Everbloom Transforme Plumes en Cachemire avec IA
Imaginez un pull en cachemire aussi doux et chaud que ceux vendus à prix d'or, mais fabriqué à partir de déchets que personne ne veut. Des plumes de poulet, des chutes de laine ou même des résidus de fermes. Cela semble improbable ? Pourtant, une startup est en train de rendre cela possible, en combinant intelligence artificielle et science des matériaux pour révolutionner l'industrie textile.
Le cachemire envahit nos garde-robes, souvent à des prix défiant toute concurrence. Mais derrière ces offres alléchantes se cache une réalité plus sombre : une pression énorme sur les élevages de chèvres, avec des pratiques parfois destructrices pour l'environnement et les animaux. C'est là qu'intervient une solution inattendue et ingénieuse.
Everbloom : L'IA au service d'un textile plus responsable
Everbloom, une jeune entreprise innovante, a développé une technologie qui transforme des déchets riches en kératine – cette protéine présente dans les poils, les plumes et les ongles – en fibres haut de gamme. Leur ambition ? Reproduire les qualités exceptionnelles du cachemire, tout en réduisant drastiquement l'impact écologique de sa production.
Le fondateur, Sim Gulati, explique que les prix bas du cachemire actuel masquent un problème profond. Les éleveurs augmentent la fréquence des tonte, dégradant la qualité de la fibre et créant des pratiques d'élevage intenables. Plutôt que de moraliser les consommateurs, Everbloom propose une alternative concrète.
« Les producteurs de matières premières sont sous une énorme pression. Ce qu’on voit avec les pulls en cachemire à 50 dollars, c’est une tonte beaucoup plus fréquente, une fibre de moindre qualité et des pratiques d’élevage non durables. »
– Sim Gulati, cofondateur et CEO d'Everbloom
Braid.AI : L'intelligence artificielle qui réinvente la fibre
Au cœur de cette innovation se trouve Braid.AI, un modèle d'intelligence artificielle spécialisé en science des matériaux. Cet outil permet d'ajuster précisément les paramètres pour obtenir des fibres aux caractéristiques désirées : douceur extrême pour imiter le cachemire, résistance pour remplacer le polyester, ou encore isolation thermique parfaite.
Le processus reste étonnamment simple dans son principe. Everbloom collecte des déchets de la chaîne textile : chutes de laine, résidus de cachemire, plumes issues de l'industrie avicole, ou même duvet de literie usagée. Tous ces matériaux ont un point commun essentiel : ils sont composés de kératine.
Ces déchets sont broyés, mélangés à des composés propriétaires, puis passés dans des machines d'extrusion plastique classiques. Les granulés obtenus alimentent ensuite des filatures traditionnelles, celles utilisées pour 80 % du marché textile mondial. L'objectif : s'intégrer parfaitement dans les chaînes de production existantes, sans nécessiter d'investissements massifs.
Un processus chimique ingénieux dans des machines existantes
Toutes les réactions chimiques nécessaires se produisent directement dans ces équipements standards. En modifiant la formulation et les paramètres grâce à l'IA, Everbloom peut produire une large gamme de fibres. Du polyester biodégradable au cachemire recyclé, les possibilités semblent infinies.
La startup affirme que toutes ses fibres sont biodégradables, même celles destinées à remplacer le polyester conventionnel, souvent critiqué pour sa persistance dans l'environnement. Des tests accélérés sont en cours pour valider cette promesse, mais les premiers résultats sont encourageants.
L'avantage écologique ne s'arrête pas là. En valorisant des déchets déjà produits, Everbloom réduit considérablement l'empreinte carbone par rapport à l'extraction de nouvelles matières premières. Moins d'élevage intensif, moins de transport, moins de ressources gaspillées.
Pourquoi cette innovation pourrait changer la mode durable
Le véritable défi de la mode durable n'est pas seulement d'être écologique, mais aussi économiquement viable. Trop souvent, les alternatives vertes souffrent d'un « premium durable » : elles coûtent plus cher, limitant leur adoption massive.
