millions de dollars. Un mouvement qui fait trembler le petit monde feutré de la banque canadienne.
Un mariage qui change la donne dans la banque canadienne
Derrière ce chiffre se cache bien plus qu’une simple transaction. C’est la rencontre de deux acteurs qui ont toujours joué les trouble-fête face aux cinq grandes banques historiques (RBC, TD, Scotiabank, BMO et CIBC). EQ Bank, pure banque numérique lancée en 2016, et PC Financial, l’ex-bras bancaire de Loblaw qui a repris son indépendance en 2017.
Le résultat ? Près de 3,5 millions de clients bancaires réunis sous une même bannière et surtout l’accès exclusif aux 17 millions de membres du programme PC Optimum. Autant dire que le nouveau géant jaune va pouvoir parler très fort.
« C’est une rare fusion dont on n’a probablement pas à s’inquiéter. »
– Keldon Bester, directeur exécutif du Canadian Anti-Monopoly Project
Ce que les clients vont réellement gagner (ou perdre)
Concrètement, la vie quotidienne de millions de Canadiens va changer. Et pas qu’un peu.
- Les clients PC Financial accèdent enfin à des comptes d’épargne à haut rendement et des CELI complets (jusque-là très limités chez PC)
- Les clients EQ Bank mettent la main sur des cartes de crédit et peuvent désormais faire leurs opérations en personne dans plus de 2 500 points de vente Loblaw
- Tous les magasins Pharmaprix, Provigo, Real Canadian Superstore etc. arboreront bientôt le jaune éclatant d’EQ Bank
C’est simple : vous pourrez déposer un chèque en achetant vos œufs et votre lait. L’expérience « tout sous le même toit » que les grandes banques proposent depuis toujours, mais version moderne et sans frais cachés.
Pourquoi ce deal arrive maintenant
Le timing n’est pas anodin. EQB sort d’une année 2025 compliquée : revenus en baisse de 4 %, suppression de 8 % des effectifs en octobre. L’acquisition tombe à pic pour redonner du souffle.
De son côté, Loblaw récupère 17 % du capital d’EQB. Galen Weston se retrouve ainsi actionnaire d’une banque qui va pousser ses clients à dépenser… dans ses propres magasins. L’intérêt est évident.
Et pendant ce temps, le secteur bancaire canadien est en pleine effervescence : Laurentian Bank vendue la veille, Questrade qui lance enfin Questbank en 2026… On assiste à une recomposition historique du paysage.
Les Big Five ont du souci à se faire ?
Sur le papier, non. Chaque grande banque gère encore entre 1 000 et 2 000 milliards d’actifs. EQB et PC Financial réunis culminent à peine à 143 milliards. On est loin du compte.
Mais dans les faits, c’est autre chose. Les Canadiens en ont marre des frais exorbitants, des files d’attente et des taux d’intérêt ridicules sur leurs comptes d’épargne. EQ Bank et PC Financial ont bâti leur réputation là-dessus : zéro frais, taux élevés, tout en ligne.
Avec cette fusion, le nouveau joueur combine :
- La meilleure application bancaire numérique du pays (EQ Bank trust régulièrement les sondages JD Power)
- Le programme de fidélité le plus populaire au Canada
- Un réseau physique inattendu mais massif (les épiceries Loblaw)
C’est l’arme ultime pour grignoter des parts de marché chez les jeunes, les familles et tous ceux qui rêvent d’une banque qui ne les prend pas pour des vaches à lait.
Les zones d’ombre à surveiller
Tout n’est pas rose. EQB annonce déjà 30 millions de dollars de « synergies annuelles ». Dans le jargon bancaire, cela veut souvent dire suppressions de postes. Certains employés des deux côtés risquent de faire les frais de la fusion.
Et puis il y a la question de la concurrence. Même si Keldon Bester se veut rassurant, voir le plus gros programme de fidélité du pays tomber dans les mains d’une seule banque peut poser problème à long terme.
Enfin, les clients PC Financial actuels vont-ils vraiment conserver leurs avantages ? L’histoire montre que les belles promesses de fusion finissent parfois en hausses de frais déguisées.
Ce que ça nous dit sur l’avenir de la banque au Canada
Cette opération est un signal fort. Les banques challengers passent à la vitesse supérieure. Elles ne se contentent plus de grappiller quelques clients mécontents : elles construisent des écosystèmes complets.
Dans cinq ans, il est possible que faire ses courses et gérer son argent ne fassent plus qu’un. Que votre banque vous connaisse mieux que votre conjoint parce qu’elle sait exactement ce que vous mettez dans votre panier.
Effrayant ? Peut-être. Pratique ? Certainement. Et surtout, c’est la preuve que même au Canada – ce pays où l’on disait le secteur bancaire immuable – les lignes bougent enfin.
La transaction doit être finalisée en 2026. D’ici là, une chose est sûre : les grandes banques regardent dans leur rétroviseur. Et ce qu’elles y voient est de plus en plus jaune.