Everbloom refuse cette logique. Leur matériau vise à être moins cher que les équivalents traditionnels, tout en offrant des performances similaires, voire supérieures. Une approche pragmatique qui pourrait enfin démocratiser la mode responsable.
« Je ne crois pas au premium durable. Pour qu’un matériau réussisse, il doit offrir à la fois un bénéfice produit et un avantage économique pour tous les acteurs de la chaîne. C’est notre objectif. »
– Sim Gulati, cofondateur et CEO d'Everbloom
Cette vision pourrait séduire les grandes marques, souvent critiquées pour leur impact environnemental mais contraintes par les impératifs de marge. Si Everbloom parvient à scaler sa production, nous pourrions voir apparaître des collections entières en « cachemire recyclé » à des prix accessibles.
Les sources de matières premières : du déchet à la ressource
Actuellement, Everbloom s'approvisionne auprès de fermes à cachemire et laine, d'usines de transformation, et de fournisseurs de duvet. Mais l'une des pistes les plus prometteuses reste l'industrie avicole.
Chaque année, des milliards de poulets sont élevés pour leur viande, générant des tonnes de plumes considérées comme des déchets. Pourtant, ces plumes sont riches en kératine de haute qualité. Les valoriser permettrait non seulement de réduire les déchets, mais aussi de créer une nouvelle source abondante et peu coûteuse de matière première.
D'autres déchets pourraient suivre : cornes, ongles, ou même cheveux humains issus des salons de coiffure. La kératine est partout dans les résidus biologiques, attendant d'être transformée.
Un financement solide pour une ambition mondiale
Everbloom n'est pas seule dans cette aventure. La startup a déjà levé plus de 8 millions de dollars auprès d'investisseurs reconnus comme Hoxton Ventures et SOSV. Un signal fort que le secteur croit en cette technologie disruptive.
Ces fonds permettent d'accélérer le développement de Braid.AI, d'optimiser les processus industriels, et de réaliser les tests nécessaires à la certification des matériaux. La route est encore longue avant une commercialisation à grande échelle, mais les bases semblent solides.
Les défis à relever pour une adoption massive
Malgré son potentiel, Everbloom devra surmonter plusieurs obstacles. La validation scientifique de la biodégradabilité reste cruciale pour convaincre les marques et les consommateurs. Les tests accélérés doivent être complétés par des études en conditions réelles.
La scalabilité pose aussi question. Passer d'un prototype à des volumes industriels nécessite des partenariats solides avec les acteurs de la filature et de la confection. Heureusement, l'utilisation d'équipements standards facilite cette transition.
Enfin, la perception reste un enjeu. Acceptera-t-on facilement un pull « en plumes recyclées » ? La communication autour de la qualité et du toucher sera déterminante pour faire oublier l'origine des matériaux.
Vers une industrie textile circulaire et intelligente
L'approche d'Everbloom s'inscrit dans une tendance plus large : l'utilisation de l'IA pour résoudre des problèmes complexes en science des matériaux. D'autres startups explorent des voies similaires, comme la création de cuir à partir de mycélium ou de soie d'araignée synthétique.
Mais ce qui distingue Everbloom, c'est sa compatibilité avec l'infrastructure existante et son refus du premium prix. Si elle réussit, elle pourrait inspirer toute une génération de matériaux upcyclés, rendant la mode durable non plus une niche, mais la norme.
Dans un monde où l'industrie textile est l'une des plus polluantes, des innovations comme celle-ci redonnent espoir. Transformer des déchets en trésors, grâce à l'intelligence artificielle : voilà peut-être la recette d'une mode enfin responsable, accessible et luxueuse.
Le futur du cachemire ne viendra peut-être plus des steppes mongoles, mais des plumes de nos assiettes. Une révolution douce, qui pourrait bien nous envelopper tous dans quelques années.